Jeanne Pierson, ici en Turquie à Fethiye, a parcouru plus de 3'500 km à pied de Genève à Jérusalem, entre novembre 2021 et avril 2022 | DR
Suisse

De Genève à Jérusalem: le pèlerinage «de la rencontre»

Jeanne Pierson (27 ans) a parcouru plus de 3’500 km à pied, de Genève à Jérusalem, de novembre 2021 à avril 2022. Avec le «challenge» de dormir chaque soir chez l’habitant, elle a vécu une intense expérience humaine, et au-delà, spirituelle.

Jeanne n’aurait jamais pensé être un jour invitée à manger par un imam, au fin fond de la Turquie. «Il ne parlait pas un mot d’anglais, nous communiquions avec les logiciels de traduction, par mobile interposé. Ce fut donc un repas très silencieux», s’amuse Jeanne. Une rencontre néanmoins forte, avec des échanges de points de vue différents, entre des personnes qui, dans la vie normale, n’auraient eu aucune chance de se retrouver.

Première leçon d’humilité

Ce fut l’une des nombreuses rencontres insolites et enrichissantes vécues par la jeune pèlerine. Partie en novembre dernier, elle est rentrée en Suisse fin avril. Elle a accepté de partager son expérience avec cath.ch, qui a diffusé des capsules vidéo de son périple sur sa page Facebook.

Les pieds de Jeanne l’ont portée du seuil de son immeuble genevois au portail du Saint-Sépulcre, et d’autres lieux saints de la chrétienté, à Jérusalem. Plus de 3’500 km par la Suisse, l’Italie, la Grèce, la Turquie, Chypre et Israël.

Jeanne est arrivée à Jérusalem pour la semaine sainte | DR

Un voyage somme toute «pas trop difficile», selon les dires de la jeune catholique, qui est une grande marcheuse. Une tendinite au milieu du voyage l’a tout de même forcée à réduire le rythme qu’elle s’était donné de 30 à 35 kilomètres par jour. «Je me suis contentée de 20 à 25 km. La première leçon que j’ai apprise était l’humilité». Mais à part cela et le vol de ses papiers en Italie, un voyage sans encombre. «Dieu a pourvu à tous mes besoins», assure-t-elle.

Un toit pour chaque nuit

Elle ne s’est pourtant pas facilité la tâche en tentant de trouver chaque soir un toit pour dormir en toquant aux portes. Un défi qui lui promettait peut-être de coucher sur des bancs publics. «Mais, en six mois de voyage, je n’ai pas dormi une seule fois à la belle étoile», assure-t-elle.

Certes, le confort a été variable. «Parfois, cela a été une simple salle, où il fallait se coucher par terre avec son sac de couchage. En Israël, cela a même été un camion», se rappelle-t-elle avec le sourire. «Le mieux, c’était bien sûr d’être hébergé par l’habitant. On pouvait alors avoir un vrai lit et parfois même une douche, voire une machine à laver». Et, pour les quelques périodes de pluie traversées, «on espérait le soir pouvoir trouver un radiateur pour sécher ses vêtements».

Jeanne n’a en fait été seule que pour une partie du voyage. En Italie, elle a été rejointe par deux pèlerines françaises protestantes, Anne-Claire et Martha. Elle a ensuite fait la fin du voyage avec Charles, un pèlerin breton rencontré durant son périple.

Durant ses pérégrinations, Jeanne a fait de belles rencontres, ici avec la petite Nazar, dans la région de Fethiye en Turquie | DR

Jeanne est arrivée comme prévu pour la Semaine Sainte, dans une Jérusalem qui vivait à la fois un vendredi de Ramadan, le Vendredi Saint et la Pâques juive. «Une atmosphère un peu frénétique, très spéciale, mais aussi très fervente». Elle a ensuite passé un peu de temps en Terre Sainte, pour visiter les lieux symboliques de la Bible.

Rencontres interconfessionnelles

Elle a encore devant les yeux les images de son épopée, les montagnes sauvages de la Grèce, la splendide côte turque, ou les églises gothiques médiévales du nord de Chypre.

