«Jésus parlait le langage des médias»

Lyon: Décès du Père Pierre Babin, fondateur du CREC-AVEX

Lyon, 10 mai 2012 (Apic) Le Père Pierre Babin, un des principaux chercheurs catholiques dans le domaine de la communication, est décédé le 9 mai 2012 à Lyon, après plusieurs mois de maladie, à l’âge de 87 ans. Comme auteur, conférencier et formateur, Pierre Babin laisse un important héritage. Il avait notamment fondé en 1971 à Ecully, près de Lyon, le Centre de recherche et de communication (CREC), par lequel sont passé des centaines d’étudiants du monde entier.

Auteur d’une vingtaine d’ouvrages de référence traduits dans de nombreuses langues, Pierre Babin était un des principaux disciples du théoricien de la communication canadien Marshall McLuhan dont il a contribué à diffuser la pensée. Il a été chargé de cours à l’Université de Lyon et de Strasbourg, à l’Université de Dayton, à celle d’Ottawa, à l’East Asian Pastoral Institute, à Manille.

Fondateur et directeur du CREC-AVEX (Audio-Visuel et Expression de la Foi), à Lyon, Pierre Babin a consacré ses recherches et sa pratique à deux terrains : celui de la catéchèse des adolescents et des jeunes, et celui de la prise en compte par la catéchèse d’une nouvelle culture, celle de l’audiovisuel, à l’ère de la communication.

Il voulait être missionnaire dans le Grand Nord

Pierre Babin est né en 1925 à Paray-le-Monial, dans une famille très religieuse. A dix-sept ans, il fuit l’occupation allemande pour rejoindre le noviciat des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée, à Lablachère, en Ardèche, en zone libre avec le rêve de devenir missionnaire dans le Grand Nord.

A la fin de ses études théologiques, il est d’abord envoyé en Corse, puis rejoint Lyon comme aumônier de collège. Il s’intéresse alors aux questions de pédagogie religieuse et complète sa formation dans ce domaine à Lyon et Strasbourg. C’est là que naîtra un intérêt particulier pour la dimension psychologique de la communication religieuse qu’il développera plus tard. A cette époque, il considère déjà que la catéchèse des jeunes ne doit pas partir de la théologie et du dogme, mais faire émerger l’image de Dieu qu’ils portent en eux.

En 1957, il est envoyé au Canada pour enseigner la pastorale des jeunes. Il visite les Etats-Unis. En 1958 paraît «Itinéraire de catéchèse pour les adolescents». Ce petit ouvrage entend «aider l’éducateur à trouver les orientations d’un enseignement religieux qui atteigne profondément les jeunes d’aujourd’hui». Il propose plusieurs orientations : le sens d’un christianisme qui est vie, joie, liberté ; le sens d’un Dieu personnel qui est sujet de relations; le sens d’un univers dans le Christ, lequel entraîne une vision nouvelle de l’homme. Les publications autour de la jeunesse vont se suivre avec notamment en 1965 «Options pour une éducation de la foi des jeunes». Il y défend l’idée d’une catéchèse qui présentera les réalités de la foi d’abord et essentiellement comme Bonne Nouvelle.

Le tournant des médias

Au cours des mêmes années soixante, un tournant se dessine. A la lecture de McLuhan, Pierre Babin acquiert la conviction que l’audiovisuel caractérise un autre mode d’être et de communiquer, qu’il est un nouveau langage, à la base d’une nouvelle culture. Il se pose la question comment l’audiovisuel est-il apte à exprimer la foi ?

En mai 1971, l’Oeuvre Pontificale de la Propagation de la Foi demande au Père Babin si l’institution de formation qu’il vient de créer sous le nom de CREC (Centre Audio Visuel de Recherche et de Communication) pourrait organiser un cours intensif de formation audio-visuelle destiné aux missionnaires et prêtres autochtones chargés de produire dans leur pays du matériel audio-visuel catéchétique. C’est le lancement des sessions internationales qui, jusqu’en 2004, formeront plus de 1’000 responsables, venus de 115 pays. Depuis 2007, ces sessions se poursuivent en Afrique et au Moyen-Orient.

