Stève Bobillier, bioéthicien pour la Conférence des évêques suisses | © Grégory Roth
Suisse

Les personnes fragiles doivent être mieux prises en compte

En cas de pénurie des ressources, un triage des traitements en soins intensifs a été élaboré par l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM). Toutefois, les critères de sélection ne prennent pas assez en compte les personnes les plus fragiles, estime la Commission de bioéthique de la conférence des évêques suisses (CBCES).

En raison de la situation extraordinaire provoquée par la pandémie de Covid-19, l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) a élaboré des directives d’éthique médicale pour les soins intensifs en cas de pénurie des ressources en printemps 2020. Le document de l’ASSM établit comme principe éthique fondamental la non-discrimination des personnes fragiles. «L’âge, le handicap ou la démence ne sont pas des critères de triage en soi», indique le texte.

Une définition problématique de la fragilité

En novembre 2020, une adaptation importante des lignes directrices comprend un critère de fragilité (»frailty» en anglais). Il est désormais inclus dans le processus de décision «pour une évaluation plus juste». L’utilisation de ce critère est intéressante, reconnaît la CBCES, mais la définition de la fragilité proposée dans le document de l’ASSM est problématique. Car elle repose seulement sur la mobilité du patient, le besoin d’assistance de tiers et/ou l’état de démence, sur une échelle de 1 à 9.

«Cette échelle exclut en grande partie des soins intensifs les personnes souffrant de handicaps préexistants. La dépendance à l’égard d’autrui ne signifie pas que le pronostic vital est engagé», déclare Stève Bobillier, collaborateur scientifique de la Commission de bioéthique de la conférence des évêques suisses (CBCES).

«D’autres définitions de la fragilité – par exemple le modèle de Fried – sont plus adaptées. Elles prennent en compte l’état de santé général du patient, considérant sa capacité à supporter un traitement médical intensif, sans être en soi discriminant pour les personnes âgées, atteintes de démence ou de handicap».

Identifier correctement les plus faibles

Dans un communiqué, la CBCES enjoint l’ASSM à préciser ses critères de tri des patients, en considérant d’autres définitions de la fragilité («frailty selon Fried»), permettant de n’exclure de façon systématique ni les personnes âgées, ni celles atteintes de handicap ou de démence.

Les mesures de fermetures ordonnées par les autorités ont permis objectivement de protéger les personnes les plus vulnérables. Des mesures qui se fondent notamment sur le préambule de la Constitution fédérale: «La force du peuple se mesure au bien-être des plus faibles».

«Il s’agit cependant d’identifier correctement qui sont les plus faibles pour pouvoir les protéger et les soutenir de façon appropriée», pointe Stève Bobillier. «Nous protégeons les plus faibles pour pouvoir les réintégrer dans notre société après la pandémie», rappelle-t-il. (cath.ch/com/gr)

Stève Bobillier, bioéthicien pour la Conférence des évêques suisses | © Grégory Roth
1 décembre 2020 | 16:42
par Grégory Roth
Temps de lecture: env. 2 min.
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