France: L'invitation par le diocèse de Fréjus-Toulon de Marion Maréchal-Le Pen fait le buzz

Paris, 27.08.2015 (cath.ch-apic) La nouvelle fait le buzz sur les réseaux sociaux et dans les médias au-delà de l’Hexagone depuis qu’elle a été révélée par l’hebdomadaire «La Vie»: pour la 5ème édition des Universités d’été de la Sainte Baume, sur le thème «Médias et vérité: ‘la vérité vous rendra libres’», l’Observatoire sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon (OSP), dirigé par le Père Louis-Marie Guitton, a invité Marion Maréchal-Le Pen, députée du Front national du Vaucluse.

La jeune députée du parti d’extrême-droite, petite fille du fondateur du FN Jean-Marie Le Pen, est invitée à une table ronde portant sur «Politique et Médias» samedi 29 août. Elle débattra aux côtés de Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, d’Arnaud Le Clere, de Sens Commun (parti de droite issu de la «Manif pour tous» et partenaire de l’UMP), de la députée des Bouches du Rhône Valérie Boyer (Les Républicains), de Simon Renucci, ancien député-maire d’Ajaccio (Divers gauche), et d’Aymeric Pourbaix, directeur de la rédaction de Famille Chrétienne.

La députée du FN dialoguera sur «Politique et Médias»

Chaque année depuis cinq ans, l’OSP organise des débats destinés aux jeunes chrétiens, désireux de s’engager dans la vie publique et auxquels participent des religieux, des journalistes ou encore des élus. Du 27 au 29 août, les participants réfléchissent aux rapports entre médias et vérité.

Pour le diocèse de de Fréjus-Toulon, ces Universités d’été organisées par l’OSP, avec collaboration avec les Dominicains de la Sainte Baume, en partenariat avec Famille Chrétienne et Liberté Politique, sont une occasion de dialoguer, ce qui est préférable à l’ignorance. Interrogé par Radio Vatican, Vincent Neymon, directeur de la communication de l’épiscopat français, déclare qu’»il faut dialoguer et non pas s’ignorer», en précisant qu’il s’agit d’»un débat local qui n’engage pas toute l’Eglise».

Une conférence des évêques qui joue la prudence

«Il ne faut pas avoir peur… on ne prend pas de risque à rentrer dans un dialogue tant que nos idées sont claires et que nous savons ce que nous voulons affirmer et réaffirmer de nos convictions. Nous ne sommes pas choqués de cette invitation à partir du moment où elle va servir à affirmer les idées, éventuellement à en contrer d’autres que l’on considère comme délétères», affirme Vincent Neymon.

Le directeur de la communication de la Conférence des évêques de France relève que Marion Maréchal-Le Pen a été démocratiquement élue avec plus de 30% des voix. Il estime qu’il ne faut pas «surdimensionner» une invitation qui est somme toute «absolument normale». Et de souligner que l’élue «se dit en plus catholique». Elle remplit de ce fait un critère important pour les intervenants de cette Université d’été, estime Vincent Neymon, qui tient à relativiser l’importance médiatique qui a été donné à cet de l’événement, qui de toute façon «n’engage pas tous les évêques de France».

Le FN aurait changé

Il admet qu’il y a une époque, «il y a vingt ou trente ans», que l’Eglise se méfiait plutôt du dialogue et du contact avec le Front national, «parce que les thèses xénophobes et racistes étaient très ouvertement prônées. On savait à l’avance que le dialogue serait difficile. Aujourd’hui, la donne a un peu changé».

Le porte-parole précise que la Conférence des évêques de France réaffirme sans varier les valeurs fondamentales de l’Evangile et de la doctrine sociale de l’Eglise: l’accueil de l’étranger, le respect de l’autre, l’attention aux plus fragiles, la solidarité. «Elle ne cautionnera jamais un parti politique ou toute formation dont les thèses seraient contraires à ces valeurs» a-t-il déclaré à la presse française.

Pour Mgr Rey, le FN est un parti «comme un autre»

Interrogé par les médias, Mgr Rey déclare dans les colonnes du quotidien «Le Monde» du 26 août 2015: «Dans la mesure où nous invitons des personnalités aux positionnements différents, à droite et à gauche, nous nous sommes dit: pourquoi pas une personne qui représente beaucoup d’électeurs ? (…) Le FN est un parti comme un autre sur l’échiquier politique. Il faut faire preuve de réalisme, ne pas se boucher les yeux et les oreilles!»

