La protection des ressources en eau tient à coeur à Nadine Manson | © Raphaël Zbinden
Dossier

Les Eglises de Suisse se mouillent pour 'l'eau'

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La campagne «Une saison pour la Création», du réseau «oeco, Eglises pour l’environnement» 2021 a pour thème «Des fleuves d’eau vive». La pasteure et théologienne Nadine Manson, membre du groupe de travail liturgique d’oeco, explique l’importance de l’eau pour l’époque actuelle.

En cette chaude matinée de début d’été, joggeurs et promeneurs flânent lascivement sur les rives du lac de Bienne qui scintille sous le soleil. Ils ont été naturellement attirés par l’eau, cet élément aux multiples utilités, aussi bien pour le corps que pour l’esprit. Une thématique «de choix», donc, pour la campagne «Une saison de la Création» (du 1er septembre au 4 octobre 2021), relève Nadine Manson.

«L’eau est un élément très important pour notre époque, matériellement, mais aussi symboliquement», souligne Nadine Manson. «Premièrement, avec le réchauffement climatique, c’est une denrée qui va devenir de plus en plus rare». «Ici, en Europe, on ne pense pas qu’il est possible de manquer d’eau», relève-t-elle, le regard tourné vers la grande nappe d’eau qui s’étend aux pieds du Jura.

Une ressource qui ne coule pas de source

La pasteure sait de quoi elle parle, ayant a été témoin de la cruelle réalité de pays où cet élément est tout sauf anodin. Des images, parfois très dures, sont ainsi restées gravées dans sa mémoire. Lors d’un séjour à Madagascar, le pays de ses parents, elle a croisé le regard terrible d’un enfant, dans la rue, en train de mourir de faim et de soif. «J’ai été profondément choquée par les conditions de vie de certaines populations malgaches, qui n’ont pas l’eau courante et un accès très difficile à l’eau potable». Elle a été indignée par le comportement des classes aisées de l’île-continent qui s’accaparent les ressources hydriques, aux dépens des plus pauvres.

Au-delà de la politique

Il lui tient donc d’autant plus à cœur de conscientiser la population suisse. Les Eglises ont, pour Nadine Manson, un rôle important à jouer dans cette démarche.

La pasteure Nadine Manson habite à Bienne | © Raphaël Zbinden

Si elle ne souhaite pas commenter les résultats de l’initiative «Eau potable propre», largement rejetée par le peuple, le 13 juin dernier, elle souligne qu’oeco a une approche qui dépasse les clivages politiques. «Il s’agit principalement pour les Eglises de rappeler que la terre, ainsi que l’eau et toute la Création, ont été données par Dieu. C’est notre rôle de remettre la Création au centre, mais sans parti pris, en rappelant surtout le besoin pour l’humanité de développer la fraternité et la solidarité face à un bien universel».

Déluge et débordements

«L’eau, c’est quelque chose d’incroyable», lance-t-elle. «Mais qui n’a pas qu’un aspect positif. On peut s’y baigner, mais aussi s’y noyer. Dans la Bible, c’est un élément autant bienfaisant que destructeur. C’est le propre même de la vie, quelque chose qui fait du bien, mais qui blesse en même temps. Le Christ n’est pas venu pour mettre fin à la souffrance. L’eau, élément souvent incontrôlable, reflète cette nature que nous ne voudrions peut-être pas. Mais Dieu n’a pas dit: ‘Il y a du bon et du mauvais’. Tout ce qui est ‘est’, et il faut vivre avec».

Pour la pasteure, cet aspect de l’eau peut même nous en apprendre sur les relations humaines, notamment amoureuses: «Si on n’attend de l’autre que des moments merveilleux qui nous font du bien, on court à la désillusion. Dans un couple, il faut apprendre à accepter le conjoint dans ses ‘débordements’».

