Une favela de Rio de Janeiro | © Jean-Claude Gerez
International

Brésil: manifeste des organisations de l’Eglise catholique contre l’intervention militaire à Rio

Dix organisations de l’Eglise catholique (1), en particulier de Sao Paulo, ont lancé un manifeste contre l’intervention fédéral décrétée par le gouvernement de Michel Temer, le 16 février dernier. Le texte souligne également la nécessité de défendre la construction démocratique, comme le rappelle la Campagne de Fraternité 2018.

Le texte, rendu public le 20 février, débute en citant l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium (2013) du pape François. dans laquelle le Saint-Père écrit que «sans éliminer l’exclusion et les inégalités», la violence n’aura jamais de fin. Les entités dénoncent ensuite le «pacte des médias avec le gouvernement» et indiquent des éléments du texte de base de la Campagne de Fraternité qui propose «un chemin radicalement différent à celui dessiné par le gouvernement Temer pour combattre la violence».

«Militarisation de la politique»

Les signataires du manifeste ont également rappelé les termes du décret – «L’objectif de l’intervention et de mettre un terme aux graves atteintes à l’ordre public au sein de l’Etat de Rio de Janeiro» – pour mieux critiquer une décision destinée, selon eux, «à combattre ce que les médias nomment ‘guerre du trafic de drogue’ et vague de violence». Ne niant pas la gravité de la situation, ni l’exaspération des habitants des favelas soumis à des violences quotidiennes, les signataires du manifeste dénoncent néanmoins la «militarisation de la politique» au Brésil, qui se traduit par «un emprisonnement massif et un génocide des jeunes noirs comparable à des situations de pays en guerre».

Lutter contre les inégalités

Les organisations d’Eglise dénoncent «l’omission du pouvoir public dans d’immenses et peuplées régions du pays soumettant les habitants à la violence quotidienne de groupes armés, au trafic de drogues et au désordre social». Le manifeste pointe également «les inégalités économiques, résultat de politiques qui précarisent le travail et réduisent les salaires, limitent les investissements publics dans des zones pourtant prioritaires pour le bien-être de la population, imposent de sévères restrictions à l’accueil social des pauvres et à la grande violence institutionnelle que les élites exercent et qui va à l’encontre d’une existence digne pour toutes et tous dans notre pays».

Un contexte de violence extrême

La criminalité dans l’agglomération de Rio de Janeiro est particulièrement importante. Selon les chiffres de la Carte de la Violence 2017, il y a chaque jour en moyenne 22 échanges de tirs sur la voie publique. En 2017, les violences ont dix morts dans les rangs de la Police Militaire de l’Etat et 6731 homicides en 2017. L’intervention du gouvernement national dans la sécurité publique de l’État de Rio de Janeiro, par décret du Président Michel Témer du 16 février, a remis au Général Walter Braga Netto, chef du Commandement Militaire de l’Est, tous les pouvoirs du secteur, à savoir les polices civiles et militaires, avec le renfort possibles d’effectifs de réserve.

C’est la première fois, depuis le retour de la démocratie au Brésil en 1985, qu’une mesure aussi radicale est prise. Auparavant, les forces armées ont été mobilisées pour des opérations ponctuelles afin de circonscrire des accès de violences particulièrement aigus ou afin de contrôler des situations particulières comme les Jeux Olympiques de 2016. (cath.ch/jcg/gr)

 

(1) Les associations signataires du manifeste:
Eglise du Peuple de Dieu en Mouvement (IPDM); Nous Sommes l’Eglise; Conseil des laïcs de l’Archevêché de Sao Paulo; Pastorale Foi et Politique; Pastorale de l’Éducation de la CNBB; Réseau des Ecoles de Citoyenneté de Sao Paulo; Réseau Eglises et extraction minière; Centre des Droits Humains de l’Archevêché de Sao Paulo; Société Santos Martyrs; Forum pour la Défense de la Vie – Jardim Ângela.

Une favela de Rio de Janeiro | © Jean-Claude Gerez
23 février 2018 | 18:22
par Grégory Roth
Temps de lecture: env. 2 min.
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