Atteinte aux symboles du christianisme, le groupe Mashrou’ Leila censuré

On ne plaisante pas avec les symboles religieux au Liban. Pour «atteinte aux symboles du christianisme», le groupe Mashrou’  Leila est censuré au «Pays du Cèdre». Un concert du groupe de rock alternatif arabe, programmé au Festival international de Byblos, a dû être annulé à la demande de l’Eglise libanaise.

Suite à la polémique qui prenait de l’ampleur, la direction du Festival a été contrainte d’annuler le concert du groupe electro-pop beyrouthin connu au plan international, qui était prévu le 9 août 2019, afin d’éviter des actes de violence. Des fanatiques ont lancé des appels à peine voilés au meurtre de ces musiciens controversés. Le groupe, formé par des étudiants de l’Université américaine de Beyrouth en 2008, a le tort d’avoir un chanteur ouvertement homosexuel et de traiter de problématiques LGBT.

Homosexualité dans le collimateur

L’évêché maronite de la ville de Jbeil, l’ancienne Byblos, où le groupe devrait se produire, a exigé à plusieurs reprises l’annulation du concert.  La Commission épiscopale pour les médias du Centre catholique d’information (CCI), réunie le 29 juillet 2019 sous la présidence de Mgr Boulos Matar, archevêque maronite émérite de Beyrouth, et en présence de Mgr Michel Aoun, évêque de Jbeil, avait à nouveau réclamé l’annulation du concert de Mashrou’ Leila.

La Commission avait estimé que tous les membres du groupe n’avaient pas encore présenté leurs excuses pour avoir porté atteinte à des symboles sacrés du christianisme.

Atteinte à des symboles sacrés du christianisme

Seuls deux des musiciens du groupe avaient exprimé, lors d’une précédente réunion à l’évêché de Jbeil, leur volonté de s’excuser pour les paroles de leur chanson heurtant la religion et de supprimer de leur programmation les chansons concernées, rapporte le quotidien libanais francophone «L’Orient-Le Jour».

Deux de leurs chansons, Idols et Djin, porteraient atteinte aux «valeurs religieuses et humaines». Le groupe a déjà été censuré en Egypte et en Jordanie, mais au Liban, pays le plus libéral de tout le Moyen-Orient, cette mesure inquiète les défenseurs de la liberté d’expression.

L’Etat sommé d’intervenir

Le Père Abdo Abou Kassem, directeur du Centre catholique d’information basé Jal El Dib, près de Beyrouth, a reproché à Mashrou’ Leila d’encourager l’homosexualité, en allusion au chanteur Hamed Sinno, qui affiche ses orientations sexuelles.

Le Père Abdo Abou Kassem avec le pape Benoît XVI | Facebook

Exigeant l’intervention de l’Etat pour obtenir l’annulation du concert, la Commission épiscopale affirme que l’Eglise respecte les libertés de chacun «tant qu’elles ne heurtent pas les sentiments religieux et la foi des autres». Elle souligne son refus de toute œuvre «qui s’en prend à la religion, la foi et les symboles religieux et qui déforme l’image de Dieu».

Les plaintes du Centre catholique d’information

Le Centre catholique d’information n’en est pas à sa première intervention dans ce domaine. En 2009, il avait déjà dénoncé un festival de rock organisé au Forum de Beyrouth qui, selon lui, «pourrait constituer, par certains aspects, une occasion dangereuse de faire circuler la culture de la mort, le suicide, la drogue et l’hostilité». Il appelait alors «tous les responsables et les pôles de décision à assumer leurs responsabilités dans cette affaire pour repousser le danger et éviter les retombées néfastes».

Le Père Abdo Abou Kassem avait récemment déposé plainte contre Charbel Khoury, un jeune Libanais, qui avait publié l’automne dernier sur sa page Facebook une blague sur saint Charbel, le saint national canonisé le 9 octobre 1977 par le pape Paul VI en la Basilique Saint-Pierre de Rome. L’auteur de la plaisanterie douteuse a été menacé et même convoqué au bureau de la cybercriminalité du pays, alors que ses harceleurs n’ont pas été inquiétés.

Inquiétude pour la liberté d’expression

Les organisations de défense des droits humains et de défense de la liberté d’expression s’inquiètent des tentatives de censure, des interpellations, des actes d’intimidation et des restrictions de plus en plus fréquents dans ce pays considéré comme un des rares Etats de droit au Moyen-Orient.

«La répression est en hausse au Liban, alors que la liberté d’expression et la liberté de la presse accusent un recul», déplore la Fondation Samir Kassir, du nom du journaliste et écrivain militant contre les tentatives de museler la liberté d’expression, assassiné le 2 juin 2005 à Beyrouth. La Fondation travaille pour la promotion de la liberté d’expression au Liban. (cath.ch/orj/cci/com/be)

Le groupe rock libanais Mashrou ’Leila était attendu au Festival international de Byblos le 9 août 2019 | DR
2 août 2019 | 12:22
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
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