Crise du Kosovo: L’unité orthodoxe anti-Otan inquiète Madeleine Albright
Le patriarche de Constantinople: nationalisme égale «hérésie»
Washington/Genève/Athènes/Moscou, 29 mars 1999 (APIC) L’unité du monde orthodoxe pour condamner les frappes aériennes de l’Otan contre la Serbie inquiète visiblement Madeleine Albright. La secrétaire d’Etat américaine a sollicité pour ce lundi une téléconférence pour parler aux responsables de l’Eglise orthodoxe d’Amérique du Nord. De son côté, le patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomaios Ier a qualifié lundi le nationalisme «d’hérésie». Le chef de l’Eglise orthodoxe de Grèce a accusé pour sa part l’OTAN de «haïr les orthodoxes».
La secrétaire d’Etat américaine entend réagir à la position du Conseil synodal des évêques orthodoxes d’Amérique (SCOBA) qui condamne sévèrement la guerre menée par
l’OTAN contre le peuple de Yougoslavie. Le SCOBA, présidé par l’archevêque grec-orthodoxe Spyridon, exige également la recherche immédiate d’une solution pacifique au Kosovo.
Dans une interview publiée lundi par le quotidien d’Athènes «Eleftherotypia», le patriarche œcuménique de Constantinople affirme pour sa part que l’Eglise orthodoxe condamne le nationalisme comme «hérésie». Dans le contexte du nationalisme qui s’enflamme une nouvelle fois dans les Balkans, Bartholomaios, qui exerce le primat d’honneur au sein de l’orthodoxie mondiale, déplore la manipulation croissante de la religion, «détournée à des fins nationalistes». Sans mentionner explicitement la guerre en Yougoslavie, le patriarche orthodoxe dénonce toute forme de violence et appelle à la résolution des conflits par la négociation.
Le chef de l’Eglise grecque: une injustice internationale perpétrée contre les Serbes
L’archevêque Christodoulos, chef de l’Eglise orthodoxe de Grèce, estime pour sa part que les Serbes orthodoxes sont victimes d’une grave injustice. Et d’appeler les Grecs à défendre la tradition chrétienne du pays et à se rallier autour de leurs chefs spirituels pour faire face à ce qu’il qualifie d’»injustice internationale» perpétrée contre les Serbes. Samedi, lors d’une visite à Thessalonique, Mgr Christodoulos a été chaleureusement applaudi par la foule lorsqu’il s’en est pris aux bombardements contre la Yougoslavie et aux grandes puissances qui sont derrière. Le chef de l’Eglise de Grèce a encore une fois souligné le «lien indissoluble» entre l’Eglise et l’Etat, affirmant qu’essayer de les séparer conduirait à la destruction de l’Etat.
Les membres de l’OTAN «haïssent les orthodoxes»
Présent à la cérémonie à Thessalonique, le ministre du développement Evangelos Venizelos a également voué son attention à la Yougoslavie, rappelant que la Grèce doit maintenir un équilibre précis dans son rôle dual de membre de l’Europe et des Balkans. Mgr Christodoulos a déclaré avoir des informations que des monastères orthodoxes dans les Balkans ont été touchés par des bombes dans la nuit de samedi, accusant les membres de l’OTAN de «haïr les orthodoxes».
Mgr Damaskinos Papandreou, métropolite orthodoxe de Suisse, s’est déclaré lui aussi «profondément touché par les événements, de manière terrible». Résumant les sentiments de la majorité des fidèles et Eglises orthodoxes en Suisse, il a déclaré à l’APIC que «l’unité des orthodoxes est très forte maintenant». Soutenant la démarche de la cérémonie œcuménique pour la paix qui s’est déroulée samedi à Genève, il considère de première importance de prier pour que cesse la guerre en Yougoslavie. Mgr Damaskinos rappelle que l’Eglise orthodoxe a toujours refusé la guerre et la violence, conformément à sa fidélité à la foi chrétienne. Et de souligner que l’Eglise serbe orthodoxe a souvent pris des positions claires contre la violence et qu’elle n’a pas toujours été du côté des chefs politiques serbes.
A Zurich, la communauté serbe orthodoxe condamne également «toutes les formes de violence et de guerre comme méthode politique» et prend ses distances avec les institutions postcommunistes à l’intérieur et à l’extérieur du pays qui se permettent d’abuser des Eglises dans un but politique. Dans une déclaration publiée à Moscou, des leaders religieux des diverses communautés condamnent les «frappes aériennes barbares» qui tuent des innocents et déplorent que «cette façon de régler un conflit interne crée un dangereux précédent d’usage de la force pour les cas similaires, en plaçant à l’arrière-plan les initiatives pacifiques destinées à résoudre les conflits».
«Les bombes ne peuvent rien résoudre», affirme un franciscain croate de Belgrade
Cette prise de position interconfessionnelle est signée par Mgr Cyrille de Smolensk et Kaliningrad, chef du département pour les relations extérieures du Patriarcat de Moscou, le rabbin Arthur Shaevich, Grand rabbin de la Communauté des Etats Indépendants (pays alliés de l’ex-URSS), et le Cheikh-ul-islam Talgat Tajuddin, président du Conseil central des musulmans de Russie et de la CEI, Cheikh Ravil Gainutdin, président du Conseil des muftis de Russie, et le Pandito Khambo-lama Damba Ayushev, chef de laTradition bouddhiste Sangha en Russie.
A Belgrade, dans l’un des deux couvents franciscains catholiques de la capitale serbe, frère Marko a déclaré lundi à l’agence vaticane FIDES que les bombardements alliés «ne peuvent rien résoudre». Le religieux, l’un des quatre franciscains croates de la communauté, relève que les gens sur place ont peur, qu’ils vivent dans l’insécurité et sont très remontés contre les membres de l’OTAN.
FIDES n’a par contre aucune nouvelle de trois autres frères franciscains du couvent de Djakovica, situé dans une zone du Kosovo près de la frontière avec l’Albanie. Des informations font état de son occupation par les militaires serbes fuyant les bombardements américains dans la région. L’un des quatre frères a pu rejoindre l’Albanie, mais on ne sait rien du sort des trois autres religieux, également d’ethnie albanaise. Dans la zone de guerre se trouvent 8 couvents franciscains, dont certains sont proches de casernes de l’armée serbe et risquent de subir des «dégâts collatéraux» selon l’expression militaire consacrée pour désigner les victimes civiles des bombardements alliés. (apic/fides/kna/ana/bbi/be)