Soif de l’essentiel

L’eau est un élément tellement omniprésent – en tout cas dans les pays occidentaux – que l’on ne sait plus l’apprécier. «C’est un peu comme la spiritualité, note Nadine Manson. C’est pour ça que la Bible parle de la ‘soif’ de Dieu. Lorsque tout va bien dans notre vie, l’on n’a pas besoin d’y penser, mais quand ça tourne mal, on se rend compte qu’il nous manque l’essentiel. C’est ce qui arrive à certaines personnes riches et célèbres qui se retrouvent soudain sans aucun sens à leur vie et se suicident. Ils n’ont pas trouvé cette ‘eau vive’ qui aurait pu leur apporter la véritable joie».

oeco se «romandise»

La pasteure n’est que depuis peu dans le groupe de travail d’oeco, Eglises pour l’environnement, un réseau qui met en lien depuis 1986 des chrétiens de Suisse engagés pour la sauvegarde de la Création. Elle est la première personnalité francophone à jouer un rôle à ce niveau de l’organisation. Il est vrai qu’oeco (en allemand Oeku), jusqu’ici surtout présente en Suisse alémanique, a la volonté de s’orienter davantage vers la Suisse romande.

«Dans un couple, il faut apprendre à accepter le conjoint dans ses ‘débordements’»

Un aspect manifesté par l’un des événements phares de la campagne annuelle: une célébration œcuménique, le 2 octobre, qui se déroulera à la cathédrale Saint-Pierre de Genève. D’importantes personnalités des Eglises protestantes, catholique romaine et catholique chrétienne y sont conviées. L’événement déploiera de nombreuses interventions sur le thème de l’eau, telles que des prières, des allocutions et un «mapping», une diffusion d’images géantes sur les murs de la cathédrale. «Ce sera magnifique», se réjouit Nadine Manson.

Journée de la Création au bord de l’eau

L’autre événement central, germanophone cette fois-ci, aura lieu le 4 septembre sur les rives du lac de Constance. Il rassemblera des représentants des Eglises protestantes et catholique d’Allemagne, de Suisse et d’Autriche qui célébreront une «Journée de la Création» également sur le thème de l’eau.

Mais, comme d’habitude, le cœur d’une «Saison de la Création» sera la distribution de matériel didactique, principalement destiné aux paroisses. Le matériel, en version trilingue (français, allemand, italien) déclinera le thème de l’eau sous plusieurs aspects, aussi bien écologique que théologique. Divers événements, au cours de ce «mois de la Création», s’adresseront aux plus jeunes comme aux moins jeunes, précise Nadine Manson.

S’étant déplacée au bord de l’eau, la pasteure espère que la campagne pourra contribuer à faire évoluer les mentalités. Effleurant de ses doigts la surface du lac, elle doute cependant que l’être humain puisse réellement un jour faire de l’eau le bien universel qu’elle devrait être. «Mais nous, les Eglises, pouvons juste essayer de faire ce qu’on peut, là où l’on est. Et quand on jette un caillou dans l’eau, qui sait jusqu’où vont les vagues?» (cath.ch/rz)

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La protection des ressources en eau tient à coeur à Nadine Manson | © Raphaël Zbinden
16 juillet 2021 | 17:00
par Raphaël Zbinden

"L'eau parle sans cesse et jamais ne se répète"

L'eau est un élément essentiel pour tous les organismes vivants.Si les sciences démontrent que l’eau est indispensable à la vie, les religions la lient à la naissance, à la fécondité, à la purification. Compte tenu de son caractère vital, et de son inégale répartition sur Terre, l'eau est une ressource naturelle dont la gestion est l'objet de forts enjeux sociaux, économiques et géopolitiques.
Avec les torrents, les tempêtes ou les inondations, elle est aussi parfois destructrice.
Pour sa série d’été, cath.ch vous emmène sur sa trace.
"L'eau parle sans cesse et jamais ne se répète", écrit le poète et Prix Nobel mexicain Octavio Paz.

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