Mais ce ne sont pas ces beautés visuelles spectaculaires qu’elle gardera le plus au fond de son cœur. «Les personnes rencontrées ont été les véritables cadeaux de mon pèlerinage». Des individus parfois très différents d’elle, ce qui n’a pas empêché une profonde expérience de fraternité.

Outre l’imam turc et sa femme, Jeanne a rencontré des personnes de diverses confessions et religions, notamment des musulmans et des juifs en Terre Sainte. «C’était extrêmement intéressant de parler à tous ces gens aux points de vue parfois divergents. J’en ai sans doute acquis une meilleure compréhension des situations sur place. En Israël et en Palestine, j’ai perçu les tensions qui existent. Mais j’ai aussi pu voir comment toutes ces religions cohabitent, et c’est à mon sens une vision d’espérance».

La Genevoise a dû également composer avec les pratiques religieuses de ses deux premières compagnes de voyage protestantes. «Au début, c’était compliqué, mais nous avons trouvé un mode de fonctionnement. J’ai fini par me rendre au culte et elles à la messe. Et finalement, nous avons ainsi beaucoup appris mutuellement sur nos façons de vivre notre foi».

Messe dans la maison de la Vierge

La dimension spirituelle du périple a été au cœur du voyage, comme dans la vie quotidienne de la jeune fille, active dans la paroisse Saint-François de Sales (GE). Elle a ainsi tenté d’assister chaque jour à la messe. Parfois difficile dans certaines régions, notamment en Turquie, où la très grande majorité de la population est musulmane.

C’est pourtant dans ce pays que Jeanne a vécu son moment spirituel le plus intense. «Nous avons eu la chance d’assister à une messe dans la maison d’Ephèse (Turquie centrale, ndlr) où aurait vécu la Vierge jusqu’à son Assomption. La célébration a été donnée par les deux franciscains qui gardent le lieu. Nous nous sentions comme dans une oasis spirituelle».

Temps fort: Jeanne a vécu, à Ephèse en Turquie, une messe dans la maison où aurait vécu la Vierge Marie jusqu’à son ascension | DR

La Genevoise est arrivée à Jérusalem dans un état d’esprit particulier. «J’ai ressenti les fruits de toute la grâce que le Seigneur m’avait apportée sur le chemin. C’est difficile à expliquer avec des mots».

Un plus grand désir d’aimer

Les moments les plus forts se sont cependant produits, pour la pèlerine genevoise, davantage au sein des maisons que des lieux de culte. «Je me suis fait des amitiés partout où je suis passée. Les moments d’échange chez les personnes qui nous accueillaient ont été particulièrement enrichissants, et pas seulement pour nous. Par WhatsApp, j’ai reçu après mon départ des messages très chaleureux, qui me disaient par exemple que notre accueil avait apporté beaucoup de joie dans la maison». Autant de foyers de chaleur humaine que Jeanne entend bien garder allumés. De retour en Suisse, elle s’attelle à envoyer des cartes postales à toutes les personnes qui lui ont offert un toit, c’est-à-dire plus de 150 missives.

A Genève, la pèlerine doit se réhabituer à la vie «normale». Elle explique se retrouver «pas très différente» d’avant son départ, mais «enrichie» et avec le besoin d’aller encore plus à la rencontre des gens.  Avec le récit de son aventure, elle espère pouvoir inspirer d’autres personnes à tenter une telle expérience hors du commun. «Mon voyage m’a donné une ouverture plus grande à tout ce qui peut exister, et, pour finir, un plus grand désir d’aimer». (cath.ch/rz)

Jeanne Pierson
Agée de 27 ans, Jeanne Pierson vit depuis sept ans à Genève, où elle exerce la profession de traductrice et de coach de vie. Elle est engagée en Église dans la paroisse Saint-François de Sales, à Genève. Elle se passionne pour la randonnée, le théâtre, le chant. Elle est une cheville ouvrière de la démarche d’Helvetia Cantic, qui s’efforce de donner aux jeunes une expérience chorale au service de la musique liturgique. RZ

Jeanne Pierson, ici en Turquie à Fethiye, a parcouru plus de 3'500 km à pied de Genève à Jérusalem, entre novembre 2021 et avril 2022 | DR
6 mai 2022 | 17:00
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 5 min.
Genève (382), Jérusalem (167), pèlerinage (196), Turquie (113)
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