L'abbé Joël Pralong, directeur du Séminaire de Sion (Photo: Pierre Pistoletti)
Suisse

Fusillade d'Orlando: «L'homophobie est une peur de la différence»

Après l’attentat islamiste d’Orlando, en Floride, contre la communauté LGBT, qui a fait au moins 50 morts, le 12 juin 2016, Joël Pralong, directeur du séminaire de Sion, explique à cath.ch que les religions doivent inviter les gens à quitter une vue étroite concernant l’homosexualité, souvent liée à une interprétation littérale des textes sacrés qui réduisent les personnes à des actes.

La communauté homosexuelle du monde entier est sous le choc après la fusillade qui s’est produite dans la boîte de nuit gay Pulse. Le groupe djihadiste Etat islamique (EI) a revendiqué l’attaque. Il s’agit de la première action de grande ampleur de la mouvance islamiste contre la communauté LGBT, que les fondamentalistes musulmans considèrent comme un signe de la «perversion de l’Occident».

Joël Pralong, auteur de nombreux livres, entre autres, sur les relations entre l’Eglise et les personnes homosexuelles, condamne cette «haine gratuite», et invite les religions, dont le catholicisme, à lutter contre l’ignorance et la peur, qui forment le terreau de l’homophobie.

Pourquoi existe-t-il, dans certaines religions, cette haine des homosexuels?

Joël Pralong: Je pense que, dans les religions qui portent parfois un regard négatif sur l’homosexualité, comme c’est le cas pour l’islam, il existe des tendances au «légalisme», à vouloir tout résoudre par la règle. Cette vision des choses débouche très souvent sur l’ignorance, la peur et finalement la violence. Il faut prendre garde à «l’arbre de la loi qui cache la forêt». Plutôt que de se focaliser sur cet arbre, certains devraient oser entrer dans la forêt. Car l’homme est plus grand que les règles et c’est une erreur de penser que leur observance absolue puisse résoudre tous les problèmes. Plus on enferme les gens dans des règles, plus grandit le déni, le refoulement. C’est une marmite qui bouillonne et qui finit par exploser.

«L’Eglise devrait encore mieux affirmer la dignité des personnes homosexuelles»

Il me semble que les sentiments homophobes proviennent bien souvent d’une «peur de soi-même», résultant d’une impossibilité d’exprimer sa véritable nature. Ainsi, ce sont parfois les gens refoulant leurs propres tendances homosexuelles qui font preuve de haine et de violence envers ces dernières.

L’homophobie est-elle spécialement présente dans l’islam?

L’homophobie est présente partout, puisque, comme je le disais, elle provient de l’ignorance et de la peur de la différence. L’Eglise catholique est contre toute forme d’homophobie, mais on y trouve toujours des gens qui lisent les textes bibliques de façon littérale. J’estime pour ma part que la Bible ne condamne pas l’homosexualité. Car quand elle condamne effectivement les actes sexuels entre deux personnes de même sexe, elle ne parle pas des relations affectives entre deux personnes. Ce dont la Bible parle, ce sont plutôt des actes qui découlent d’une volonté de se rebeller contre Dieu, contre son plan pour l’homme. Il ne s’agit pas d’une homosexualité «involontaire», comme le vivent de nombreuses personnes, mais d’une forme de perversion morale. Je recommande ainsi de lire la Bible et les autres textes sacrés en entier et de les comprendre dans leur globalité, et pas d’en retirer des passages qui servent à stigmatiser l’autre.

Qu’est-ce que les religions devraient changer pour mieux combattre l’homophobie?

L’enseignement de l’Eglise n’impose en fait rien sur la sexualité, mais propose un chemin à partir des valeurs qu’elle croit justes. Mais là encore, certains utilisent son enseignement n’importe comment, comme une arme contre les personnes homosexuelles sans y voir des personnes capables d’aimer comme n’importe qui d’entre nous. L’Eglise «experte en humanité» (Paul VI) devrait encore mieux affirmer la dignité des personnes homosexuelles et éviter d’utiliser des termes qui sont dégradants à leur égard, pour permettre un vrai dialogue. Ensuite, il s’agirait de se concentrer sur ce qui est constructeur dans ce type de relation, et pas seulement sur l’aspect sexuel. Il faudrait faire taire les tabous, inviter les personnes homosexuelles à s’exprimer, apprendre à les connaître, à comprendre ce qu’elles vivent, afin de surmonter l’ignorance.

De mon expérience, il m’apparaît que la vision de parents qui découvrent soudain que leur enfant est homosexuel change fondamentalement. Sans doute que les religions devraient avoir ce même regard sur les homosexuels, les considérer malgré tout et avant tout comme leurs enfants. (cath.ch-apic/rz)

L'abbé Joël Pralong, directeur du Séminaire de Sion
13 juin 2016 | 14:45
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 3 min.
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