En 1977, paraît «Autre homme, autre chrétien à l’âge électronique» un ouvrage contenant les contributions de Marshall McLuhan et de Pierre Babin. Les deux auteurs traitent le passage de «la Galaxie Gutenberg à la Galaxie Marconi». Poursuivant sa réflexion Pierre Babin publie en 1983, en collaboration avec Marie-France Kouloumdjian, «Les nouveaux modes de comprendre, la génération de l’audiovisuel et de l’ordinateur».

En 1986, dans «L’ère de la communication, réflexion chrétienne». Pierre Babin développe son concept de «voie symbolique». Il constate qu’avec l’audiovisuel, c’est un retour au langage symbolique qui s’opère. Pour ce langage, c’est moins ce qu’il dit qui compte que l’effet qu’il produit sur nous. Il va en tirer un parcours d’initiation qu’il mettra en œuvre avec les étudiants du CREC-AVEX.

Jésus parlait-il le langage des médias ou celui du livre ?

Pierre Babin n’en doute pas, Jésus parlait le langage des médias, il parlait sous forme d’histoires, de proverbes et de paraboles, il «modulait». Sans doute les communautés chrétiennes ont-elles négligé, voire méprisé, au cours des derniers siècles, ce langage universel et populaire qui est celui de la modulation.

En 1989, Pierre Babin lance une recherche internationale sur le thème : Langage audiovisuel et culture. Il s’entoure d’une dizaine d’experts qu’il réunira à Bangkok (1990), Prague (1994) et Cologne (1996). Le groupe s’interroge sur le question : les médias conduisent-ils vers un langage et une culture universels ?

Depuis les années 1980, Pierre Babin avait des contacts avec l’Université St John à Bangkok. En 2002, cette université lui décerne le titre de Docteur honoris causa. Après sa retraite du CREC en février 2008, il devient professeur et chercheur honoraire à la Faculté des arts de la communication de l’Université St John. En septembre 2008, l’Université a inauguré le «Centre Babin des Communications». En août 2011, Pierre Babin avait encore reçu le prix McLuhan. (apic/mp)

Pour la nouvelle année 2005 Pierre Babin avait adressé à ses amis, un poème qui résume bien sa pensée :

La Terre Promise

Bon Noël 05 – Bonne Année 05 !

La vie est un grand voyage vers la Terre Promise. La Publicité te dit : la terre promise est ici ou là,

Achète ceci, achète cela !

Achète, mais ne le crois pas. La terre promise n’existe que dans les profondeurs de Soi.

Entre en toi si profond que tu deviendras universel.

Telle est la terre promise, quand toutes les nations seront bénies en toi.

Non parce que tu les auras dominées ou colonisées

Mais parce que tu les auras éveillées en ton coeur.

La terre promise n’est pas la réussite des idéologies, mais la réussite du mixage.

Mixage des images et des livres, des africains et des asiatiques,

Mixage du tam-tam et de Mozart, des couleurs et des musiques.

A l’âge d’Internet et de l’audiovisuel, ils arrêteront leur suprématie

Les Blancs sur la terre et les mots écrits dans les livres. Riches et pauvres mangeront à Carrefour. Bouddhistes, chrétiens, musulmans se reconnaîtront,

Doigts différents d’une même main, visages imparfaits du même Dieu .

Alors s’accomplira Noël, Dieu chez lui – chez nous. Alors viendra la Terre annoncée du Village global,

Et l’unité révélée de l’homme et de la femme.

Il n’y aura plus ni barrières, ni « man’s land »,

Ni ciel, ni enfer mais des montagnes et des plaines sous le soleil.

L’unité ne naîtra pas de l’exclusion mais de la diversité.

A chaque détour, les différences rajeuniront la vie éternelle.

Le mixage électronique est une pale image de la Terre Promise

Quand Son, Parole, Image tour à tour font mariage. Apprends à mixer, c’est le sens de la vie.

L’immense fracas des peuples et des guerres atomiques

Annonce la fin d’un monde de nations et de races. Frères et Soeurs, ce vieux monde ne peut garder ses frontières.

Il ne fallait pas inventer l’Internet.

Paix sur terre !

Unité dans la diversité !

Au tournant de l’année, que l’Esprit nous unisse

Dans le grand combat de la Terre Promise !

10 mai 2012 | 14:57
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 5 min.
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