En Belgique, l'Etat veut nouer un nouveau dialogue avec les religions (Photo: la Grande mosquée de Bruxelles: William Murphy/Flickr/CC BY-SA 2.0)
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Dialogue des cultes et de la laïcité avec le gouvernement belge

Le gouvernement belge a approuvé le 17 mai 2017 un protocole d’accord visant à stimuler le dialogue entre les autorités civiles, les organes représentatifs des cultes reconnus et les organisations philosophiques non confessionnelles reconnues.

Il s’agit de «transcender la polarisation» en rassemblant les différentes religions et convictions philosophiques présentes en Belgique. C’est en résumé ce qui ressort de la réunion tenue le 17 mai entre le Premier ministre, le ministre de la Justice et les représentants des cultes reconnus et de la laïcité, rapporte cathobel, le site francophone de l’Eglise catholique en Belgique.

Après les sanglants attentats terroristes

En avril 2016, un mois après les sanglants attentats terroristes à l’aéroport de Zaventem et dans le métro de Bruxelles, le gouvernement fédéral et les représentants des cultes reconnus et de la laïcité publiaient une déclaration commune. Ils y réaffirmaient leur engagement de construire ensemble, en ne transigeant pas sur leurs valeurs fondamentales. Avec en filigrane, la volonté de se réunir régulièrement pour poursuivre le dialogue.

Le chef du gouvernement et le ministre de la Justice ont signé avec les représentants des cultes et de la laïcité une déclaration sur la nécessité d’un dialogue permanent pour bâtir ensemble «une société qui assure la durabilité de nos valeurs fondamentales».

Climat polarisé

Pour le gouvernement, les attentats de Bruxelles et de Paris, ainsi que le climat, parfois polarisé, qui s’en est suivi ont montré l’importance d’un dialogue permanent entre les différentes religions et convictions philosophiques et les autorités civiles. «Ce n’est que par le dialogue que nous réussirons à mettre en place une société au sein de laquelle tout le monde se sent concerné», a précisé le ministre de la Justice Koen Geens.

Selon Charles Michel, Premier ministre, «il est important de stimuler le dialogue permanent entre les représentants des cultes reconnus, de la laïcité et de l’Etat fédéral pour promouvoir et garantir la pérennité de nos valeurs fondamentales, notamment celles des Droits de l’Homme».  Il a rappelé que, déjà en 2015 et 2016, le gouvernement belge avait réuni les cultes et la laïcité autour de la table. «Le protocole favorisant le dialogue permanent est un continuum, un signal fort pour faire émerger une société de confiance et une société libre basée sur ces valeurs».

Interdiction de l’abattage rituel: juifs et musulmans réagissent

Dans le contexte des relations entre les diverses communautés présentes en Belgique, la question de l’abattage rituel des bovins et des ovins à l’occasion des fêtes juives et musulmanes fait débat depuis des mois. Les députés wallons ont adopté à l’unanimité une loi interdisant l’abattage sans étourdissement des animaux d’élevage, dès la fête musulmane du sacrifice de cette année. Au nord du pays, le décret flamand interdisant l’abattage sans étourdissement est prêt et devrait être débattu au parlement avant les vacances pour entrer en vigueur au 1er janvier 2019. Dès cette date, l’abattage sans étourdissement sera donc interdit en Belgique. Rappelons que les responsables religieux juifs et musulmans, soucieux de préserver l’abattage rituel, voient dans cette décision une atteinte à la liberté de culte.

Atteinte à la liberté de culte

Ainsi l’Exécutif des Musulmans de Belgique (EMB) a annoncé le 15 mai dernier qu’il réclamait que le Conseil d’Etat soit consulté avant le vote final du décret qui prévoit, en Wallonie, l’interdiction de tout abattage rituel sans étourdissement. Cette demande vient rejoindre celle faite le vendredi 12 mai par le Consistoire central israélite de Belgique. Dans son communiqué, l’EMB écrit que «la proposition de décret fait naître, dans le chef de l’EMB, des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le libre exercice des rites religieux garantis par la Constitution belge et par la Convention Européenne des Droits de l’Homme».

Alors que les communautés juive et musulmane refusent l’étourdissement des animaux avant l’abattage rituel, les chefs des cultes chrétiens reconnus par la Belgique ont fait part de leur position le 12 mai 2017.

Les chefs chrétiens plaident pour le respect des libertés religieuses

Dans un communiqué commun, signé par le cardinal Jozef De Kesel (pour l’Eglise catholique), le pasteur Geert W. Lorein (pour les Eglises protestantes évangéliques), le métropolite Athénagoras Peckstadt (Eglise orthodoxe), le pasteur S. Fuite, président de l’Eglise Protestante Unie de Belgique et Jack McDonald, responsable de l’Eglise anglicane, les responsables chrétiens indiquent que «vu les valeurs importantes en jeu, les Eglises chrétiennes, bien que non soumises à ce type de règles alimentaires, ne pratiquant pas l’abattage rituel et donc pas directement impliquées, souhaitent faire entendre leur voix».

Ils précisent que la sensibilité croissante au bien-être animal, témoigne en soi d’un respect des êtres vivants et de la création. Mais ils mettent en garde «de faire de la critique de l’abattage sans étourdissement la couverture d’un discours de mépris à l’égard du mode de vie et des règles alimentaires de nos concitoyens juifs et musulmans. Nous rappelons que la liberté religieuse est une part essentielle du système démocratique. Le respect de cette liberté religieuse que nous réclamons pour les chrétiens et les autres religions à travers le monde, nous le défendons aussi avec force dans notre société européenne».

Limiter au maximum la douleur animale

Les chefs des cultes chrétiens rappellent que d’une part, un nombre limité d’animaux est concerné par l’abattage et que l’on cherche toujours à limiter au maximum la douleur animale durant celui-ci. Ils ajoutent que nombre d’autres points problématiques existent dans l’industrie alimentaire, notamment lors de la transformation de la viande qui, vu leur échelle, sont tout autant prioritaires. En conclusion, ils demandent aux politiciens et aux décideurs de prendre au sérieux les aspirations des religions concernées et d’élaborer des procédures qui réconcilient «autant que possible» l’hygiène, la santé publique, le bien-être animal avec le droit fondamental de la liberté religieuse.  (cath.ch/cathobel/be)

En Belgique, l'Etat veut nouer un nouveau dialogue avec les religions
18 mai 2017 | 11:07
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 4 min.
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