Avec son spectacle 'Coming out' Mehdi Eammuel Djaadi veut construire des ponts | service de presse
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Avec 'Coming out', Mehdi Emmanuel Djaadi veut construire des ponts

«Péter les murs pour construire des ponts». Telle est l’ambition que s’est donné Mehdi-Emmanuel Djaadi avec son spectacle «Coming out». En représentation en Suisse romande, le comédien raconte dans un one man show sa conversion de l’islam vers le protestantisme puis le catholicisme.

Après un large succès en France, Mehdi Emmanuel Djaadi arrive avec son spectacle en Suisse romande. Un peu un retour aux sources, puisqu’il a fait sa formation à la Manufacture, la Haute-Ecole des arts de la scène de Lausanne et qu’il a commencé son catéchuménat à l’église du Valentin.

«Je reviens à Lausanne, dix ans après mon diplôme en 2013, à la fois avec excitation et fierté», a-t-il expliqué à cath.ch. «Cette période de ma vie a été assez difficile, car j’étais confronté à un double choc. Issu d’une classe populaire je débarquais au sein d’un milieu assez bourgeois.Ce fut un choc spirituel aussi. Jusque-là j’étais entouré de croyants musulmans puis chrétiens, je me retrouvais dans un milieu anticlérical et athée, d’où certaines tensions. Cela ne s’est pas très bien terminé, même s’il y a eu aussi de bons moments. Mon parcours artistique depuis me procure une certaine fierté, mais je ne parlerais pas de revanche.»   

«Mon but n’est pas de dresser des murs mais de rendre hommage à ce que j’ai vécu de beau dans chacune des religions.»

Jeunes de banlieue, pasteurs, prêtres, salafistes et cathos

Aujourd’hui, le comédien, que l’on a aussi vu au cinéma et à la télévision, assume pleinement sa foi catholique et son appartenance à l’Eglise. S’il a voulu mettre en scène son itinéraire, c’est qu’il en a ressenti une forte nécessité intérieure. Avec son camarade de la Manufacture Thibaut Evrard, il a écrit et mis en scène ce spectacle où il dresse un portrait, parfois grinçant mais surtout affectueux, des personnes qu’il a rencontrées sur son chemin de foi: des jeunes de banlieue, des pasteurs, des prêtres, des salafistes, des cathos BCBG, des chrétiens de gauche… »C’est un regard assez candide sur la comédie humaine».

Ouvrir le dialogue

Quant au titre Coming out, le comédien explique qu’en revendiquant sa foi chrétienne, il a subi des réactions de rejet, des menaces, des intimidations comme peuvent en vivre les personnes appartenant à des minorités sexuelles. «Mon but, avec Comingout , n’est pas de dresser des murs mais d’ouvrir un espace de dialogue et de rendre hommage à ce que j’ai vécu de beau dans chacune des religions.»

«La seule qui m’ait jamais fasciné, c’est l’être humain, que je n’ai pas cessé d’observer»

Du petit Mehdi, enfant introverti, au comédien sans complexes

Né à St-Etienne, dans une famille de bons musulmans algériens, Mehdi se raconte comme un enfant un peu secret déjà attiré par la religion et les livres. Assidu à l’école coranique, il l’est beaucoup moins à l’école de la République qu’il quitte à 14 ans, pour traîner dans la rue avec des copains peu fréquentables. Petit délinquant, il évite la case prison, et trouve sa voie lorsqu’il met les pieds sur les planches d’un théâtre. «Je me suis senti à ma place. Je n’ai finalement jamais été doué que pour une seule matière. La seule qui m’ait jamais fasciné, c’est l’être humain, que je n’ai pas cessé d’observer» 

«Je suis le chemin la vérité, la vie»

Parallèlement, il poursuit sa quête spirituelle. Un jour, par bravade, il entre avec un camarade dans une église évangélique. «Je vois une phrase écrite sur le mur: ›Je suis le chemin, la vérité la vie’. C’est une découverte. «Le pasteur me parle. Il me dit que Jésus m’aime et que je peux l’aimer en retour. Je ne sais pas trop ce qu’est l’amour à cette époque. Mais cela me bouleverse. C’est un ›tremblement’ de foi. Le pasteur me donne les évangiles et quand je les ai lu, en cachette de mes parents, j’ai senti que Dieu me parlait à moi personnellement», expliquait-il en 2021, au micro de l’émission Babel d’Espace2.

