Les Monts Sacrés absents de la liste envoyée à l'UNESCO, les syndics du Locarnese fâchés

Alors que les Monts Sacrés, les célèbres Sacri Monti de Lombardie et du Piémont, sont depuis longtemps inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, le Sacro Monte de la Madonna del Sasso, à Orselina, au-dessus de Locarno, et celui de Brissago, ne le seront pas.

L’inscription de ces monuments tessinois n’a pas été demandée par la Confédération dans sa liste adressée à l’UNESCO pour l’année 2017, au grand dam des autorités du canton et des communes de la région de Locarno.

Pour les autorités tessinoises, une «douche froide»

C’est une «douche froide» pour les municipalités du Locarnese, rapporte sur son site internet le 27 janvier 2017 le quotidien tessinois Giornale del Popolo. Les syndics de cette région tessinoise ont écrit au Conseil fédéral pour demander de reconsidérer le fait d’avoir  exclu de la demande adressé à l’UNESCO de classer le Mont Sacré de la Madonna del Sasso et le Chemin de Croix qui conduit à l’église du Sacro Monte de Brissago.

La lettre a été envoyée à Doris Leuthard, présidente de la Confédération, ainsi qu’au conseiller fédéral Alain Berset, chef du Département fédéral de l’intérieur (qui chapeaute l’Office fédéral de la culture), et à Isabelle Chassot, cheffe de l’Office fédéral de la culture.

Lettre à Doris Leuthard, à Alain Berset et à Isabelle Chassot

En décembre dernier, la Confédération a soumis à l’UNESCO les candidatures des forêts de hêtres de la vallée de Lodano (TI) et Bettlachstock (SO), mais pas, en fait, les Monts Sacrés de la région de Locarno. Selon la procédure, chaque Etat partie peut présenter deux candidatures par année. L’Office fédéral de la culture et l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), en tant que spécialiste de la protection de la nature et du paysage pour ce qui concerne les sites naturels, accompagnent l’élaboration du dossier de candidature en étroite collaboration avec les organismes responsables. Ils évaluent ces dossiers à l’échelon national avant de les transmettre à la délégation permanente de la Suisse auprès de l’UNESCO à Paris.

Le Conseil d’Etat tessinois avait transmis sa demande d’inscrire les deux Monts Sacrés  en juin 2015 à la directrice de l’Office fédéral de la culture, Isabelle Chassot. Il invitait les autorités fédérales à les mettre sur la liste de propositions des sites nationaux pour 2017, qui devait être remise à l’UNESCO à Paris.

L’évaluation de Mario Botta

Les autorités cantonales et communales tessinoises sont très déçues que les deux sites de la région de Locarno, qui avaient subi d’importants travaux de rénovation payés par l’Etat au cours des dernières années, n’aient pas été retenus par Berne. Ils avaient aussi fait l’objet de nouvelles études et d’une importante documentation récoltée par l’Association Pro Restauro del Sacro Monte Madonna del Sasso, présidée par Stefano Gilardi.

Malgré leur déception face à la décision de Berne, les syndics du Locarnese disent leur espoir que la demande de candidature des Monts Sacrés tessinois sera reconsidérée dans le futur. Ils rappellent à cette occasion l’évaluation faite par l’architecte Mario Botta, qui relève que ces sanctuaires et ces chemins de dévotion élevés sur des éperons rocheux de façon hardie «sont les signes d’un patrimoine que nous reconnaissons comme le fondement même de notre identité chrétienne occidentale».


L’un des sites religieux  les plus importants du Tessin

Le Sacro Monte de la Madonna del Sasso à Orselina  est l’un des sites religieux et historiques les plus importants dans le canton du Tessin. La tradition dit que Fra` Bartolomeo, un moine franciscain du couvent de Locarno, a voulu construire un lieu de culte sur le «Rocher» de Locarno à la suite d’une apparition de la Vierge Marie. Aujourd’hui, avec son église de l’Annonciation au pied de la montagne, le Chemin de Croix et le sanctuaire de la Madonna del Sasso, le Sacro Monte est un patrimoine artistique, historique et spirituel et un lieu de pèlerinage fréquenté.

C’est pour cette raison qu’une étude a été lancée en vue de son intégration – avec le Sacro Monte de Brissago, qui comprend le sanctuaire de Santa Maria Addolorata et le Chemin de Croix qui y monte depuis le bourg –  dans la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, comme cela a été le cas pour les Monts Sacrés lombards et piémontais.


Les  Sacri Monti, valeur universelle exceptionnelle

Les  Sacri Monti ou «Montagnes sacrées du Piémont et de Lombardie» sont une série de neuf ensembles distincts situés dans les montagnes de l’Italie du nord (Varallo, Crea, Orta, Varese, Oropa, Ossuccio, Ghiffa, Domodossola et Valperga). Chaque ensemble comprend un certain nombre de chapelles et autres éléments architecturaux, créés à la fin du XVIe et au XVIIe siècle et consacrés à différents aspects de la foi chrétienne.

Le phénomène des Sacri Monti, note l’UNESCO, est apparu au tournant des XVe et XVIe siècles, dans l’idée de créer en Europe des lieux alternatifs aux lieux saints de Jérusalem et de Palestine. A cette époque, l’accès à la Terre Sainte devenait de plus en plus difficile pour les pèlerins du fait de la rapide expansion de la culture musulmane. Il fallait en fait créer pour les pèlerins une «Nouvelle Jérusalem».

Une «Nouvelle Jérusalem»

Les emplacements furent sélectionnés sur la base d’une topographie similaire à celle de la Terre Sainte. Ce phénomène s’est particulièrement développé après le Concile de Trente lorsque l’Eglise catholique a considéré que c’était là un instrument efficace pour combattre l’influence de la Réforme protestante. Dans toutes les Montagnes sacrées, les plus grands artistes piémontais et lombards de cette époque créèrent des peintures et des sculptures représentant les épisodes les plus édifiants de la vie de Jésus, de Marie ou des saints, constituant un patrimoine artistique remarquable.

Les neufs ensembles qui forment les Sacri Monti se trouvent dans plusieurs provinces des régions du Piémont et de Lombardie. Ils couvrent ensemble une superficie totale de 90,5 hectares et chacun est protégé par une zone tampon s’étendant sur une surface totale de 721,90 hectares. (cath.ch/gdp/unesco/be)

 

Le Mont Sacré de la Madonna del Sasso, à Orselina-Locarno
27 janvier 2017 | 12:06
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 4 min.
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