Les communautés juives et musulmanes se ont interrogé sur l'éventuelle présence de gélatine de porc dans certains vaccin contre le covid-19 | © Pixabay
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Anti-vaccins: quels fondements religieux derrière cette méfiance? 2/2

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Alors que les anti-vaccins font entendre leurs voix comme jamais dans le cadre de la lutte contre le Covid, retour sur les liens entre cette méfiance et diverses croyances spirituelles ou religieuses, hier comme aujourd’hui. Les communautés juives et musulmanes se sont interrogées sur la compatibilité des vaccins proposés avec la pratique «casher» ou «halal».

Par Anne-Sylvie Sprenger/Protestinfo

De leurs côtés, les communautés juives et musulmanes se sont inquiétées de la présence de gélatine de porc dans les produits utilisés pour stabiliser les vaccins contre le Covid. Les porte-paroles des sociétés pharmaceutiques Pfizer, AstraZeneca et Moderna ont alors confirmé à l’Associated Press, juste avant Noël, que les nouveaux vaccins ne contiennent pas de produits à base de porc et sont donc «casher» et «halal».

Interrogé par l’agence de presse internationale, un rabbin israélien avait d’ailleurs spécifié que tant que le produit non casher est injecté dans le corps et n’est pas «ingéré», la question de la casherout (code alimentaire dans le judaïsme) ne se pose pas. Quant au vaccin chinois du groupe Sinovac, le Conseil des oulémas d’Indonésie, la plus haute autorité islamique de la région, l’a déclaré officiellement conforme au rite musulman, le 8 janvier dernier.

Technophobie et scepticisme face à la science

Bien que présente dans la controverse, la dimension religieuse reste cependant minoritaire, souligne l’historien Laurent-Henri Vignaud. «On trouve ici ou là le nom de Dieu sur certains tracts, mais c’est résiduel par rapport à la masse de ceux qui concernent les deux Béhémoths (créatures bibliques monstrueuses, ndlr) de l’antivaccinisme contemporain: Big Brother et Big Pharma», souligne-t-il. Et d’ajouter: «S’il y a une religion qui entretient l’antivaccinisme aujourd’hui, ce serait plutôt celle d’un culte voué à la nature et une certaine forme de «technophobie» (Linky, 5G, etc.).» Depuis toujours d’ailleurs, commente-t-il, les antivax assimilent la vaccination à une pollution de l’organisme.

De son côté, la sociologue des religions Irene Becci constate «une augmentation des scepticismes culturels quant à la capacité de la science de guérir», comme le révèle «la profusion de nouvelles approches holistiques, en partie basées sur des visions orientales de la médecine (thérapies alternatives, par la voix, la respiration, la lumière, la méditation, etc.).» Une réaction face à certains échecs de la science, selon l’éthicien Denis Müller: «Les gens voudraient que la science, et en particulier la médecine, détienne la vérité absolue. Or ce n’est pas le cas, la science est forcément toujours du domaine de l’expérimental.»

Mouvements antivax et radicalisation

Les réticences aux vaccins semblent en effet s’être intensifiées ces dernières années. Aurait-on affaire actuellement à une méfiance particulière? Pour la sociologue, «la nouveauté réside surtout dans l’ampleur de ces approches New Age et holistiques».

«Ce n’est pas tant l’antivaccinisme qui augmente, mais plutôt le radicalisme dans certaines religions et l’enfermement communautaire», formule pour sa part l’historien. «Pour y faire face, plusieurs États américains qui prévoyaient jusque-là une clause de conscience religieuse ont retiré cette clause. Lors de l’épidémie chez les juifs orthodoxes de New York, la réaction de la municipalité a été ferme et a conduit à une vaccination obligatoire, le temps que la maladie régresse.»

Quelle éthique endosser?

Pour l’éthicien de l’EERS, ce serait plutôt l’attitude des anti-vaccins qui poserait un problème d’ordre éthique. En refusant de se faire vacciner, «ces personnes s’évitent tout risque, mais profitent, grâce au phénomène de l’immunité collective, du fait que les autres prennent sur eux le risque de dommages potentiels causés par le vaccin.» Et d’asséner: «Les anti-vaccins, pour des raisons égoïstes, refusent toute moralité de solidarité et d’engagement pour le bien commun, sans lequel aucune société ne peut exister.»

Pour le réformé, la balance des risques est vite établie: «La vaccination reste la contribution la plus efficace dans la lutte contre le virus. Personne ne connaît actuellement les effets secondaires à moyen et long terme. Mais nous connaissons mieux que nous ne le voudrions les conséquences dramatiques que le virus a déjà aujourd’hui.» (cath.ch/protestinfo/ass/bh)

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Les communautés juives et musulmanes se ont interrogé sur l'éventuelle présence de gélatine de porc dans certains vaccin contre le covid-19 | © Pixabay
26 janvier 2021 | 08:30
par Rédaction

Alors que débute la campagne de vaccination contre le coronavirus, les anti-vaccins envahissent l’espace public, et en particulier des réseaux sociaux, à grand coup de messages militants et autres vidéos contestataires. Mais quelle est la part réelle de la religion au sein de cette contestation? Est-elle si prépondérante que cela?

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