Même son de cloche chez l’abbé Louis-Marie Guitton, responsable de l’OSP, en charge de l’organisation de ces universités, en collaboration avec les Dominicains de la Sainte Baume et en partenariat avec l’hebdomadaire catholique «Famille Chrétienne» et le groupe chrétien «Liberté Politique». Il estime lui aussi normal d’inviter députée du FN, relevant que dans le département du Var, ce parti représente jusqu’à 40% des électeurs, d’autant plus qu’il y a aussi des chrétiens au FN. «Avant, il y avait une diabolisation, on ne dialoguait pas. Maintenant, quand on dit aux jeunes de ne pas s’adresser au FN, ils ne comprennent pas».

Le programme du FN compatible avec la doctrine de l’Eglise ?

Pour sa part, Marion Maréchal-Le Pen ne cache pas qu’elle est croyante. Elle a déclaré au quotidien «Le Figaro» qu’elle ne voyait pas pourquoi «le programme du Front national serait incompatible avec la doctrine de l’Eglise». De son côté, «Le Monde» titre: «L’Eglise ne tourne plus le dos au Front national», en soulignant que des catholiques ont décidé de rompre avec la stratégie de «cordon sanitaire» autour du Front national observée jusqu’ici par l’Eglise. «Pour la première fois, des représentants d’un diocèse ont invité un élu du parti d’extrême droite à participer à un débat qu’ils organisent».

Cette ouverture en direction d’un parti dont les valeurs fondamentales ne semblent pas correspondre à nombre de valeurs fondamentales défendues par l’Eglise, et en particulier par le pape François, indispose plus d’un catholique français. Ainsi le théologien François Euvé, professeur aux facultés jésuites de Paris et rédacteur en chef de la revue Etudes.

Sur le site internet de l’hebdomadaire «Le Point» (www.lepoint.fr), il affirme que «contrairement à ce que soutient l’évêque de Toulon, Mgr Dominique Rey, le Front national n’est pas un parti comme les autres. Jusqu’à présent, on s’en tenait à la position forgée par Mgr Billé quand il était à la tête de la Conférence des évêques de France. Celui qui était alors cardinal-archevêque de Lyon écrivait: ‘Il y a dans la doctrine du FN, complexe et mouvante, des éléments contraires au respect de la dignité de l’homme’. On ne peut pas mettre sur le même plan l’option du Parti socialiste sur le mariage pour tous, par exemple, et les positions du FN sur la question de l’immigration, à mon sens. Cette invitation, qui plus est alors que les migrants deviennent un enjeu central en Europe, est choquante».

Un monde catholique perturbé par des évolutions sociétales récentes

A ses yeux, l’invitation d’une telle personnalité «montre une évolution du monde catholique perturbé par des évolutions sociétales récentes: certains pensent trouver dans le FN la défense de leurs valeurs. C’est un courant qui a toujours existé au sein de l’Eglise». Le jésuite rappelle que, dans l’entre-deux-guerres, la majorité de l’épiscopat français était proche de l’Action française et des valeurs «travail-famille-patrie» du maréchal Pétain. «Mais après la guerre, et jusqu’à récemment, ces positions étaient devenues tabou. Force est de constater qu’elles sont en train de ressortir tranquillement». JB

Encadré

Thèmes de la 5ème édition des Universités d’été de la Sainte Baume

Cette année, les thèmes choisis par l’OSP sont: Les médias fabriquent-ils l’opinion publique? Les chrétiens face aux médias, quel témoignage? La vérité est-elle un superflu? L’homme peut-il vivre sans la Vérité? L’Eglise est-elle dans le Vrai?

L’OSP a été fondé par Mgr Dominique Rey en 2005. Les Universités d’été s’adressent aux «étudiants, jeunes pro, ou en activité» qui cherchent à s’investir dans la vie politique. Enseignements, témoignages, tables rondes forment le programme de ces rencontres.

Initiée à la demande de Mgr Rey, l’Université d’été de la Sainte-Baume est organisée par l’Observatoire sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon  et les Dominicains de la province de Toulouse pour former les jeunes chrétiens à la doctrine sociale de l’Eglise. Le thème de la session 2015 se décline en trois axes: l’analyse des médias, la vision chrétienne des médias, l’engagement des chrétiens dans les médias.

L’Université d’été de la Sainte-Baume est portée par un triple enjeu, note l’OSP: Le souci d’Eglise: répondre aux appels de l’Eglise qui invite à construire la civilisation de l’amour à l’école des saints; Le souci de la cité: promouvoir l’engagement politique et social à la lumière de l’Evangile; Le souci de l’homme: accueillir toutes les dimensions de la vie humaine pour unifier l’être, l’agir et la foi dans la recherche du bien commun. (apic/be)