La statue symbolisant les "femmes de réconfort", devant l'ambassade du Japon, à Séoul (Photo:Melissa Wall/Flickr/CC BY-NC 2.0)
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Corée du Sud: Des catholiques fustigent l'accord sur «les femmes de réconfort»

Pour les catholiques sud-coréens engagés auprès des «femmes de réconfort», l’accord signé en leur nom avec le Japon «est inacceptable». Pour les associations de défense des anciennes esclaves sexuelles de l’armée impériale japonaise, ce sont essentiellement les intérêts politiques qui ont été pris en compte.

«Cet accord bilatéral est tout simplement inacceptable», a déclaré Theresa Kim Sun-shil, laïque catholique et co-présidente du Conseil coréen pour les «femmes de réconfort», en commentant l’accord, rapporte le 15 janvier 2016 Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris. Le texte a été signé le 28 décembre dernier entre la Corée du Sud et le Japon.

Le terme de «femmes de réconfort», un euphémisme établi par les Japonais, désigne les femmes victimes du système d’esclavage sexuel organisé dans des camps militaires japonais pendant les années 1937-1945. Alors qu’elles pensaient travailler dans des usines, ces femmes, principalement coréennes et très souvent mineures, étaient placées dans des «maisons de confort», et mises «au service» de l’armée japonaise. Les historiens estiment leur nombre à 200’000. 46 d’entre elles sont encore vivantes, leur moyenne d’âge étant de 89 ans.

Vieux contentieux historique

L’accord du 28 décembre dernier sur «les femmes de réconfort» – dossier qui envenime les relations entre la Corée du sud et le Japon depuis des décennies – prévoit la création par le gouvernement sud-coréen d’une fondation qui recevra du Japon, la somme d’un milliard de yens (7,5 millions d’euros). Selon le ministre des Affaires étrangères nippon, cette fondation servira à restaurer l’honneur et la dignité de toutes les anciennes femmes de réconfort, et à soigner leurs blessures psychologiques. Les deux pays s’engagent également à ne pas se critiquer ou s’accuser sur cette question, au plan international. Séoul promet en outre de discuter avec les associations qui ont installé en 2011 une statue symbolisant «les femmes de réconfort» en face de l’ambassade du Japon à Séoul, afin que celle-ci soit retirée, condition sine qua non pour que le Japon ratifie le texte.

Pas d’excuses officielles

Pour Mgr Lazzaro You Heong-sik, évêque de Daejeon, au centre de la Corée du Sud, et président de la Commission ›Justice et Paix’ de la Conférence épiscopale, l’accord n’a pas été conclu en fonction des intérêts des victimes mais seulement pour répondre aux besoins des gouvernements concernés. «Si cet accord avait été conclu au nom des droits de l’homme pour réhabiliter l’honneur et la réputation de ces femmes brisées, aujourd’hui, elles seraient heureuses et soulagées, mais ce n’est pas le cas. Elles sont affligées et bouleversées», a affirmé le prélat. L’Eglise catholique en Corée du Sud est engagée depuis des années dans un travail de réconciliation et de pardon réciproques avec l’Eglise catholique au Japon, rappelle EdA.

Le Conseil coréen pour les femmes enrôlées comme esclaves sexuelles par l’armée japonaise a souligné qu’en attribuant au gouvernement sud-coréen la propriété et la gestion de la fondation de compensation, le gouvernement japonais s’exonérait de facto de ses propres responsabilités. Pour l’association, «l’attitude floue et incomplète du gouvernement sud-coréen dans cet accord est très choquante».

D’autres associations critiquent le faible montant des compensations prévues, le budget de compensations financières ne prenant pas en compte les familles des «femmes de réconfort» aujourd’hui décédées.

Theresa Kim Sun-shil qui travaille auprès des 46 victimes encore en vie, qualifie l’accord de «désastreux». «Nous avions clairement dit et répété qu’il était essentiel pour les victimes que le Japon reconnaisse comme un crime de guerre son implication systématique dans l’esclavage sexuel des femmes coréennes, qu’il devait adresser une demande de pardon officiel et assumer ses responsabilités juridiques», s’indigne-t-elle.

«Une nouvelle ère» de relations nippo-coréennes

C’est, en effet, lors d’un simple entretien téléphonique avec la présidente sud-coréenne Park Geun-hye, et non à l’occasion d’une déclaration officielle que le Premier ministre japonais Abe Shinzo avait présenté «ses excuses et ses remords sincères», le 28 décembre dernier.

Si cet accord ne satisfait aucunement les victimes coréennes, il marque, pour le Premier ministre japonais, l’entrée des deux pays «dans une nouvelle ère». Pour Séoul, le dossier des «femmes de réconfort» était le principal obstacle à l’amélioration de ses relations avec le Japon. Pour être définitif, le texte de l’accord devra encore être soumis aux deux gouvernements respectifs, ce qui ne sera pas facile compte tenu des élections à venir en 2016, dans les deux pays, note EdA. (cath.ch-apic/eda/rz)

La statue symbolisant les «femmes de réconfort», devant l'ambassade du Japon, à Séoul
16 janvier 2016 | 11:26
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 3 min.
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