Les évêques suisses à Einsiedeln | © Oliver Sittel
Suisse

2019: Changements et crises ont mis les évêques suisses au défi

Quels sujets ont occupé les évêques suisses en 2019? Quels défis les attendent en 2020? A l’orée de l’année nouvelle, cath.ch s’est livré à un petit exercice de bilan-programme pour chacun des membres de la Conférence épiscopale (CES)

Martin Spilker, kath.ch / traduction adaptation Maurice Page

1ere année de présidence pour Felix Gmür

Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle, a pris la présidence de la Conférence des évêques suisses (CES) le 1er janvier. Dans cette fonction, il participé à un événement marquant pour l’Église catholique en Suisse en octobre : La canonisation de la couturière Fribourgeoise Marguerite Bays (1815-1879). Mgr Gmür a apprécié le fait qu’une laïque ait été canonisée: «C’est remarquable et cela montre que chacun d’entre nous peut vivre une vie sainte.»

En tant que président du Conseil de fondation de l’Action de Carême, Félix Gmür était en août en voyage en Colombie: «J’y suis allé en tant que personne intéressée et à l’écoute». Par sa présence, il tenait à montrer que l’Eglise est derrière le travail de son œuvre d’entraide.

Mgr Felix Gmür a visité fin août la Colombie | © Markus Brun/Action de Carême

En octobre à Rome pour le Synode sur l’Amazonie à Rome, l’évêque de Bâle a milité pour accorder le droit de vote aux femmes présentes dans l’assemblée. «Si des religieux non consacrés peuvent voter, alors les religieuses devraient également être autorisées à le faire», a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse du mouvement de renouveau catholique «Voices of Faith» (Voix de la foi).

Denis Theurillat parie sur le dialogue

Mgr Denis Theurillat, évêque auxiliaire de Bâle, a participé au service religieux organisé début décembre, à Berne, à l’occasion de l’ouverture de la législature du Parlement suisse.»Je suis convaincu que ce genre de célébration est utile pour la politique. L’Esprit Saint est présent partout et a la capacité d’ouvrir tous les cœurs».

L’évêque auxiliaire avait manifesté le même désir de dialogue lors de l’assemblée des déléguées de la Fédération suisse des femmes catholiques à la fin du mois de mai. La journée était placée sous de thème de la «grève des femmes de l’Église” et la revendication de «l’égalité des droits: un point c’est tout, Amen». Mgr Theurillat s’est dit confiant que les fortes attentes exprimées pour des changements dans l’Église conduiront à un dialogue constructif qui fera avancer.

Une phase de transition à Coire avec Pierre Bürcher

Après la prolongation de deux ans du mandat de l’évêque de Coire Vitus Huonder en 2017, son 77e anniversaire était attendu avec impatience. Son mandat allait-il encore se poursuivre? La réponse est tombée peu après. Le pape François a accepté la démission de Mgr Huonder le 20 mai et a nommé le Valaisan Pierre Bürcher comme administrateur apostolique du diocèse de Coire.

Mgr Vitus Huonder, derrière Mgr Pierre Bürcher, son successeur à Coire | © kath.ch

Pierre Bürcher, 73 ans, est considéré comme une personnes à l’écoute. Evêque auxiliaire du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, de 1994 à 2007, il est devenu ensuite évêque de Reykjavik en Islande. En 2015, il a démissionné de ce poste pour des raisons de santé. Lors de sa nomination comme administrateur apostolique, il a indiqué que la période de transition jusqu’à l’élection et l’installation d’un nouvel évêque de Coire ne serait pas très longue. Dans ce sens il a également laissé tous ses collaborateurs à leur poste. Pour l’instant, la procédure d’élection d’un successeur ne semble cependant guère progresser. Selon une déclaration du nonce apostolique Mgr Thomas Gullickson, «il faudra d’abord passer Noël, puis Pâques et ensuite probablement un évêque pour Coire viendra…»

L’évêque Huonder, désormais émérite, a fait parler de lui par ses contacts avec la Fraternité sacerdotale saint Pie X de Mgr Lefebvre. Mgr Huonder s’est installé à Wangs (SG) dans une maison de la FSSPX. Il entend y oeuvrer pour la tradition dans la prière et le silence ainsi que dans la célébration de la messe traditionnelle, dans lesquels il reconnaissait le seul moyen pour le renouveau de l’Eglise.