Mehdi Emmanuel Djaadi : «Jésus m’aime et que je peux l’aimer en retour» | Kb studios

Assez rapidement Mehdi décide de devenir un ›disciple de Jésus’ et demande le baptême. «Mes parents ont eu très peur que je sois embrigadé dans un mouvement sectaire. Ils sont ensuite passé à l’incompréhension et à la tristesse. Mon père avait impression d’avoir raté mon éducation. Cela a été encore plus difficile lorsque j’en ai fait un spectacle. L’artiste que je suis ne regrette pas de l’avoir fait, l’homme en revanche est parfois peiné de la peine qu’il a fait à ses parents et à sa famille.»

«En devenant chrétien, je passais d’un Dieu lointain dans les cieux à une relation de filiation.»

Jésus présent dans l’Eucharistie

L’étape suivante se passe à Lausanne. Un ami l’invite pour une retraite à l’Abbaye cistercienne de Sept-Fons. Et c’est une nouvelle découverte: celle de la présence réelle de Jésus dans l’Eucharistie. ” Ce Jésus que j’aime, que je prie, qui est mon ami, je le sens présent là dans un bout de pain». Une démarche de catéchuménat s’engage à la paroisse catholique du Valentin qui aboutit à son entrée en pleine communion dans l’Eglise catholique, puisqu’il est déjà baptisé, puis à sa confirmation à Vevey. «C’est un accomplissement», explique celui qui a choisi alors de prendre le deuxième prénom d’Emmanuel, ›c’est-à-dire ‘Dieu avec nous’. «En devenant chrétien, je passais d’un Dieu lointain dans les cieux à une relation de filiation.»

«Péter les murs pour créer des ponts»

Si sa conversion et sa foi ont parfois suscité l’incompréhension, le rejet ou même le boycott, tant du milieu artistique anticlérical, que des musulmans communautaristes, Mehdi Emmanuel Djaadi retient surtout les occasions d’entrer en contact avec des gens qui ne pensent pas comme lui et de faire de belles rencontres, pour se comprendre et s’aimer, au-delà des discussions stériles. «Je suis assez décomplexé sur ma foi. J’ai l’impression d’être au carrefour de ce ›ménage à trois’ entre l’islam, la laïcité et le christianisme. J’essaie de péter les murs pour créer des ponts.» (cath.ch/mp)

«Mon coeur est musulman, mon âme est chrétienne»

A partir de sa situation personnelle, Mehdi-Emmanuel Djaadi ne s’est pas contenté de monter un spectacle, il s’engage pour l’accueil des convertis et pour la rencontre entre chrétiens et musulmans. «Le discours de l’Eglise n’est plus très audible, mais nous devons éviter toute tentation de repli sur soi et de communautarisme. Mon coeur est musulman, mon âme est chrétienne. Même si je ne partage plus la foi islamique, je reste porteur de cet ADN et je m’efforce de créer l’unité dans ma vie.»
«J’ai été très blessé, lors de la campagne présidentielle française, par l’image très négative de l’islam véhiculée par certains politiques et par leur utilisation du christianisme comme bannière identitaire. Je très attaché à une laïcité qui permet la libre expression de la foi de chacun. L’athéisme doit aussi laisser une place aux croyants, musulmans comme chrétiens qui travaillent pour le bien commun. Trop souvent on préjuge avant de connaître, c’est pourquoi je milite pour la rencontre.»  MP    

Mehdi Emmanuel Djaadi présentera «Coming out» le 25 janvier à Fribourg et du 26 au 29 janvier à Lausanne

Avec son spectacle 'Coming out' Mehdi Eammuel Djaadi veut construire des ponts | service de presse
22 janvier 2023 | 08:06
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 5 min.
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