Qu'est-ce que l'Eglise? Discussion en groupe  lors de la 1er rencontre synodale à Fribourg | © Bernard Bovigny, cath-fr
Dossier

Fribourg: Première rencontre du processus synodal

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Devoir constater l’indifférence religieuse de tant de personnes, y compris des proches, «qui vivent sans Dieu, au moins tant que tout va bien» telle est la principale source de découragement pour les participants à la première rencontre du processus synodal pour le décanat de Fribourg. Avec en face néanmoins l’assurance que Jésus n’abandonne pas son Eglise.

Quelques 120 personnes du Grand Fribourg ont pris part le 22 janvier 2022, à la première rencontre du processus synodal convoqué par le pape François. Simples fidèles, pratiquants, laïcs engagés, religieuses, agents pastoraux et prêtres ont rempli la salle du Werkhof en Basse-Ville, choisie comme un lieu neutre, en dehors des structures paroissiales.

«Nous ne sommes pas le bureau des revendications, mais nous voulons être une Église qui se questionne», avertit d’emblée le curé Philippe Blanc. Il n’est pas là pour commenter, pour justifier, encore moins pour juger. »Il s’agit de témoigner de ce que l’on vit, de son expérience, sans critère de hiérarchie ou d’autorité. Evitons le ›on’ indéterminé ou le ›il faut que’.»

La montgolfière a besoin d’air chaud et de vent

Pour permettre une libre expression, les responsables ont renoncé à un questionnaire mais ont utilisé la métaphore de la montgolfière. Pour avancer elle a besoin de deux choses: l’air chaud qui la porte et le vent qui la pousse, mais elle est ralentie pas le poids de ses passagers et le lest qu’elle emporte. Ses occupants contemplent à loisir le paysage sous leurs yeux. Rapportés à l’Eglise, les participants ont été invité à partager en groupes sur l’espérance qui les porte et les pesanteurs qui les découragent.

La cathédrale St-Nicolas de Fribourg est comme un phare (photo Maurice Page)

Pour la plupart, l’espérance se trouve dans la personne de Jésus «dont je vois le visage dans les personnes que je rencontre» témoigne Micheline. «Malgré les scandales et les difficultés, l’Église est toujours là, soutenue par la présence du Christ et de l’Esprit», estime Agnès. Jean-Benoît voit une analogie avec le période du Concile Vatican II. «Le pape François comme Jean XXIII  veut faire changer les choses». Monique insiste sur la miséricorde de Dieu «qui m’aime comme je suis et que me permet d’avancer.» Emmanuelle ne veut pas laisser de côté la dimension communautaire «avancer ensemble, travailler en équipe, nous enrichit les uns les autres. Et Jésus est au milieu de nous.» «Si je n’ai pas pris le temps de prier, ma journée ne sera pas bonne», note Thérèse. «Je reçois toujours une réponse positive, même si c’est parfois vingt ans après!».

Trop de gens n’ont plus besoin de Dieu

Du côté des poids, Claire cite «la critique négative de ceux qui attaquent tout et tout le monde. Critiquer l’Église c’est critiquer ma mère.» Jean-Benoît dénonce le syndrome «On a toujours fait comme ça! Pourquoi changer?». Agnès se désole de voir autant de monde «qui n’a plus besoin de Dieu qui n’y croit plus. Qu’est ce que j’ai fait de faux pour que la transmission ne passe plus? Je me sens responsable. «Dieu est le grand absent. Les gens en restent au mieux aux apparences et aux conventions sociales», admet Denise.

Les fidèles étaient nombreux au Werkhof, à Fribourg, pour parler de synodalité | © Bernard Bovigny cath-fr

Marcel regrette une Église qui «manque d’enthousiasme pour faire autre chose que maintenir les acquis et prolonger les habitudes. On se perd en petites querelles.» «Il manque trop souvent la joie du Christ», renchérit Micheline.

L’Eglise: «Une institution d’intellos et de machos»

La deuxième série d’interrogations a porté sur la vision de l’Église: «quand je dis Eglise de qui et de quoi est-ce que je parle?» Pour la majorité, les mots qui viennent en premier à l’esprit sont: autorité, Vatican, institution. Henri parle «d’institution d’intellos et de machos» pas assez proche de la vie des gens. Beaucoup voient une Église qui a trop tendance à juger et à exclure, par exemple les divorcés remariés ou les homosexuels. «Il y a trop de pouvoir, de matérialisme, d’argent» soulignent d’autres en rappelant qu’à Fribourg (qui dispose de l’impôt ecclésiastique, ndlr) on discute beaucoup d’argent.

C’est dans un deuxième temps seulement qu’arrive l’idée du peuple des baptisés. «L’Église c’est nous tous, y compris ceux qui ont été blessés par elle». Plusieurs élargissent d’ailleurs la frontière à tous ceux qui croient en Dieu ou à toutes les personnes de bonne volonté.» «L’Église n’est pas d’abord un ensemble de dogmes, ni une série de règles morales, mais la famille des enfants de Dieu» souligne Dung.

Pour une Église plus ouverte

Les propositions vont dans le sens d’une Église plus ouverte, plus accueillante et plus servante. «Moins d’administration, plus de présence», résume Thérèse. Monique s’interroge cependant à propos des périphéries: «Qu’est-ce que cela veut-dire? S’agit-il de faire du social, d’écouter les personnes, de les accompagner vers la foi?».

«Aller vers les personnes en marge c’est bien,mais que faire face à ceux qui se sont détournés?» relèvent d’autres. «Ne faut-il pas respecter leur liberté et laisser Dieu agir?»

Après trois heures d’échanges, le curé Philippe Blanc se refuse à tirer une quelconque conclusion. «En fait de conclusion, il faudrait plutôt parler d’ouverture, de début d’un processus. La démarche synodale voulue par le pape est appelée à se prolonger et se concrétiser dans toute la vie de l’Église». (cath.ch/mp)

Le processus synodal à Fribourg
Le décanat de Fribourg a imaginé le processus synodal en trois étapes: Une Église qui se questionne, une Église qui dialogue et une Église qui célèbre et qui annonce avec autant de journées d’échanges. Les deux suivantes auront lieu le samedi 19 février à la paroisse Saint-Pierre et le 19 mars.
Les réponses seront ensuite adressées à l’équipe du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, qui en fera une synthèse qui remontera jusqu’à Rome pour le synode des évêques en octobre 2023.
Les réponses individuelles sont également possibles sur le site du diocèse ou celui du synode au Vatican. Enfin cath.ch attend volontiers votre contribution qui sera publiée sur son site. MP      

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Qu'est-ce que l'Eglise? Discussion en groupe lors de la 1er rencontre synodale à Fribourg | © Bernard Bovigny, cath-fr
25 janvier 2022 | 17:00
par Maurice Page

A la veille de l’ouverture, par le pape François, le 10 octobre 2021, du Synode sur la synodalité, cath.ch a sondé les diocèses romands sur leur manière d’entamer cette «marche ensemble». Petit tour d’horizon de la mise en route d’un processus qui va durer deux ans.

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