Marian Eleganti, un auxiliaire qui tire vers le conservatisme

L’évêque auxiliaire de Coire, Marian Eleganti, a été très présent dans les médias, mais son message est resté souvent difficile à comprendre. Sur des portails conservateurs tels que «Die Tagespost» ou «kath.net», il s’est exprimé avec force contre des contenus débattus lors du Synode sur l’Amazonie et qui ont retenu l’attention du pape François. Dans un récent entretien avec le «Luzerner Zeitung», Mgr Eleganti a également attaqué directement le pape. Il a décrit sa rencontre avec le grand imam du Caire et la signature de ” la déclaration commune sur la fraternité de tous les peuples ” comme un «choc de contradictions ” entre les religions. Par cette déclaration l’évêque auxiliaire se met à l’écart du dialogue interreligieux, puisque la signature de la déclaration a été qualifiée de moment historique.

Charles Morerod toujours très impliqué dans la lutte contre les abus

Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, s’est distingué en 2019 par son grand engagement dans un des plus tristes chapitres de l’Église catholique: la gestions les cas d’abus sexuels dans le cadre ecclésial. Responsable, au sein de la Conférence épiscopale, des questions relatives à la lutte contre les abus il a renforcé sensiblement ce travail au niveau national. Dans son diocèse il en a a également fait une priorité.

Mgr Charles Morerod inaugure la plaque érigée à la mémoire des victimes d’abus sexuels dans l’Eglise, à la cathédrale St-Nicolas de Fribourg | © Maurice Page

Sur proposition de l’association de victimes romande «Groupe Sapec», une plaque commémorative pour les victimes d’agressions sexuelles a été inaugurée en novembre dans la cathédrale de Fribourg Le sujet continuera à occuper l’Eglise catholique et pas seulement en Suisse. Avec Charles Morerod, la CES a une personnalité qui n’a pas peur de s’attaquer à ces problèmes brûlants.

Médias et jeunesse: les deux thèmes d’Alain de Raemy

Alain de Raemy, évêque auxiliaire de LGF est responsable, au sein de la CES, des médias et de la jeunesse Dans cette fonction, il a remis le prix catholique des médias au livre Im Fahr. L’ouvrage montre, en mots et en images, l’histoire et la vie quotidienne des bénédictines du couvent du même nom, près de Zurich. Mais ce n’est «pas comme dans un conte de fées», a relevé l’évêque. «Ce sont des conditions réelles, pas un mur Facebook!»

Au début de l’année, en tant qu’évêque des jeunes, Mgr de Raemy a accompagné un groupe de jeunes Suisses au Panama pour les Journées mondiales de la jeunesse. Il a été impressionné par la vitalité de la foi vécue par les jeunes du monde entier. Il voit dans la lettre du pape Christus vivit, publiée en mars, un texte qui, par son ouverture, s’adresse expressément aux jeunes. Mgr de Raemy soutient également «l’idée d’un conseil de jeunesse en Suisse, pour les jeunes et surtout par les jeunes».

Nouvel organe de presse pour Valerio Lazzeri

Valerio Lazzeri, évêque de Lugano, veut rendre ses lettres pastorales accessibles aux enfants. A cet effet, le diocèse de Lugano a publié une brochure illustrée. Le contenu de quatre lettres pastorales écrites par l’évêque y est expliqué avec de courts passages. La publication est également illustrée par des images colorées d’une jeune figure ressemblant à l’évêque. Mgr Lazzeri a dédié ses lettres pastorales aux quatre éléments: le feu, l’eau, l’air et la terre. Le livret pourra être utilisé dans les écoles ainsi que dans la catéchèse.

Mgr Valerio Lazzeri, évêque de Lugano depuis 2013 | © Oliver Sittel

Le journal tessinois Corriere del Ticino a publié pour la première fois à la mi-janvier le supplément de quatre pages Catholica. Pour l’évêque de Lugano il s’agit d’une «grande opportunité qui nous est offerte». La disparition du journal diocésain Giornale del Popolo, en mai 2018, avait laissé un «désert de papier» dans la présence médiatique de l’Eglise.  L’évêque se réjouit de faire à nouveau entendre la voix catholique au Tessin. Il a aussi attiré l’attention cette année dans les médias sociaux: c’est l’évêque suisse qui a le plus d’adeptes sur Facebook: 4’100 personnes suivent @VescovoValerioLazzeri.

Cinq ans d’épiscopat pour Jean-Marie Lovey

Devant le manque de vocations sacerdotales, l’évêque de Sion, Jean-Marie Lovey, a souligné l’importance de la mission. À la fin de septembre, Mgr Lovey a fait le point devant les journalistes après cinq ans à la tête du diocèse. «Nous ne pouvons plus fournir un prêtre pour chaque paroisse», a déclaré Mgr Lovey. «Tout baptisé doit être conscient de son rôle et de sa responsabilité dans l’annonce de l’Evangile», a-t-il souligné. L’apostolat par les laïcs figure donc en tête de la liste des priorités de l’évêque.

