Belgique: «Pour supprimer le cléricalisme, il faut supprimer le clergé»

Rendons l’Eglise au peuple de Dieu ! Tel est le titre d’une brochure d’une cinquantaine de pages qui circule depuis quelques jours en Belgique. Ses auteurs n’y vont pas par quatre chemins: «Pour supprimer le cléricalisme, il faut supprimer le clergé». L’évêque de Liège apprécie modérément.

Emanant de laïcs, de prêtres et de religieuses engagés dans le diocèse de Liège, la brochure défend notamment la suppression de l’ordination des prêtres. Révélant de vrais clivages, le texte provoque une vive réaction de Mgr Jean-Pierre Delvillle, évêque du diocèse, rapporte le site cathobel.

Les Suisses alémaniques ne respectant pas les règles de la célébration liturgique ont eu droit à un ›savon’ de leurs évêques. Les Belges vont plus loin, ils ne réclament pas l’ordination des femmes, mais l’abolition du sacerdoce.

«Une audacieuse brochure de théologie pastorale accessible à tou.te.s«

«Les sacrements tels que nous les célébrons, tels que nous les symbolisons, ne sont qu’une étape d’un long parcours historique». Voilà les premiers mots de la brochure  qui se présente comme «une audacieuse brochure de théologie pastorale accessible à tou.te.s ». Ce document d’une cinquantaine de pages est le fruit d’une réflexion menée par une douzaine de personnes. Durant plus d’un an, laïcs, prêtres et religieuses, se sont réunies chaque mois «pour réfléchir à la manière dont les sacrements sont vécus aujourd’hui». Les auteurs du texte sont des gens particulièrement investis dans la vie de l’Eglise, certains même sur le plan professionnel, notamment au sein du vicariat de la Santé du diocèse de Liège.

«Peu de prêtres sont capables de relations vraies «

La réflexion s’ancre dans la réalité des engagements pastoraux autant qu’auprès de divers auteurs – parmi lesquels Joseph Moingt, théologien jésuite français décédé en 2020. Divers sujets sont abordés : la place des femmes dans l’Eglise, le cléricalisme, les abus de pouvoir, le sacerdoce…
C’est sur la place du prêtre que le texte va le plus loin. «Peu d’entre eux sont capables de relations vraies égalitaires, donc fraternelles avec les chrétiens qui les entourent», lit-on sous la plume d’auteurs qui vont jusqu’à proposer la suppression de l’ordination. «Pour supprimer le cléricalisme, il faut supprimer le clergé», concluent-ils. «L’ordination des clercs, telle que proposée et vécue actuellement, est l’un des poids qui freine le dynamisme et le prophétisme de l’Eglise. Il est urgent de mettre en place une pratique plus authentique des communautés chrétiennes qui dépasse les barrières trop strictes d’une législation canonique témoignant de passés révolus et qui souvent font obstacle à l’Evangile croyant le servir… » 

L’ordination des femmes: une illusion

Les auteurs invitent aussi chaque baptisé à prendre ses responsabilités : «c’est une fausse bonne idée de croire que l’ordination de femmes ou d’hommes mariés viendrait solutionner les pannes que connaît l’Eglise. C’est le paradigme qu’il convient de changer, l’esprit de l’évangile est à ranimer, la responsabilité de chaque baptisé à privilégier.»

La contre-pétition

Sans surprise, la brochure fait réagir. Depuis le 15 février, le site web riposte-catholique.fr dénonce les positions défendues dans le texte. «Ce texte gomme la réalité de l’appel de Dieu qui choisit et appelle Ses consacrés : on ne reconnaît dans les prêtres que la dimension strictement horizontale, humaine et sociale de leur mission. » rapporte cathobel.

En réponse à la brochure, le site relaie une pétition qui se veut «un hommage au sacerdoce et aux prêtres «. «Devant la gravité des propos qui sont tenus dans cet écrit, nous, laïcs également engagés dans l’Église (de Liège et d’ailleurs), souhaitons répondre à cet écrit afin de signifier que ce groupe n’est pas représentatif de tous les baptisés de notre diocèse.» note le texte qui a recueilli 793 signatures au 19 février.

Le coup de colère de Mgr Delville

L’évêque de Liège, Mgr Jean Pierre Delville est plutôt remonté. Il a dénoncé des paroles qui «sont ressenties comme injurieuses et injustes par beaucoup de prêtres, de diacres et de chrétiens laïcs «. Il ajoute: «je les perçois comme totalement fausses quand je pense à la somme de dévouement que j’ai constatée chez les prêtres et les autres acteurs pastoraux de notre diocèse depuis bientôt dix ans d’épiscopat. » L’évêque rappelle en outre qu’il a mis sur pied un Vicariat précisément dédié à l’accompagnement des prêtres et autres acteurs pastoraux «pour permettre à chacun de mener avec sérénité son ministère ou son service, dans le cadre des difficultés multiples que cette mission rencontre».

Contraire à Vatican II

Si l’évêque ne s’oppose ni à la réflexion théologique, ni au débat contradictoire, il regrette «le caractère caricatural de ce livret, mais plus encore, le fait que la réflexion présentée dans la brochure conteste la position du Concile Vatican II et condamne deux mille ans de vie chrétienne». Avant de redire son attachement à la démarche synodale demandée par le pape François, et d’encourager chacun «à vivre son ministère ou son service avec zèle et fraternité «. (cath.ch/cathobel/mp)