Lucie Lafleur est membre de la délégation française envoyée à la rencontre synodale de Prague | © Anna Kurian/IMEDIA
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La synodalité «vient des jeunes»

«La méthode synodale vient des jeunes eux-mêmes!», affirme Lucie Lafleur, membre de l’équipe nationale du synode en France, et envoyée parmi les délégués de l’assemblée synodale européenne organisée à Prague du 5 au 12 février 2023. La jeune mère de famille défend l’écoute pratiquée au Synode, soulignant que «lorsqu’on se rencontre vraiment, les peurs, les méfiances tombent».

Les évêques ont constaté un manque de mobilisation des jeunes durant la première phase du Synode au niveau local. Pourquoi cela, selon vous?
Lucie Lafleur: J’ai envie de répondre de façon positive, parce que j’ai été très heureuse dans cette phase continentale de voir que les diocèses en France, mais aussi à l’échelle européenne, ont un vrai souci de ceux qui ont moins participé. Il y a une conscience que si on veut marcher ensemble, on doit marcher tous ensemble. C’est un moteur pour être créatif et se demander comment on rejoint les jeunes, et ce que veut dire leur faible participation.

Justement, comment rejoint-on les jeunes sur le Synode?
La méthode synodale vient des jeunes eux-mêmes! Je suis très marquée que ce Synode sur la synodalité soit un fruit inattendu du Synode sur les jeunes en 2018. Les jeunes eux-mêmes ont dit que si l’on veut continuer à annoncer l’Évangile, il faut que l’Église soit synodale, et il faut que nous les jeunes nous prenions notre place.

Pourtant le mot «synode» est parfois considéré comme un jargon ecclésial…
L’idée de la synodalité est dans Christus Vivit (l’exhortation apostolique post-synodale, NDLR), et c’est l’expérience du Synode des jeunes. Bien sûr, on peut adapter notre vocabulaire. C’est aussi un point qui ressort ici: comment rendre plus accessible le langage.

«Dans notre groupe, nous avons été touchés de constater que chacun de nous portait l’amour du Christ de façon différente»

J’ai bon espoir qu’en vivant une conversion synodale, en recherchant la participation de tous, pas comme une méthode mais comme un appel, chacun pourra trouver sa place. Si on donne la parole aux jeunes, ils sont très intéressés de la prendre.

Dans les petits groupes de partage, a-t-on ressenti des tensions? Comment se sont passés les échanges?
Pour ma part, je suis très heureuse d’avoir participé au groupe multi-langues et d’avoir vécu tout ce processus, de la première fois où nous nous sommes rencontrés, jusqu’au troisième temps. Quand on se rencontre vraiment, les peurs, les méfiances tombent. Il reste peut-être des désaccords, mais on n’a pas peur de se les dire. Cela permet de sortir des regards médiatiques, des préjugés – et il y en a au début –, pour s’émerveiller de ce que l’autre peut apporter.

Les interventions en assemblée générales laissent entendre des voix très diverses, voire opposées. Comment peut-on trouver un consensus?
Un point de consensus qui est arrivé très fort dans notre groupe – alors qu’on partait de loin au niveau du consensus –, c’est cette méthode synodale, ce style où l’on se met à l’écoute avec humilité, où l’on n’a pas peur de se décentrer, de sortir de soi pour aller rencontrer l’autre. On n’a pas peur de prendre du temps pour cela. Il peut y avoir une tension car il y a parfois des réponses urgentes à donner, mais pour aller au fond des choses, cela demande du temps. Ici ce n’est pas le moment de trouver des solutions mais de s’écouter et de recevoir l’autre comme une richesse. C’est ce qu’on a vécu.

Par exemple, si on parle des pays de l’Est, pour qui les ‘valeurs’ sont très importantes, j’ai entendu le témoignage de l’Ukraine où une religieuse disait: «Avec la guerre on a ouvert nos portes et on n’a pas demandé s’il étaient catholiques, bien sous tout rapport, etc». C’est la charité en acte et elle se vit et se partage partout. Dans notre groupe, nous avons été touchés de constater que chacun de nous portait l’amour du Christ de façon différente. C’est cela qui nous réunit, cette envie de l’annoncer au monde.

À partir de tous vos échanges, un texte sera présenté au secrétariat du Synode des évêques. Un deuxième texte sera écrit par les présidents des Conférences épiscopales européennes, qui se réuniront du 10 au 12 février. Quel est le sens de ce double document?
Le premier texte sera issu de l’assemblée ecclésiale, synodale. Les évêques vont ensuite poser un discernement, sur les points à encourager, les points de vigilance, ou pointer les silences, ce qu’ils veulent dire, etc. Cela peut vraiment aider à spécifier leur ministère d’évêque, qui ne consiste pas à tout remettre en question, mais à être les garants de l’unité. On n’est pas toute l’Europe, on n’est pas tout le peuple de Dieu, il faut bien en avoir conscience. Il est bon que nos pasteurs aient ce regard là aussi. (cath.ch/imedia/ak/rz)

Lucie Lafleur est membre de la délégation française envoyée à la rencontre synodale de Prague | © Anna Kurian/IMEDIA
9 février 2023 | 11:32
par I.MEDIA
Temps de lecture: env. 3 min.
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