Sion le 28 février 2019. Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion. Conférence de presse sur le suicide assisté. | © B. Hallet

Sur mandat de l’évêque de Sion, Jean-Raphaël Kurmann a étudié la présence de l’Eglise dans le tourisme. Les paroisses et les offices de tourisme devraient chercher à se rapprocher, conclut-il.

70 ans pour Markus Büchel

Markus Büchel, évêque de Saint-Gall, a pris ses fonctions en 2006. Il a eu 70 ans, le 9 août 2019. Sa devise est in gaudio et spe (dans la joie et l’espérance). L’un ou l’autre espoir a-t-il été anéanti au cours des treize ans de fonction? «Non, je suis encore plein de confiance. Même si je remarque que les mêmes thèmes que lorsque j’étais étudiant continuent d’être débattus dans l’Église. La place des femmes dans l’Eglise ou le célibat sont des sujets brûlants qui ne peuvent évidemment pas être résolus du jour au lendemain».

Mgr Markus Büchel veut que l’Eglise change son approche de la sexualité | © Jacques Berset

Et pourtant, beaucoup de choses ont déjà changé, par exemple à travers de nouveaux domaines d’engagement pour des femmes et des hommes non consacrés dans la pastorale. «Personne n’y aurait pensé, même en rêve, il y a 50 ans».

L’évêque de Saint-Gall est également revenu en mars sur la thématique des abus sexuels. «Une considération erronée pour la réputation de l’Eglise a permis, entre autres, de dissimuler les crimes, de nier la souffrance des victimes et donc de l’augmenter», a écrit l’évêque. «Ce n’est pas la mise au jour qui blesse les gens et divise l’Église, mais les crimes de violence sexuelle et leur dissimulation.» En outre, l’Église doit enfin revoir son traitement de la sexualité. Pendant trop longtemps, elle ne l’a pas traitée comme un don de Dieu mais comme un fléau de l’humanité.

Urban Federer veut un monastère ouvert

Les abbés des abbayes territoriales de Saint-Maurice et d’Einsiedeln sont également membres de la Conférence épiscopale. Evoquant le thème de la mission Urban Federer, abbé d’Einsiedeln, a relevé: «Je dois sortir de ma propre zone de confort. Ainsi la mission peut devenir une passion pour Jésus-Christ et en même temps une passion pour son peuple».

Le monastère d’Einsiedeln (SZ) est un lieu populaire au-delà de l’important pèlerinage. Les boutiques des arcades ont été rouvertes après la rénovation du parvis. Le couvent a maintenant installé un pavillon d’information afin d’ouvrir «une fenêtre sur le monastère». En 2019, les premiers signes du World Theatre 2020 étaient déjà perceptibles à Einsiedeln. Enfin le 20 juin, l’abbé Urban a lancé une étape du «Tour de Suisse».  

Jean Scarcella, héritier d’une histoire millénaire

Du côté de Saint-Maurice (VS), les reliques ont retenu l’attention. L’abbaye valaisanne s’est enrichi d’une parcelle du manteau de saint Louis, roi de France de 1226 à 1270. Le nouveau reliquaire a été présentée aux fidèles le jour de la Toussaint. «Ce moment restera dans l’histoire du monastère», a souligné l’abbé Jean Scarcella. L’abbaye de Saint-Maurice est le plus ancien monastère d’Occident ayant une vie monastique active et ininterrompue. Outre sa tradition vinicole, l’abbaye agaunoise s’est désormais lancée dans la production de bière.

Saint-Maurice le 2 juin 2019. Mgr Jean Scarcella reçoit les offrandes apportées par les femmes du Togo. | © B. Hallet

Pousser pour une nouvelle mission

Le mois missionnaire extraordinaire voulu par le pape François a également été un moment fort pour la CES. Six de ses membres étaient présents pour le lancer le 1er octobre, à Riva San Vitale dans le plus ancien baptistère de Suisse, à l’extrémité inférieure du lac de Lugano.

La question du renouveau de l’Eglise catholique face à la crise qu’elle subit a également préoccupé la Conférence des évêques suisses. Sans que ses membres parviennent pour l’heure à se donner une ligne directrice commune claire. Afin de mieux tenir compte de la diversité du paysage ecclésial suisse, la CES a renoncé à se lancer dans un processus de chemin synodal à la mode allemande. Les évêques préfèrent un renouveau par région ou par diocèse. Un manque de décision qui a suscité une certaine incompréhension dans le milieu ecclésial. Le sujet reviendra sur la scène en 2020. (cath.ch/kath.ch/ms/mp)      

Les évêques suisses à Einsiedeln | © Oliver Sittel
8 janvier 2020 | 17:00
par Rédaction
Temps de lecture: env. 9 min.
bilan (8), CES (341)
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