Irak: Le moine suisse Jens Petzold établit des ponts entre chrétiens et musulmans

Etablir des ponts entre chrétiens et musulmans est une priorité dans un Moyen-Orient en proie à la violence, estime le Père Jens Petzold. Le moine suisse dirige depuis 2012 la communauté monastique chaldéenne catholique de Deir Maryam Al-Adhra, à Souleymanieh, au Kurdistan irakien, non loin de la frontière iranienne.

Jens Petzold était invité en Suisse, début mai, par l’œuvre d’entraide Aide à l’Eglise en Détresse (AED/ACN) à Lucerne.

Le monastère de Deir Maryam Al-Adhra (monastère de la Vierge Marie), au Kurdistan, une filiale de celui de Mar Moussa, en Syrie, a vu déferler en août 2014 quelque 250 réfugiés ayant fui la prise des villages chrétiens de la Plaine de Ninive, près de Mossoul, par les terroristes de Daech, l’Etat islamique.

Kurdistan Les familles chassées par Daech ont trouvé refuge dans l’église | © Aide à l’Eglise en Détresse

Après un accueil d’urgence de familles dans le monastère, le religieux suisse a pu aider à les reloger et continue de soutenir ces réfugiés, tant chrétiens et yézidis que musulmans, en payant soins médicaux, frais d’électricité et de scolarité, grâce à l’aide d’ONG, notamment l’Œuvre d’Orient à Paris et AED.

Aide aux réfugiés de la Plaine de Ninive

La première mission du moine suisse était tout autre: il était chargé de faire revivre à Souleymanieh le monastère de la Vierge Marie. La Syrie étant en proie à une guerre sanglante, il s’agissait d’une éventuelle solution de repli pour la communauté de Mar Moussa el Habashi (Saint-Moïse l’Abyssin), un monastère datant du 6e siècle, que le jésuite italien Paolo Dall’Oglio avait restauré.

Si  le monastère, aujourd’hui, n’abrite plus aucune famille, cela n’empêche pas le religieux suisse de continuer à aider les réfugiés chrétiens, yézidis et musulmans, en payant soins médicaux, frais d’électricité et de scolarité… AED a notamment fourni un soutien pour permettre le relogement des réfugiés dans des préfabriqués.

Kurdistan Les réfugiés vivent dans des conditions précaires | © Aide à l’Eglise en Détresse

Le Père Petzold émet des craintes quant à l’avenir des chrétiens réfugiés au Kurdistan – dont certains retournent désormais dans les villages de la Plaine de Ninive où des maisons dévastées par les combats sont reconstruites. Il estime cependant qu’il y aura toujours des chrétiens en Irak.

Les travailleurs immigrés, les nouveaux chrétiens d’Irak

«Les chrétiens irakiens sont profondément enracinés dans leur patrie, mais c’est sûr qu’il y a un problème de confiance dans les voisins et de sérieuses questions sur l’avenir. Ils doivent avant tout retrouver une base économique, car il ne suffit pas de reconstruire les maisons détruites. S’ils n’ont plus rien pour vivre, que peuvent-ils devenir ?», confie-t-il sur les ondes de la radio catholique alémanique Radio Maria.

Et de relever une nouvelle réalité: la présence de nombreux chrétiens étrangers venus travailler dans le pays. Le religieux s’occupe également à Souleymanieh de près de 200 catholiques étrangers, notamment des Philippins, des Erythréens, des Ethiopiens et des Européens. «Ils pourraient peut-être un jour devenir la plus grande communauté chrétienne dans la ville».

Le Père Jens Petzold procure des vivres aux réfugiés à Souleymanieh | © Aide à l’Eglise en Détresse

Encadré

Un athée fasciné par la spiritualité de l’Extrême-Orient

Issu d’une famille athée venant de Berlin, après une formation d’employé de commerce à Zurich, Jens Petzold a travaillé à la Poste, avant de partir à l’aventure sur les routes après le décès de ses parents, fasciné par la spiritualité de l’Extrême-Orient.

Il était alors attiré par le bouddhisme et le taoïsme, a-t-il confié à Radio Maria. La Syrie n’était qu’une étape sur la route de la Chine, mais le destin en a voulu autrement.

Le chemin de Damas

Près de la ville de Nebek, à quelque 80 kilomètres au nord de Damas, il fait la connaissance du Père jésuite italien Paolo Dall’Oglio. Cette rencontre avec le fondateur de la communauté de Mar Moussa – enlevé le 28 juillet 2013 à Raqqa par les terroristes islamistes de Daech et vraisemblablement exécuté après sa capture – s’avèrera décisive pour trouver sa vocation monastique.

C’est à Mar Moussa, où il ne pensait rester que quelques jours, que le trentenaire se fera baptiser à Pâques en 1996. Après avoir vécu une douzaine d’années au monastère de Mar Moussa, qui a gardé sa vocation spécifique, à savoir le dialogue avec l’islam, le Père Petzold anime désormais la communauté de Souleymanieh.

Il a été rejoint en 2016 par le Père Jacques Mourad. Ce prêtre syriaque, ancien de la communauté de Mar Moussa, fut enlevé le 21 mai 2015 par les terroristes de Daech dans son couvent de Mar Elian (Saint Julien), à Qaryatayn, dans le désert entre Homs et Palmyre. Il fut  retenu en otage à Raqqa durant 4 mois et 20 jours. (cath.ch/be)

 

 

Kurdistan Le Père Jens Petzold avec des réfugiés dans le monastère de Deir Maryam Al-Adhra à Souleymanieh | © Aide à l'Eglise en Détresse
24 mai 2018 | 04:31
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
Irak (315), Jens Petzold (3), Paolo Dall'Oglio (11), Souleymanieh (5), Syrie (436)
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