Luxembourg : Le gouvernement veut supprimer l’enseignement religieux à l’école

L’audience de l’Eglise catholique reste pourtant assez forte dans le pays

Luxembourg, 29 décembre 2013 (Apic) Au Luxembourg, le nouveau gouvernement prévoit de supprimer l’enseignement religieux à l’école et de revoir à la baisse le financement des cultes. L’audience de l’Eglise catholique reste pourtant assez forte, et les Luxembourgeois demeurent attachés à la place des cultes dans l’espace public, rapporte le 29 décembre 2013 le quotidien catholique français « La Croix ».

Au Luxembourg, tous les élèves de l’école publique ont au choix dans leur emploi du temps, deux fois par semaine, un cours de religion ou un autre de morale. La première option est la plus populaire, suivie par 70 % des élèves à l’école fondamentale et 60 % au lycée. Dans un pays dont le premier journal – le Luxemburger Wort – et la principale communauté étrangère – portugaise – sont catholiques, l’audience de l’Eglise reste particulièrement forte.

Pour autant, le Luxembourg, lui aussi, est guetté par la déchristianisation. Selon un récent sondage, seuls 44 % des habitants sont liés à une communauté de foi ou religieuse (dont 39 % catholiques), et 9 % se rendent à un office religieux chaque semaine. Mais de très nombreux parents non croyants ou d’autres religions jugent le cours confessionnel catholique plus bénéfique pour leurs enfants que le cours de morale… Ce qui n’est pas le cas du nouveau gouvernement luxembourgeois.

Nouveau gouvernement, nouveau projet

Celui-ci, dirigé par Xaviel Bettel, entré en fonction début décembre à la suite d’élections législatives anticipées, projette de ne laisser au programme qu’un unique cours d’« éducation aux valeurs », qui présenterait, entre autres, « de manière objective, les grands courants religieux et philosophiques » (le gouvernement n’a pas précisé s’il sera demandé aux 300 enseignants de religion de se reconvertir).

Ce projet ne semble pas emporter l’adhésion des parents: d’après un sondage, 72 % de la population souhaite maintenir l’alternative entre les deux enseignements. Le 16 décembre, une cinquantaine de parents a lancé une pétition en faveur du choix qui a recueilli à ce jour 3 100 signatures. « Les parents tiennent à ce que l’école considère aussi leurs enfants comme des êtres transcendants, à qui proposer un temps de recul », plaide Jutta Lux-Hennecke, présidente de la seule fédération de parents d’élèves au Luxembourg, laïque, la Fapel.

Vers une séparation constitutionnelle de l’Eglise et de l’Etat

Le projet gouvernemental va plus loin. Le programme présenté le 10 décembre indique que « les réalités sociétales requièrent une remise en cause des relations actuelles entre l’Etat et les cultes. Les partis de la coalition gouvernementale affirment le principe du respect de la liberté de pensée, de la neutralité de l’Etat à l’égard de toutes les confessions religieuses ainsi que de l’autodétermination des citoyens ».

Alors que les ministres des cultes conventionnés (israélite et quatre Eglises chrétiennes) sont payés par l’Etat, et que les communes sont financièrement solidaires des fabriques (gestion matérielle des paroisses), le gouvernement a prévu d’entamer des « négociations », sans préciser s’il s’agissait d’abolir ou de réduire ces avantages. Le financement des ministres des cultes figure même en tête de la liste des « questions essentielles » que le gouvernement souhaite soumettre en 2015 par voie de référendum, en vue de réformer la constitution.

Dès 2014, le programme officiel de la Fête nationale devrait aussi voir disparaître le traditionnel Te Deum célébré dans la cathédrale Notre-Dame de Luxembourg, qui relèverait de la seule initiative de l’Eglise catholique. « L’Eglise est prête pour le changement, mais nous voulons un vrai dialogue et regrettons que ne soit pas reconnu tout ce que nous apportons à la société, sur le plan caritatif par exemple », réagit Roger Nilles, porte-parole du diocèse.

L’éviction de Jean-Claude Juncker en cause

Cette volonté de séparation marquée de l’Eglise et de l’Etat s’explique en partie par l’éviction du parti chrétien social (CSV) de Jean-Claude Juncker du pouvoir. Ce dernier a laissé sa place, dans une coalition avec les socialistes (LSAP), aux Verts (Dei Gréng) et au parti libéral (PD). Mais le CSV prévoyait lui aussi, en cas de victoire, de supprimer l’enseignement religieux au lycée (pas à l’école fondamentale) et de revoir les règles de financement des fabriques.

Le précédent gouvernement avait d’ailleurs mandaté un groupe d’experts dont le rapport, remis en octobre 2012, préconisait une meilleure égalité entre les cultes. Il avait aussi admis l’idée de conventions avec des « communautés aux convictions non religieuses » et la création de « maisons de la laïcité ». Par ailleurs, pour la première fois en 2013, le Te Deum a été célébré de manière interconfessionnelle.

Encadré :

Une séparation Eglise-Etat pratiquée positivement

La constitution luxembourgeoise, qui date de 1868, garantit la liberté d’exercer publiquement son culte et de n’appartenir à aucune religion, et, dans un esprit concordataire, indique que les rapports de l’Eglise avec l’Etat font l’objet de conventions. Par extension, des conventions ont été signées depuis les années 1990 avec les Eglises protestantes, orthodoxe, anglicane et la communauté juive.

Le culte musulman, ne représentant que 2 % de la population, n’a pas encore sa convention, et ses imams ne sont donc pas rémunérés par l’Etat pour le moment. L’Eglise catholique reste la seule à bénéficier de cours de religion à l’école et du soutien financier contractuel à ses paroisses (les autres cultes sont soutenus sur la base du volontariat).

(apic/lacroix/cw)

29 décembre 2013 | 12:15
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 4 min.
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