Canada: Les jeunes autochtones veulent une Eglise qui s'engage face à leurs problèmes

Port Elgin/Ontario, 28.08.2015 (cath.ch-apic) Les jeunes Canadiens issus des Premières Nations (*) – descendants des premiers occupants de l’Amérique du Nord – demandent que l’Eglise respecte leur spiritualité traditionnelle. Lors d’une rencontre de leur «Cercle sacré», à la mi-août, ils ont déploré la persistance de tensions, dans certaines communautés indigènes, entre leur propre spiritualité et l’anglicanisme officiel.

Participant à la 8e Rencontre nationale anglicane du «Cercle sacré», organisé du 16 au 22 août dernier à Port Elgin, en Ontario, sous le slogan «Portés sur les ailes de la foi: Répondant à l’appel des peuples autochtones», les jeunes ont indiqué clairement leur souhait de voir l’Eglise s’engager dans les questions qui comptent dans leurs propres vies.

Une table ronde, animée par Dixie Bird, membre du Conseil anglican des peuples autochtones (ACIP) du diocèse de la Saskatchewan, a permis aux jeunes autochtones de toutes les régions du Canada de partager leurs préoccupations au sujet de l’Eglise, de son avenir et de son rôle dans leur propre vie.

La violence sexuelle affecte grandement les communautés indigènes

Ainsi, pour Leigh Kern, une femme métisse du diocèse de Toronto, une des secteurs les plus urgents dans lequel l’Eglise a la nécessité d’agir est le domaine de la violence sexuelle. Et de souligner que les communautés autochtones sont dans un état de crise. «Nous avons besoin de venir dans un endroit où nous pouvons nous considérer mutuellement comme saints et beaux, et non comme des objets destinés à être exploités et colonisés».

Leigh Kern a déclaré: «Nous devons décoloniser nos corps et nos sexualités et nos relations avec les autres, afin que nous puissions venir dans un lieu de plénitude, d’amour de soi et de respect l’un pour l’autre». Elle a souligné que l’accent ne peut pas être seulement mis sur l’enseignement des femmes afin qu’elles se gardent en sécurité. Les hommes doivent être, eux aussi, tenus pour responsables et travailler à mettre fin à la violence sexuelle».

1’200 Amérindiennes canadiennes assassinées ou portées disparues

Au Canada, les femmes autochtones ont sept fois plus de risques d’être assassinées que les autres femmes. Un quart des femmes disparues et assassinées sont issues des communautés indigènes, alors qu’elles ne représentent qu’un petit pourcentage de la population féminine. Depuis 1980, révèle la journaliste indépendante Emmanuelle Walter (**), à Montréal, près de 1’200 Amérindiennes canadiennes ont été assassinées ou ont disparu «dans l’indifférence quasi totale».

Face aux dures réalités auxquelles sont confrontées leurs communautés, les jeunes des Premières nations veulent voir avant tout une Eglise qui s’implique dans les questions qui affectent leurs vies, que ce soient des questions relatives à la pauvreté, à la violence liée au genre ou là a pollution, qui sont pour eux vitales.

«Nos poissons sont malades, notre terre est malade!»

Ariana Dorie, qui vit au sein de la Première nation Sagkeeng, au Manitoba a expliqué que si ses grands-parents se souvenaient d’avoir pu boire de l’eau potable directement du lac Winnipeg, maintenant, en raison de la pollution industrielle, elle est devenue dangereuse si elle n’a pas été traitée.

«Ma communauté a été touchée par de nombreuses grandes entreprises qui sont entrées dans notre ville, venant dans notre communauté et détruisant l’environnement», a-t-elle déploré. «Certains pêcheurs ont même rapporté que si vous ouvrez le ventre d’un poisson, vous pouvez voir qu’il est atteint du cancer. Nos poissons sont malades, notre terre est malade!», a-t-elle poursuivi.

Nécessité de connaître l’amour de Dieu

Sheba McKay, une femme de la nation Oji-Cri, a souligné que «nos jeunes souffrent en raison des injustices passées qui ont été faites à notre peuple».

Cette fidèle du diocèse indigène anglican de l’»Indigenous Spiritual Ministry of Mishamikoweesh», une communauté autonome au sein de l’Eglise anglicane du Canada, affirme que les jeunes des Premières nations «ont besoin de connaître l’amour de Dieu, et ce que vous voyez dans la plupart des endroits … les gens ne reflètent pas cet amour envers nos jeunes».

Même si les jeunes autochtones ne fréquentent pas beaucoup l’Eglise, a-t-on souligné lors de ce «Cercle sacré» – une rencontre nationale des autochtones anglicans du Canada – il demeure important que les anglicans maintiennent leur responsabilité envers eux, rapporte l’»Anglican Journal», une publication anglicane indépendante tirant à 155’000 exemplaires et paraissant dix fois par an. JB


(*) La Constitution canadienne reconnaît trois peuples autochtones: les Indiens (maintenant connus sous le nom de Premières Nations), les Métis et les Inuits. Ce sont trois peuples distincts ayant des patrimoines, des langues, des pratiques culturelles et des croyances spirituelles qui leur sont propres. Les Inuits sont les autochtones qui vivent habituellement dans l’Arctique canadien. Ils habitent surtout au Nunavut, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Labrador et dans le Nord du Québec.

Selon le gouvernement canadien, plus de 1,4 million de personnes au Canada s’identifient comme autochtones, soit 4 % de la population (donnée de 2011). De ce nombre, 53 % sont des Indiens inscrits, 30 % sont des Métis, 11 % sont des Indiens non-inscrits et 4 % sont des Inuits. Plus de la moitié des autochtones vivent en milieu urbain.

(**) Auteure de «Sœurs volées – Enquête sur un féminicide au Canada», un récit sur les meurtres et disparitions des femmes amérindiennes au Canada, chez Lux Editeur, paru en novembre 2014 au Québec et en France. (apic/be)

 

Lydia Mamakwa, évêque anglicane du nouveau diocèse indigène de Mishamikoweesh
28 août 2015 | 14:01
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
Partagez!