Mgr Carlo Maria Vigano est l'un des chefs de file des opposants au pape François | © Archdiocese of Boston/Flickr/CC BY-ND 2.0
Dossier

Le rapport McCarrick, un boomerang pour Mgr Vigano

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Le rapport détaillé du Vatican sur Théodore E. McCarrick revient comme un boomerang à la tête de Mgr Carlo Maria Vigano. Le document de 450 pages, publié à Rome le 10 novembre 2020, révèle plusieurs éléments cruciaux qui mettent à mal le ‘témoignage’ de 2018 de l’ancien nonce à Washington. Mgr Vigano n’aurait en particulier pas enquêté sur le cardinal lorsque le Vatican lui avait ordonné de le faire en 2012.

L’archevêque Vigano, nonce apostolique aux États-Unis de 2011 à 2016, a publié son ‘témoignage’ en août 2018, appelant le pape François à démissionner, affirmant que le pontife était au courant de l’inconduite sexuelle de McCarrick et avait pourtant assoupli les restrictions sur son ministère et ses voyages.

Bien qu’il ait été informé que le rapport sur McCarrick était en cours d’élaboration, Mgr Vigano ne s’est jamais présenté pour être interrogé ou témoigner, a indiqué le 10 novembre un fonctionnaire du Vatican.

Des faits d’abus signalés au nonce dès 2012

Le rapport romain indique d’abord qu’en juin 2012, le nonce a reçu une lettre envoyée par un paroissien du Maryland qui décrivait McCarrick comme «un prédateur». Malgré la réception de ces accusations, «rien dans le dossier ne suggère que l’archevêque Vigano ait donné suite à cette lettre en contactant l’expéditeur, McCarrick, l’archidiocèse ou le Saint-Siège».

Toujours selon le rapport, Mgr Vigano a reçu, en août 2012, une lettre du «Prêtre 3», qui détaillait les abus sexuels dont il avait été victime aux mains de McCarrick. Une semaine plus tard, Mgr Vigano a rapporté ces accusations au cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, et a demandé des instructions sur la manière de procéder, indique le Catholic News Service (CNS).

Le cardinal Ouellet a répondu en septembre 2012, demandant au nonce d’enquêter sur les accusations, d’abord en vérifiant la personnalité et la fiabilité du ‘Prêtre 3’ en s’informant auprès du vicaire général et du vicaire pour le clergé de Metuchen. Il devait aussi répondre au ‘Prêtre 3’, en lui demandant de clarifier ses accusations contre les ecclésiastiques mentionnés afin de déterminer leur véracité.

Le rapport signale avoir interrogé le vicaire général et le vicaire pour le clergé du diocèse de Metuchen, ainsi que le ‘prêtre 3’. Tous trois ont témoigné qu’ils n’avaient jamais été contactés par le nonce. Le ‘prêtre 3’ a précisé avoir été déçu par l’absence de réponse de Mgr Vigano, et avoir eu le sentiment que le nonce ne prêtait pas attention à ses déclarations.

Dans son ‘témoignage’ d’août 2018, l’archevêque Vigano affirmait que plusieurs membres de la Curie romaine, dont le cardinal Ouellet, étaient au courant des «sanctions» imposées à McCarrick par le pape Benoît XVI. Il n’a cependant jamais mentionné la demande explicite de mener une enquête que lui avait adressé le cardinal Ouellet en 2012

Des sanctions ignorées par Mgr Vigano

Selon les ‘sanctions’ imposées par le pape Benoît XVI, McCarrick devait quitter le séminaire où il vivait, il lui était interdit de célébrer en public, de participer à des réunions publiques, de donner des conférences et de voyager. Il avait l’obligation de se consacrer à une vie de prière et de pénitence.

Le rapport du Vatican révèle plusieurs messages et correspondances entre l’archevêque Vigano et le cardinal McCarrick, indiquant que malgré sa connaissance de ces restrictions, l’ancien nonce a participé et même invité McCarrick à plusieurs événements.

Dans un message adressé à l’archevêque Vigano en 2011, McCarrick écrit : «Je voulais vous exprimer ma plus profonde gratitude pour votre gentillesse en nous incluant, moi et mon secrétaire, dans les invitations au splendide dîner que nous avons beaucoup apprécié à la nonciature». Le rapport indique également que McCarrick tenait souvent Mgr Vigano informé de ses activités.

Pas de dénonciation claire

Le rapport indique en outre que le pape François a été interrogé sur la déclaration de MgrVigano selon laquelle il l’aurait informé personnellement, en juin 2013, des accusations portées contre McCarrick. Selon le rapport, le pape François ne se souvenait pas du contenu de ces deux rencontres. Cependant, comme McCarrick était un cardinal qu’il connaissait personnellement, le pape François s’est dit certain qu’il s’en serait souvenu si Vigano avait parlé avec «force ou clarté».

Une frustration personnelle

Le rapport met enfin le doigt sur une blessure d’amour-propre de Mgr Vigano. Plusieurs témoins, dont un prêtre «qui connaissait bien Vigano», ont rappelé que l’ancien nonce s’était déclaré très satisfait de l’élection du pape François, estimant qu’il répondrait au besoin de réforme économique du Saint-Siège. «L’archevêque Vigano a parlé avec tant d’enthousiasme du pape qu’il semblait le considérer comme un allié, à tel point que j’ai eu l’impression qu’il allait être rappelé à Rome pour aider aux réformes», a expliqué le prêtre. La chose ne s’est évidemment pas produite. (cath.ch/cns/mp)

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Mgr Carlo Maria Vigano est l'un des chefs de file des opposants au pape François | © Archdiocese of Boston/Flickr/CC BY-ND 2.0
11 novembre 2020 | 13:46
par Maurice Page

Le rapport McCarrick

Le Vatican a rendu public le 10 novembre 2020 le «Rapport sur la connaissance institutionnelle et le processus décisionnaire du Saint-Siège concernant l’ex-cardinal Theodore Edgar McCarrick (1930-2017)». Selon la demande du pape François en 2018, il s'agissait de faire la lumière sur la manière dont l’ex-cardinal McCarrick a pu gravir les échelons dans l’Eglise catholique, sans jamais être inquiété, malgré les nombreux abus sexuels qu'il a commis au cours de sa carrière.

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