Le statut souverain de l'Ordre de Malte lui permet d'entretenir des relations diplomatiques | photo: signature d'un accord entre le représentant de l'Ordre de Malte, Alberto Dona et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) en 2020 © AIEA Imagebank/Flickr/CC BY 2.0
Vatican

L’Ordre de Malte craint de perdre sa souveraineté

Les chevaliers de Malte s’inquiètent des réformes menées par le Vatican concernant leur Ordre. Les craintes touchent principalement la conservation de son statut souverain.

L’Ordre souverain et militaire de Malte bénéficie en droit international d’un statut particulier basé sur ses origines, son évolution historique et son activité actuelle. Bien qu’il ne constitue pas un État, en raison de l’absence de citoyens et de souveraineté territoriale, l’Ordre affirme depuis 1936 un caractère de souverain approuvé par le pape.

Canaux de discussion «fermés»?

C’est ce statut particulier que les chevaliers de l’Ordre estiment menacé par les réformes dirigées par le Vatican, rapporte l’Associated Press (AP), le 19 janvier 2022. Le grand maître de l’Ordre, Albrecht von Boeselager, a adressé une lettre à ses membres, dans laquelle il affirme que les propositions du Vatican contredisent les assurances qui lui ont été données selon lesquelles le pape François ne veut pas mettre en danger la souveraineté de l’ordre.

Le statut souverain permet aux chevaliers d’entretenir des relations diplomatiques avec plus de 100 pays. Cela facilite aussi l’acheminement de l’aide humanitaire dans les zones de guerre et de conflit, et lui permet de participer aux Nations unies et à d’autres organisations internationales en tant qu’État observateur.

Albrecht von Boeselager précise qu’il aurait normalement fait part de ses objections directement au Saint-Siège, d’un État souverain à un autre. «Mais cette voie m’a été fermée», écrit-il, suggérant qu’il a été essentiellement coupé de tout contact direct avec le Vatican.

Pleins pouvoirs du cardinal Tomasi

Près de cinq ans après le déclenchement d’une grave crise au sein de l’Ordre de Malte, le pape François a nommé le cardinal Silvano Maria Tomasi délégué spécial auprès de l’Ordre pour suivre notamment le processus de mise à jour de sa Charte constitutionnelle. Le pontife lui a renouvelé sa confiance pour cette tâche en octobre 2021. Il a donné au cardinal des pouvoirs étendus pour passer outre la Constitution et les structures de gouvernance existantes des chevaliers afin de faciliter les changements.

Dans un communiqué réagissant à la lettre du pape d’octobre 2021, l’Ordre de Malte s’était pourtant félicité de la décision du Saint Père. Albrecht von Boeselager exprimait son «appréciation pour l’attention que le pape François porte à la vie spirituelle et institutionnelle de l’Ordre». «L’Ordre de Malte est convaincu que la décision du pape François accélérera le processus de réforme de la Charte et du Code constitutionnel, permettant à l’Ordre d’élire un grand maître dans un avenir proche». Albrecht von Boeselager assurait aussi de la «pleine coopération» des chevaliers avec le cardinal Tomasi.

Des chevaliers «assujetis»?

Mais la dernière version de la nouvelle Constitution proposée par le prélat italien semble poser problème à l’Ordre. Selon celle-ci, l’Ordre de Malte deviendrait en effet un «sujet du Saint-Siège», et non une entité souveraine, selon des personnes connaissant bien le projet relayés par l’AP.

Dans sa lettre, Albrecht von Boeselager affirme que les propositions du cardinal Tomasi «constituent un danger» pour la souveraineté de l’Ordre. Le grand maître avertit en conséquence, qu’il ne peut, en toute conscience, pas accepter les changements, et annonce qu’il renonce à jouer un rôle dans le processus de réforme. Il se fera ainsi remplacer par deux délégués pour représenter l’Ordre, dans une réunion convoquée fin janvier 2022 par le cardinal Tomasi pour discuter du projet. (cath.ch/ap/crux/arch/rz)

Le statut souverain de l'Ordre de Malte lui permet d'entretenir des relations diplomatiques | photo: signature d'un accord entre le représentant de l'Ordre de Malte, Alberto Dona et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) en 2020 © AIEA Imagebank/Flickr/CC BY 2.0
20 janvier 2022 | 12:12
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 2 min.
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