Le diaconat féminin est-il une impasse? | © Pixabay.com
Suisse

«Le diaconat des femmes est une impasse»

Le rôle des femmes diacres dans l’Eglise primitive a été depuis longtemps documenté, affirme la théologienne catholique suisse Helen Schüngel-Straumann. Elle considère la récente mise en place ,par le pape François, d’une commission d’étude sur le diaconat féminin comme un «simple exercice d’alibi».

La commission pontificale se penchera sur le rôle des diaconesses dans l’Eglise des premiers siècles. Cette question n’a-t-elle pas déjà été depuis longtemps examinée?

Helen Schüngel-Straumann: Il existe des étagères entières de livres sur le diaconat des femmes, principalement au premier siècle. Je peux déjà mentionner les œuvres des théologiennes autrichienne Anne Jensen et norvégienne Kari Elisabeth Borrensen. Beaucoup d’hommes ont également écrit sur le sujet, dont des théologiens de l’Université de Tübingen, au sud-ouest de l’Allemagne. La question a été étudiée de manière approfondie.

Quel objectif le Vatican poursuit-il donc, selon vous, avec cette Commission?

Peut-être veut-il gagner du temps et calmer, pour quelques années, les revendications des femmes.

Que savons-nous à ce jour du rôle des femmes diacres dans l’Eglise primitive?

Jusqu’au 5ème siècle, le diaconat des femmes était largement répandu dans les différentes Eglises en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. Dans certaines Eglises, il a été conservé jusqu’au 9ème siècle. Leur ministère était un ministère ordonné. Ces femmes administraient en particulier le sacrement du baptême. Elles effectuaient également des tâches que nous qualifierions aujourd’hui de «sociales».

(…)

Quels peuvent être les effets de ces données scientifiques sur l’admission des femmes au diaconat?

D’un point de vue historique, une tradition fondée autorise les femmes à accéder au diaconat. Sur le plan de la définition dogmatique du sacrement de l’ordre, cela n’est cependant pas possible.

Quels nouveaux résultats peut-on attendre de la Commission?

Il n’y a aucun nouveau résultat à attendre. En supposant que le Vatican veuille ordonner des femmes diacres, cela se heurtera à nouveau au «problème de l’ordination», comme cela s’est déjà produit par le passé. Théologiquement, il n’y a qu’un seul sacrement de l’ordre, qui comporte trois degrés: diaconal, presbytéral et épiscopal. Lorsqu’un de ces degrés est atteint, l’on ne peut pas refuser à la personne d’atteindre les autres.

Qu’en a-t-il été des précédentes tentatives pour introduire le diaconat féminin?

Il y a plus de vingt ans maintenant, en Allemagne, des dizaines de femmes ont entrepris une formation de deux ans devant mener au diaconat. Mais la démarche a été stoppée par les évêques, eu égard au principe dogmatique de l’unité du sacrement de l’ordre.

«Le sacrement de l’ordre est désuet»

Lors d’un grand colloque, à l’Académie catholique de Fribourg-en-Brisgau, auquel j’ai participé, l’idée a émergé d’un «diaconat light» pour les femmes, une forme de délégation de ce ministère. Je me suis alors levé et j’ai dit: «J’espère que les femmes ne vont pas avaler cette imposture. Si les femmes doivent être ordonnées diacres, il est logique qu’elles puissent également devenir prêtres et évêques». Les femmes présentes ont compris cela et finalement renoncé au «diaconat light».

Que devrait-il se passer pour que les femmes puissent finalement être ordonnées?

Il est urgent de procéder à une réforme de fond de la conception du sacrement de l’ordre, qui date du Moyen Age. Il est désuet et comporte des éléments magiques que plus personne ne comprend aujourd’hui et que plus personne ne peut transmettre, comme l’idée selon laquelle l’ordination confère une marque indélébile à ceux qui reçoivent ce sacrement. Une marque qui est liée au genre masculin.

Par quoi faudrait-il donc commencer?

Ce serait d’abord aux théologiens de travailler là-dessus. Malheureusement la théologie d’aujourd’hui n’est pas assez valorisée par le Vatican, voire même partiellement ignorée. Au Moyen Age, l’Eglise reposait sur trois piliers d’une importance égale: les ordres, les théologiens et le pape, c’est à dire l’autorité de Rome. L’Université de Paris avait, par exemple, une grande influence sur l’Eglise. Aujourd’hui, tout est centralisé à Rome, et les théologiens sont souvent désavoués quand ils écrivent quelque chose qui ne rentre pas dans l’interprétation étroite de la curie romaine.

La discussion sur le diaconat des femmes serait-elle ainsi complètement insensée?

Oui. Le diaconat des femmes est une impasse, cette discussion est un exercice d’alibi. Cela ne résout aucun problème, surtout pas celui de la pénurie de prêtres. Les diaconesses ne pourraient vraisemblablement qu’administrer le sacrement du baptême et celui des malades. Le sacrement de pénitence et de réconciliation et l’Eucharistie continueraient à être du ressort des prêtres. Et là réside le problème principal de la pastorale, en ce que la célébration de l’Eucharistie devient de plus en plus difficile à réaliser et de plus en plus rare, du moment qu’il y a de moins en moins de prêtres ordonnés. (cath.ch-apic/kath/sys/rz)

Le diaconat féminin est-il une impasse? | © Pixabay.com
6 août 2016 | 15:08
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 3 min.
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La théologienne suisse Helen Schüngel-Straumann La théologienne suisse Helen Schüngel-Straumann

La Ligue suisse des femmes catholiques ne veut pas d’une «voie parallèle» pour les femmes

La Ligue suisse des femmes catholiques (SKF) a salué, dans un communiqué, l’annonce faite le 2 août 2016 par le pape François de la création d’une Commission d’étude sur le diaconat des femmes. La SKF s’est réjouie que le pape François se soit saisi de «l’urgent question du rôle des femmes dans l’Eglise catholique». L’association souhaite que les femmes soient fortement représentées au sein de cette commission. La SKF considère que l’accession des femmes à ce ministère pourrait constituer une réponse aux défis et aux problèmes actuellement existant dans l’Eglise. Pour l’association basée à Lucerne, ce type de diaconat ne devrait néanmoins pas devenir une sorte de «voie parallèle» spécialement destinée aux femmes. Il devrait, selon la SKF, être conçu de manière analogue au diaconat masculin, en termes d’égalité des genres.