Le divorce entraîne un déchirement | © Colorbox
Suisse

Genève: «Divorcé-e? l'Eglise vous accueille !»

Divorcés? L’Église ne vous abandonne pas, ne vous exclut pas, mais elle vous écoute et elle vous accompagne. Tel est le message de l’Église catholique à Genève (ECR-GE). Pour le vicaire épiscopal, l’abbé Pascal Desthieux, il faut dissiper les malentendus et les idées reçues de personnes qui après un divorce ‘s’auto-excommunient’ ou se sentent mises à l’index par l’Église. Une façon de mettre en œuvre l’appel du pape François dans Amoris laetitia.

«Le pape nous invite à accueillir chaque situation particulière dans sa spécificité», explique Pascal Desthieux. Après la publication d’Amoris laetitia,(La joie de l’amour) l’exhortation apostolique post-synodale du pape François sur l’amour dans la famille, le vicaire épiscopal a demandé à la Pastorale familiale (PFG) d’approfondir la question des divorcés pour répondre à l’invitation du pape à «accompagner, discerner et intégrer.»

Laisser la porte ouverte

«Trop souvent nous entendons dire ›maintenant que je suis divorcé-e’ ou ›maintenant que je me suis remarié-e je ne peux plus aller à l’Église’. C’est faux et cela nous fait mal. Les portes des églises ne se ferment pas pour les personnes divorcées», clarifie l’abbé Desthieux. «Au contraire le divorce est une épreuve, souvent douloureuse, avec des blessures, et notre mission est d’être présents dans ces moments de fragilité».

Pour traduire cette volonté dans un projet concret, un groupe de travail constitué par la PFG a proposé une démarche sur deux axes: communiquer clairement le message de non-exclusion par l’Église des personnes divorcées, d’une part, et développer des outils d’accompagnement et discernement appropriés, de l’autre.

La démarche est résumée et communiquée dans un flyer de quatre pages disponible dans toutes les paroisses et sur internet. Intitulé «Divorcé(e)s ? L’Église vous accueille», le document propose une démarche d’accompagnement.  Un guichet téléphonique pour les divorcés qui permet d’établir un premier contact. En fonction de leur demande, les personnes concernées seront orientées vers un prêtre, un théologien, un canoniste ou encore un psychologue. Ces spécialistes forment la nouvelle plate-forme de l’ECR pour les divorcés. «Le travail s’effectue en réseau et en lien avec différents services, parmi lesquels l’officialité du Diocèse à Fribourg et l’association Couple et famille et son service de médiation», explique Isabelle Nielsen, adjointe du vicaire épiscopal.

Modifier la perception d’une Église qui interdit, juge et condamne

Le défi principal est celui de modifier la perception d’une Église qui juge, condamne et interdit. En ce sens, le flyer s’adresse en premier lieu aux nombreuses personnes qui n’ont pas ou plus de lien avec une paroisse ou un prêtre et ne savent pas à quelle porte frapper, soulignent l’abbé Desthieux et Isabelle Nielsen.

Les demandes peuvent être très différentes: recherche d’une réponse à des questions pratiques, par exemple ›si je suis divorcé, puis-je faire baptiser mon enfant ?› ou plus complexes, comme le besoin de faire le point après un divorce, une séparation ou un nouveau mariage. «La plateforme est également au service des prêtres et des agents pastoraux, pour qu’ils se sentent épaulés et aidés dans des situations où ils ne savent pas trop comment faire pour répondre aux sollicitations», précise Isabelle Nielsen.

Dans la plupart des situations, il n’y a pas de réponse préconçue et prête à l’emploi et c’est un chemin d’analyse et de discernement qui sera envisagé. S’il est vrai que pour l’Église catholique le sacrement du mariage est un engagement indissoluble pris devant Dieu, «il faut aussi dire et répéter qu’il n’y a pas d’excommunication, que les personnes ne sont pas bannies de l’Église suite à un divorce, une séparation ou une nouvelle union», résume l’abbé Desthieux.

Le parcours chrétien ne s’arrête pas à la ‘case divorce’

Une rupture peut surgir de parcours de vie qui s’éloignent avec les années, d’une trahison, d’un abandon, de blessures difficiles à surmonter… Mais le parcours d’une vie chrétienne ne doit pas s’arrêter pour les personnes qui passent par la ‘case divorce’. «Si on se base sur Amoris Laetitia et sur les documents des évêques suisses, nous pouvons dire que parmi les divorcés il y a pléthore de situations différentes. L’ouverture que nous souhaitons rendre visible est celle de la prise en considération de cette pluralité. Elle nous permet de voir derrière le terme de divorcé, non pas un statut fermé, mais une nouvelle étape de vie à discerner. Ce que nous proposons est une disponibilité à un accompagnement pour une relecture de ce qui s’est passé, pour aboutir à un murissement et à une prise de conscience. La vie continue et c’est le processus de vie qui compte», explique Isabelle Nielsen.

Reconnaître la nullité du mariage

Pour l’Église, le divorce est un acte civil et il n’est donc pas reconnu d’un point de vue ecclésial. Mais l’Eglise ne dit pas que cela n’existe pas. Elle reconnaît qu’un divorce peut entraîner des répercussions psychologiques et spirituelles, des déchirements. Elle a le souci des enfants, quand il y en a. Les personnes ayant divorcé ont toujours le droit de communier.

Il en va autrement quand un nouvel amour voit le jour, en cas de remariage. Pour des chrétiens respectueux de ce que dit l’Église, c’est une étape difficile. «Selon les situations, il est possible de s’acheminer vers la reconnaissance de nullité sacramentelle du mariage, pour établir si, au moment de sa célébration, les conditions d’une union valide étaient remplies ou pas», explique le vicaire épiscopal. Mais même quand la nullité du premier mariage ne peut pas être reconnue, l’Église n’excommunie pas les divorcés remariés.

L’accès à l’eucharistie reste un débat délicat

La question de l’accès aux sacrements, en particulier l’Eucharistie, est par contre  «sujette à un débat délicat», explique encore l’abbé Desthieux. L’exhortation Amoris Laetitia du pape François appelle à ne pas cataloguer ou enfermer ces personnes dans des «affirmations trop rigides sans laisser de place à un discernement personnel et pastoral approprié.»

Le groupe de réflexion de la Pastorale familiale a choisi de ne pas se focaliser sur cette unique question de la communion des divorcés remariés. «Nous ne pouvons pas nier que dans ces situations il y a une rupture par rapport à un engagement. Mais il nous semble que le message de miséricorde du pape François nous aide à dire que s’il y a la loi, chaque loi doit être comprise dans un contexte individuel et spécifique, comme le Christ l’a fait, réfléchit Isabelle Nielsen. Le discernement nous permet d’explorer la situation concrète. C’est très exigeant et cela demande une vraie disponibilité par rapport à une posture légaliste».

Depuis le lancement, le téléphone du «guichet» a déjà sonné plusieurs fois. (cath.ch/sba/mp)

Le divorce entraîne un déchirement | © Colorbox
3 avril 2018 | 10:58
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 5 min.
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