Inde: Un rapport américain dénonce les conditions de vie des «intouchables»

40 millions de personnes soumises au servage

New Delhi, 26 avril 1999 (APIC) Plus de cent-soixante millions d’»intouchables» indiens vivent dans des conditions inhumaines et doivent faire face à une augmentation sensible de la discrimination, des violences, des viols et des meurtres à leur encontre. Dans un rapport publié récemment, le groupe américain de promotion des droits de l’homme, «Human Rights Watch», demande instamment au gouvernement indien d’empêcher par des mesures législatives vigoureuses l’oppression fondée sur l’appartenance de caste. Autre constatation: l’abolition officielle de l’intouchabilité en 1950 n’a pas eu l’effet escompté.

«L’apartheid masqué» et «les violences de caste» dont souffrent les intouchables, habituellement appelés «dalits», se sont, selon le rapport, intensifiés depuis le début des années 1990 au fur et à mesure que les dalits s’organisaient davantage pour défendre leurs droits. Entre 1994 et 1996, 98’349 cas ont été enregistrés par la police à travers l’Inde sous la qualification de «crimes et atrocités à l’encontre des dalits». «Human Rights Watch» précise que ces chiffres ne manifestent que la partie émergée de l’iceberg, car les dalits, souvent, ne veulent pas ou sont dans l’impossibilité de rapporter les crimes commis contre eux, du fait du manque de coopération de la police.

La publication du rapport américain coïncide avec l’anniversaire de la naissance de B.R. Ambedkar, intouchable qui fut le rédacteur de la constitution indienne et le premier leader d’envergure nationale à émerger de la communauté des intouchables. Depuis lors, plusieurs personnalités d’envergure sont apparues chez les dalits. Le plus connu est sans doute l’actuel président de l’Union indienne, K.R. Narayanan, premier chef d’Etat dalit de l’histoire de l’Inde.

Complicité policière

En dépit de ces avancées, le rapport affirme que dans de très nombreuses régions du pays, la situation des dalits s’est considérablement dégradée. Une lumière crue est jetée particulièrement sur les activités criminelles d’une milice commanditée par des propriétaires terriens de haute caste dans l’Etat du Bihar. Ce groupe, nommé «Ranvir Sena», est jugé responsable du massacre de plus de 400 villageois entre 1995 et 1996. En l’espace de trois semaines seulement, en janvier et février 1999, les membres du groupe ont assassiné 34 dalits au cours de deux attaques distinctes.

Le «Ranvir Sena», qui revendique la présence de beaucoup d’hommes politiques parmi ses membres, opère selon le rapport, dans une impunité totale. Dans quelques cas, les membres de la police se sont comportés en observateurs neutres alors que les miliciens tuaient des villageois. Au cours d’autres raids du «Ranvir Sena», la police a molesté des villageois, violé des femmes et détruit des biens. «Human Rights Watch» ajoute que les dalits sont encore obligés de vivre dans des villages séparés et qu’on leur refuse l’accès aux lieux publics, aux puits, aux temples, tout en les forçant à la prostitution et à l’esclavage.

Manque de volonté politique

Le groupe américain de promotion des droits de l’homme demande que diverses mesures soient prises: dissolution du «Ranvir Sena», sanctions plus dures pour les crimes de caste, application des lois et lancement d’une campagne nationale de conscientisation.

Le rapport demande encore que l’Inde permette l’entrée dans le pays d’observateurs étrangers pour évaluer la situation et demande à la Banque Mondiale comme aux autres organisations financières internationales d’accompagner leurs aides d’une clause interdisant formellement les discriminations de caste.

«Les instruments permettant un changement existe en Inde, mais ce qui manque c’est la volonté politique de s’en servir», précise l’auteur du rapport, Smita Narula. Ce dernier estime que quarante millions de personnes, dont quinze millions d’enfants, dalits pour la plupart, sont soumis au servage et travaillent dans des conditions proches de l’esclavage pour payer leurs dettes. (apic/eda/ab)

26 avril 1999 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 2 min.
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