En 1983, deux ans après l'attentat, Jean Paul II rencontrait Ali Agça dans sa cellule et lui accordait son pardon | © AP Photo/Arturo Mari, L'Osservatore Romano
Dossier

Le jour de l'assassinat du pape

11 mai 2021 | 17:00
par I.MEDIA
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Le 13 mai 1981, le jour de la fête de Notre-Dame de Fatima, le pape Jean Paul II était victime d’un attentat dont les motivations demeurent aujourd’hui encore mystérieuses. Retour sur cette journée qui a bouleversé le pontificat du Polonais.

Lors de la traditionnelle audience générale du mercredi, le 13 mai 1981 à 17h17, la papamobile transportant Jean Paul II traverse l’Arc des cloches de la colonnade du Bernin et s’engage sur la place Saint-Pierre. Le véhicule doit effectuer le tour de la place afin de permettre au pontife de saluer les quelque 20’000 fidèles présents.

Alors qu’il vient de remettre entre les mains de sa mère un bébé qu’il a embrassé, des coups de feu éclatent et le blessent à l’épaule, à la main et au ventre. Le Turc Mehmet Ali Agça, un tueur professionnel, tapi derrière la première rangée de pèlerins, vient de tirer deux fois – ou trois fois selon certains – à bout portant sur le pape, avec un pistolet semi-automatique Browning 9 mm.

Le pape de 61 ans s’écroule dans les bras de son secrétaire, Mgr Stanislaw Dziwisz. Il est transporté en quelques minutes à la polyclinique Gemelli de Rome où il perdra connaissance.

Long rétablissement

De longs mois passeront avant que Jean Paul II puisse être considéré comme totalement remis. Et il gardera les séquelles de cette journée jusqu’à sa mort. Sa remise sur pieds ne s’est pas passée idéalement: si le 3 juin, il sort de l’hôpital après avoir subi une colostomie temporaire, il y retourne dès le 10 juin, sa santé se détériorant à nouveau. Après de nombreux examens, on découvre que son organisme est infesté par un cytomégalovirus suite à la transfusion de sang effectuée le 13 mai. Finalement, il peut rentrer au Vatican le 14 août.

Pendant son séjour à l’hôpital Gemelli, le pape ne perd pas de vue sa mission. Selon des proches, il se serait inquiété de la nouvelle crise qui couvait alors en Pologne et s’est montré très affecté par la mort de l’un de ses proches, le cardinal Stefan Wyszynski (1901-1981), primat de Pologne.

Le pardon à l’agresseur

A ce moment, personne ne semble pourtant vouloir répondre à la question que tout le monde se pose: quel motif a conduit l’assassin Ali Agça à commettre l’attentat? Celui-ci a été arrêté juste après l’attaque, et n’a jamais donné une raison claire sur ses motivations pendant son procès, mentant à de nombreuses reprises, au point de créer une confusion propice aux théories les plus fumeuses.

Jean Paul II lui a accordé publiquement son pardon dès le 17 mai 1981 et a marqué le monde en allant à sa rencontre à la prison romaine de Rebibbia, le 27 décembre 1983. Gracié le 13 juin 2000 par le président de la République italienne, il est libéré en janvier 2010 de la prison d’Ankara (Turquie) où il purgeait une autre peine.

Depuis, il a exprimé le souhait de s’entretenir avec Benoît XVI puis François et de se recueillir sur la tombe de Jean Paul II. Mais son instabilité mentale semble s’être clairement aggravée. Dans un récent entretien, il a ainsi affirmé être «l’autre Christ» et a prétendu réécrire la Bible.

Une main a tiré et une autre a guidé la balle

Les différentes enquêtes menées pour découvrir l’origine du commanditaire ont soulevé plusieurs pistes, sans pour autant mettre l’accent sur l’une d’elles en particulier, car les révélations d’Ali Agçà sont remplies de contradictions. Le Turc a ainsi pu agir seul, ou avec l’aide d’un complice présent place Saint-Pierre. Il pourrait avoir été envoyé par les «Loups gris», une organisation secrète turque d’extrême droite à laquelle il était affilié.

Il a aussi été question de piste islamique, d’action de la mafia turque commanditée par la mafia italienne, de la volonté du pouvoir soviétique d’éliminer cet adversaire encombrant… Nombreux sont ceux qui auraient eu intérêt à tuer le pontife.

Cependant, le contexte tendu de l’époque entre les blocs de l’Ouest et de l’Est a surtout été favorable aux tentatives de désinformation. C’est par exemple le cas de la célèbre «piste bulgare», une théorie qui mettait en cause les services secrets du pays slave. Des années plus tard, on a appris qu’elle avait été inventée de toute pièce par un barbouze italien. A l’époque, cependant, beaucoup d’adversaires des Soviétiques ont été enchantés de la croire.

La balle dans la couronne

Aujourd’hui, on ne sait officiellement toujours pas qui a commandité l’attentat, et certains considèrent qu’on ne le saura probablement jamais, à moins de spectaculaires révélations. La question ne semble pas avoir intéressé plus que cela les autorités du Saint-Siège. Principalement parce que, derrière l’attentat, le pontife avait ressenti l’action divine.

Jean Paul II, quelques mois après l’attaque, a affirmé avoir senti la protection de la Vierge. «À l’instant même où je tombais place Saint-Pierre, j’ai eu ce vif pressentiment que je serais sauvé», «une main a tiré et une autre a guidé la balle», a ainsi confié le pape polonais. Le 13 mai 1982, il se rend à Fatima (Portugal) pour remercier la Vierge de l’avoir protégé. La balle qui l’a frappé est sertie dans la couronne de la statue de la Vierge du sanctuaire.

Le 3e secret dévoilé

Cette coïncidence entre la fête de Notre-Dame de Fatima et l’attentat, le pontife la retrouve de plus dans le 3e secret de Fatima qu’il dévoile le 13 mai 2000 lors de son 2e voyage au Portugal. Dans ce message, les jeunes voyants affirment avoir vu un «un évêque vêtu de blanc (…), tué par un groupe de soldats qui tirèrent plusieurs coups avec une arme à feu et des flèches».

Dans un entretien accordé le 26 avril 2011 à l’agence I.MEDIA, Mgr Emery Kabongo Kanundowi, second secrétaire de Jean Paul II, de 1982 à 1988, a confié que l’attentat avait constitué un tournant dans son pontificat. «À compter de ce jour, il vivait comme s’il voyait autre chose» car, a expliqué Mgr Kabongo à propos du pape polonais, «il savait qu’on lui voulait du mal. Il l’a senti, y compris physiquement». (cath.ch/imedia/cd/rz)

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En 1983, deux ans après l'attentat, Jean Paul II rencontrait Ali Agça dans sa cellule et lui accordait son pardon | © AP Photo/Arturo Mari, L'Osservatore Romano
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Le 13 mai 1981, le jour de la fête de Notre-Dame de Fatima, le pape Jean Paul II était victime d’un attentat dont les motivations demeurent aujourd’hui encore mystérieuses.

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