Un évêque canadien publie in extenso le rapport remis au pape pour la visite ad limina

Deux semaines avant d’aller rencontrer le pape François à la fin du mois de mars 2017, Mgr Albert LeGatt a posé un geste audacieux, qu’aucun autre évêque du Canada n’a osé imiter. L’archevêque de Saint-Boniface, au Manitoba, dans le centre du pays, a en effet rendu public le rapport préparé pour sa visite ad limina à Rome.

Le 17 mars 2017, Mgr LeGatt a publié le volumineux rapport sur l’état de son archidiocèse, un document qu’il devait présenter à Rome, du 27 mars au 2 avril, au pape François et à ses adjoints, les cardinaux responsables des différents ministères du Saint-Siège.

Une première

Six mois après sa visite ad limina, une visite quinquennale que tout évêque catholique est tenu de faire à Rome pour y rencontrer le pape et les divers dicastères de la curie romaine, la Relation quinquennale 2006-2015 de l’archidiocèse de Saint-Boniface est toujours disponible en ligne. Il s’agit d’un texte de 112 pages sans compter les annexes, publié sur le site du diocèse.

Mgr LeGatt a voulu ainsi partager son regard et son analyse sur la réalité de Saint-Boniface avec tous les fidèles de son archidiocèse, estimant que «ce rapport n’est pas secret».

Une lettre pastorale

Bien que tous les évêques canadiens aient effectué leur visite ad limina en 2017, aucun diocèse francophone au Canada n’a rendu public, à ce jour, le document qu’il a remis au pape. L’archevêque de Saint-Boniface estime que «c’est comme une immense lettre pastorale. C’est la vie même de l’Eglise. Alors pourquoi ne pas partager cela avec tous les fidèles?»

«Comme évêque, on rédige des lettres pastorales qui proposent notre réflexion, nos espoirs et nos objectifs en ce qui a trait à la vie de l’Eglise, à l’évangélisation, à la justice sociale, et à d’autres sujets. La Relation quinquennale qui nous est demandée a le mérite d’être un regard sur l’ensemble de la vie de l’Eglise», confie-t-il à l’agence d’information religieuse québécoise Présence.

La communication est essentielle

Dès son arrivée à Saint-Boniface, il y a huit ans, après avoir consulté les fidèles, Mgr LeGatt a compris que la communication était essentielle. «J’en ai fait une priorité. Il faut de la communication de paroisses à diocèse, de diocèse à paroisses, mais aussi de la communication entre le diocèse et les paroissiens. En fait, entre l’Eglise et tous ceux qui s’y intéressent».

Pour l’archevêque, le site internet du diocèse est un outil incontournable pour assurer cette communication. «C’est l’endroit où une organisation se dit et communique son identité, ses objectifs, sa vision». Et c’est sans aucun doute là que doit se retrouver le rapport que tout évêque en charge d’un diocèse rédige et remet au pape avant toute visite ad limina.

L’article 399 du Code de droit canonique de l’Eglise catholique stipule que «l’évêque diocésain doit, tous les cinq ans, présenter au pontife suprême un rapport sur l’état du diocèse qui lui est confié». Rien ne précise qu’il doit rester secret, précise Mgr LeGatt. «Il n’y a rien qui empêche la publication du rapport et cela ne peut faire que du bien, énormément de bien!»

Avancer ensemble, avec transparence

Mgr LeGatt a 64 ans. Théoriquement, il pourrait encore effectuer deux autres visites ad limina et donc rédiger, avec ses collaborateurs, deux autres Relations quinquennales. Les membres de son diocèse pourront alors comparer ces nouveaux documents avec celui publié cette année afin de mesurer les avancées et les reculs de l’Eglise de Saint-Boniface.

En fait, l’archevêque ne voit que des avantages à cette diffusion publique. «Cette relation quinquennale permet d’unir tous les fidèles dans une vision collective et d’avancer ensemble, avec transparence, en dialogue et en maturité. On se dit là des choses d’une façon qui va nous aider à grandir ensemble».

Mgr LeGatt confirme que durant son séjour à Rome, il n’a reçu «aucune observation du Saint-Siège ou des congrégations que ce n’était pas une chose à faire». L’agence d’information religieuse Présence a approché d’autres diocèses canadiens pour obtenir leur rapport intégral. Tous ont refusé, explique le rédacteur François Gloutnay.


Élèves cris et leur professeure au pensionnat indien de All Saints, (École missionnaire anglicane), Lac La Ronge, au Saskatchewan, mars 1945 (Photo: flickr/Bud Glunz/cc)

 


Sur les pensionnats autochtones et les Premières Nations

Au Manitoba, comme partout ailleurs dans l’Ouest canadien, peut-on lire dans la partie du rapport qui y est consacrée, «les ravages causés par l’expérience des pensionnats autochtones furent plus importants que dans le reste du Canada. Le sentiment d’aliénation à l’égard de leur famille et de leur communauté, la perte de la langue et de la culture, des dysfonctionnements transmis de génération en génération depuis cette époque ont causé de profondes blessures dans la relation entre l’Eglise et les peuples autochtones, qu’ils soient catholiques ou non. Et souvent, dans  les  pensionnats  autochtones, la  discipline  sévère – inconnue de ces cultures – rendait  la  blessure  encore  plus  profonde,  ainsi  que – bien  plus  tragique  encore – les  abus  sexuels perpétrés sur les enfants par des membres du clergé ou des communautés religieuses».

«Depuis les années 90, les Premières Nations ont commencé, avec beaucoup de courage, à apporter à la  connaissance  de  la  société  canadienne ces  injustices  du  passé  qui  affectent  encore  leur  vie présente. Des  efforts  pour  établir  la  vérité,  pour  offrir  des  compensations,  pour apporter guérison et réconciliation ont été entrepris à la fois  par  le Gouvernement  fédéral  et par les Eglises (catholique romaine, anglicane, presbytérienne, Eglise unie du Canada) qui  ont géré ces écoles depuis le milieu des années 60. Les 6 années de travaux de la Commission de vérité et réconciliation ont mené à la rédaction d’un rapport reprenant 94 recommandations pour avancer vers de meilleures relations – pour le présent et l’avenir – entre les peuples de Premières Nations d’une part, et le Gouvernement, les Eglises et la société canadienne tout entière d’autre part. Des 94 recommandations, 7 concernent spécifiquement les Eglises, y compris l’Eglise catholique romaine. Les efforts de notre diocèse pour répondre à ces défis d’évangélisation, de réconciliation, de guérison et de justice envers les peuples autochtones dans l’archidiocèse de Saint-Boniface sont nourris par une rencontre  annuelle  de  tous  les  prêtres et religieuses qui exercent leur ministère auprès des Premières Nations, ainsi que des leaders laïcs de chacune de ces communautés».

Mgr LeGatt constate encore que «les  défis  auxquels  l’Eglise  fait  face  sont  immenses,  étant  donné  l’histoire  de  l’évangélisation lourdement  marquée  par  une  mentalité  colonialiste».  «Cependant, les opportunités sont également nombreuses, de par les nombreuses valeurs communes en ce qui a trait à la famille, à la communauté, à la création. L’Eglise en son ensemble se doit d’être à  l’écoute, et d’accepter d’apprendre de la culture autochtone si elle veut que les catholiques des Premières Nations se rallient à l’Evangile d’une façon à la fois saine et sainte». (cath.ch/présence/fg/be)

 

 

 

Mgr Albert LeGatt, archevêque de Saint-Boniface, au Manitoba
8 octobre 2017 | 18:23
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 5 min.
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