Pour René Girard, la rivalité entre les hommes,, se concentre sur la figure du "bouc émissaire"
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Décès de l'anthropologue René Girard

Stanford, 06.11.2015 (cath.ch-apic) L’anthropologue français, René Girard est décédé le 4 novembre 2015, à Stanford, aux Etats-Unis, à l’âge de 91 ans. Il avait consacré son œuvre à l’analyse de la rivalité et de la violence humaines, voyant dans le christianisme leur ultime dépassement.

Dans son œuvre vigoureuse et engagée, René Girard mêlait volontiers littérature, anthropologie, ethnologie, sociologie, mais aussi exégèse et théologie, dans un métissage devenu rare, relève le journal La Croix. Reçu à l’Académie Française en 2005, le professeur de l’Université de Stanford, en Californie, relevait lui-même que «pour un intellectuel qui a longtemps été considéré comme un auteur à contre-courant et atypique, l’élection à l’Académie est une forme de reconnaissance».

Né en 1923, à Avignon, où son père était conservateur du Palais des Papes, René Girard se tourne d’abord comme son père vers la profession d’archiviste paléographe, mais le goût de l’aventure le conduit à quitter le continent européen encore meurtri par la guerre pour tenter l’aventure américaine en 1947. À l’Indiana University, il fait une thèse d’histoire, puis trouve un poste d’enseignant. René Girard étudie la littérature et publie son premier livre «Mensonge romantique et vérité romanesque» en 1961. Déjà apparaît ce qui sera le cœur de son œuvre, le «désir mimétique» qui pousse les hommes à entrer en rivalité parce qu’ils convoitent le même objet.

L’œuvre girardienne va véritablement se déployer au cours de la décennie suivante, lorsque le chercheur passe à l’anthropologie du religieux. En 1972, il publie La Violence et le sacré, puis Des choses cachées depuis la création du monde (1978). Pour Girard, la rivalité entre les hommes, née du fait que chacun désire ce que désire autrui, se concentre sur la figure du «bouc émissaire», dont la mise à mort permet d’éviter la guerre de tous contre tous et la destruction de la société. Girard situe le lieu d’émergence du sacré dans ce sacrifice, à la suite de laquelle le bouc émissaire est sacralisé: il aura désormais vocation à protéger la réconciliation de la communauté, le rite permettant de réactiver le lien social, le mythe d’en conserver la mémoire.

Un sceptique converti au catholicisme

L’intérêt pris par René Girard au décryptage des ressorts du religieux ne restera pas simplement intellectuel. À la fin des années 1960, ce sceptique s’est converti au christianisme. «Mon travail intellectuel m’a conduit vers le christianisme et mes découvertes m’ont convaincu de sa vérité», témoignera-t-il. Dans la Passion du Christ, il reconnaît la scène primordiale qui fonde les communautés humaines – une foule qui réclame la mise à mort d’une victime –, la force du désir mimétique qui pousse Pierre à la trahison, mais surtout le retournement de la violence, par le geste du Christ qui s’offre en victime pour révéler aux hommes qu’il est étranger à la violence. Dans les milieux chrétiens, cette relecture des Évangiles insistant sur la condamnation de la violence fera date.

Le croyant Girard confessait être «un catholique très conservateur», évitant «comme la peste les liturgies filandreuses, les catéchismes émasculés et les théologies désarticulées». Il avait notamment milité pour la réintroduction de la messe tridentine. (apic/cx/mp)

 

Pour René Girard, la rivalité entre les hommes,, se concentre sur la figure du «bouc émissaire»
6 novembre 2015 | 10:33
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 2 min.
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