Mgr Félix Gmür à Prague à l'occasion de la phase continentale du synode sur la synodalité | © Anna Kurian
Suisse

Il y a une «différence de vitesse» entre pays européens, note Mgr Gmür

À l’assemblée européenne du Synode sur l’avenir de l’Église, organisée du 5 au 12 février à Prague, Mgr Felix Gmür constate des tensions, et une différence de vitesse entre pays du Vieux continent. L’évêque de Bâle et président de la Conférence des évêques suisses explique à I.MEDIA les points d’attention de son pays dans ce processus, notamment la place des femmes, et l’éventualité de leur ordination diaconale.

Comment trouvez-vous cette assemblée, quelles sont vos impressions ? 
Mgr Felix Gmür: Je trouve l’ambiance ouverte, respectueuse. À présent on a ressenti aussi un peu de tension. Ce qui n’est pas grave parce que ça correspond à la vérité, il y a des tensions dans l’Église. Cela est dû à la manière dont on perçoit l’Église dans la société: quel est son rôle dans la société ? De quelle façon l’Église peut-elle apprendre de la société ?

Quels sont les thèmes importants apportés par la Suisse à cette rencontre ?
Il y avait deux points principaux. Le premier était de mettre le doigt sur la question de la femme, parce que cette question chez nous est brûlante. Dans une société où il y a l’équité, qu’en est-il dans l’Église ? Je crois qu’il y a une majorité de catholiques suisses qui aimeraient que les femmes aient une position plus décisive dans les Églises locales, dans les diocèses. Cela touche l’ordination – notamment l’accès à l’ordination diaconale, dont il faut au moins discuter – mais pas seulement. 
Le deuxième point, ce sont nos expériences avec une Église «synodale», où plusieurs voix ne sont pas seulement entendues et écoutées, mais aussi ont leur mot à dire dans le processus décisionnel. Chez nous, notamment dans les questions financières, des laïcs hommes et femmes décident. Et cela marche bien. C’est cette expérience que nous avons apportée (le système ›dual’ suisse qui ›double’ les structures ecclésiales de droit canonique de structures ›ecclésiastiques’ de droit civil qui perçoivent l’impôt). Cela est liée la demande de réfléchir à une saine décentralisation. Y a-t-il des questions à décider au niveau des conférences épiscopales? Au niveau régional peut-être? L’accès des femmes à l’ordre pourrait-il être décidé au niveau régional? Ou continental? Tels étaient nos apports. 

Vous êtes justement venu avec une délégation composée uniquement de femmes. Était-ce un message? 
Les trois femmes n’ont pas été désignées par la Conférence des évêques seule. C’était un processus synodal : les femmes ont été proposées, les évêques ont donné leur accord.

Que pensez-vous des débats sur ce sujet à Prague?
Je vois et je ressens qu’on vit vraiment dans des différentes cultures qui provoquent une différence de vitesse pour avancer sur telle question ou telle autre. Une société ou un pays qui est en guerre a vraiment – et je comprends très bien – d’autres questions qu’une société ou un pays qui n’est pas en guerre, comme le nôtre. 

On constate un certain désintérêt pour cette phase synodale, qui semble à certains un événement éloigné de leurs préoccupations. L’assemblée de Prague donne-t-elle raison à ceux qui disent que tout ce qui est discuté ne va rien donner de concret?
Dans notre groupe linguistique, certains ont demandé: où sont ces solutions concrètes? Être à l’écoute demande beaucoup de patience, et demande aussi de constater et de comprendre que nous avons différentes vitesses. Cela peut créer des frustrations, de part et d’autre. Je crois que la patience est exigée, et difficile à tenir. Mais je crois qu’il s’agit plus que du bavardage, même si on peut avoir cette impression. C’est quand même une étape tellement importante que plusieurs pays, plusieurs voix, ont demandé qu’on répète cela, soit toutes les années, soit tous les dix ans… se retrouver, écouter et ressentir aussi les différences, les peurs, et trouver un chemin ensemble pour avancer. 

Quelle est votre position par rapport au Chemin synodal allemand. A-t-il une influence sur la Suisse
Le Chemin synodal allemand est allemand. En Suisse on ne pourrait pas faire comme cela. Chez nous on discute beaucoup, on fait moins de règlements, etc. Mais en Allemagne ils font de beaux textes dont toute l’Église peut profiter. En Allemagne, ils vont de l’avant, à leur manière. D’autres pays vont de l’avant à la leur. Mais je ne suis pas de l’intérieur, je ne peux pas avoir de jugement car je connais seulement de loin. 
L’idée du Conseil synodal par exemple ne serait pas applicable chez nous en Suisse – où l’on est beaucoup plus focalisés sur les communes et les paroisses et moins sur les diocèses. Mais cela entre dans la ligne des solutions pour décentraliser. En Allemagne, c’est une manière d’avancer ensemble. Est-ce que cela peut marcher? Je ne sais pas.

L’assemblée de Prague accueille aussi des délégués d’autres confessions chrétiennes. L’œcuménisme est-il une préoccupation dans les débats?
J’ai l’impression que l’œcuménisme est marginalisé ici, ce n’est pas au centre. On sent qu’on est trop occupés avec nous-mêmes pour être vraiment ouverts à une démarche œcuménique. Pour nous ce serait important. Un peu plus de la moitié des Suisses sont catholiques ou réformés, et on ne peut pas agir en société seuls. On a toujours besoin des partenaires chrétiens.  (cath.ch/imedia/ak/mp)

Mgr Félix Gmür à Prague à l'occasion de la phase continentale du synode sur la synodalité | © Anna Kurian
8 février 2023 | 17:03
par I.MEDIA
Temps de lecture: env. 4 min.
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