Le Cameroun sous la menace du radicalisme musulman et des sectes chrétiennes

Yaoundé, 07.09.2015 (cath.ch-apic) Le Cameroun est sous la menace du radicalisme religieux musulman et de sectes et cultes pentecôtistes qui nécessitent la mise en place d’une réponse «globale et cohérente» des pouvoirs publics et des organisations religieuses. Il s’agit d’empêcher la détérioration du climat religieux et éviter des violences à connotation religieuse observées dans les pays voisins que sont le Nigéria et la République centrafricaine, indique l’International Crisis Group (ICG).

Dans son rapport n° 2293 adressé aux dirigeants du pays, publié sur son site internet www.crisisgroup.org, et largement repris par les médias africains et internationaux, l’Organisation  non gouvernementale (ONG)  souligne que la pénétration d’un islam fondamentaliste et l’essor d’églises pentecôtistes revivalistes, dites réveillées (born again), bouleversent le paysage religieux et mettent en place les ferments de l’intolérance religieuse dans le pays.

Cette pénétration de courants fondamentalistes, combinée aux tensions communautaires, constitue «un risque spécifique» au Nord et génère une concurrence pour les dirigeants de la communauté musulmane qui a parfois abouti à des conflits locaux. De plus, les différentes religions se perçoivent «négativement».

«Face à ce radicalisme émergent, la réponse de l’Etat et des organisations religieuses demeure insuffisante, et dans certains cas porteuse de risques», déplore l’ONG, tout en relevant que cette réponse se limite à la menace posée par Boko Haram.

Pour l’ICG, si, contrairement à ses voisins – le Nigeria et la République de Centrafrique -, le Cameroun n’a jamais connu de violences religieuses importantes, l’émergence de poches de radicalisme risque maintenant de changer la donne et de porter atteinte au climat habituel de tolérance religieuse.

Le wahhabisme, danger grandissant pour le pays

«L’islam soufi traditionnel est fortement concurrencé par la montée en puissance d’un islam plus rigoriste dont la forme la plus répandue est le wahhabisme», note-t-elle.  Et de poursuivre: «les mutations actuelles touchent majoritairement une nouvelle génération de jeunes Camerounais musulmans du Sud, tandis que l’islam soufi, incarné au Nord par les Peuls, recule».

Ces jeunes du Sud, arabisés et souvent formés au Soudan et dans les pays du Golfe, contestent à la fois la domination peul au sein de la communauté musulmane et le système religieux vieillissant. Les désaccords entre chefs du soufisme, marabouts traditionnels et nouveaux venus ne reposent pas que sur des motifs théologiques: ce conflit «des anciens et des modernes» a pour enjeu l’influence économique et politique des uns et des autres au sein de la communauté musulmane.

Affrontements au sein de l’islam

Ces transformations ont donné lieu à des clivages intra religieux et ont déjà dégénéré en affrontements locaux entre courants islamiques. Dans la partie septentrionale, la pénétration des courants fondamentalistes, combinée aux tensions communautaires locales, est potentiellement source de conflits.

Dans le Sud, la compétition pour les dirigeants de la communauté musulmane entre soufis et groupes proches du wahhabisme va s’accentuer et pourrait dégénérer en incidents locaux.

Au sein du christianisme, l’essor des églises de réveil a brisé le monopole de l’Eglise catholique et des Eglises protestantes historiques. Souvent dépourvues d’existence légale et mal considérées par les catholiques, ces églises dites nouvelles prêchent une forme d’intolérance religieuse, s’auto-excluent du dialogue interreligieux et sont hors de l’espace religieux officiel, bien que soutenant le régime pour la plupart.

Faiblesse des initiatives de dialogue interreligieux

Pour faire face à ces nouvelles formes d’intolérance religieuse, les initiatives de dialogue interreligieux sont «faibles, dispersées» et ne touchent qu’une minorité de la population, les autorités nationales sous-estimant le potentiel «conflictogène» de ces changements du paysage religieux.

L’ONG recommande au gouvernement,  une étude des mutations religieuses actuelles, l’adoption d’une charte de la tolérance religieuse, la mise en place d’organes représentatifs de l’islam et des églises de réveil et le développement économique et social des régions fragiles. Dans l’immédiat, elle préconise une meilleure surveillance du prosélytisme fondamentaliste, un  soutien aux associations de dialogue interreligieux et une amélioration de la sensibilisation des populations. (apic/com/ibc/be)

Des jeunes de milieux pauvres sont recrutés par des prédicateurs extrémistes Mosquée dans un village du Burkina Faso © Jacques Berset
7 septembre 2015 | 15:37
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
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