Un portait de la bienheureuse Marguerite Bays (1815-1879)
Suisse

Marguerite Bays en chemin vers la canonisation

Romont, 24 juin 2015 (Apic) L’année 2015 marque le bicentenaire de la naissance de la bienheureuse Marguerite Bays. Vingt ans après sa béatification à Rome, ‘Goton de la Pierraz’ est en marche vers la canonisation. A la veille de sa fête liturgique, le 27 juin, l’abbé Martial Python, son biographe, revient sur la figure de celle qui appartient au cercle très restreint des personnes ayant reçu dans leur chair les stigmates, c’est-à-dire les plaies de la passion du Christ.

Cath.ch: Vingt ans après sa béatification à Rome en 1995 par le pape Jean Paul II, Marguerite Bays sera-t-elle bientôt proclamée sainte ?

Abbé Martial Python: Pour passer de la béatification à la canonisation, les choses sont relativement simples puisqu’on ne refait pas d’enquête sur la personne. Il faut deux conditions. Premièrement un nouveau signe ou miracle et secondement que le rayonnement de la personne dépasse le cadre du diocèse.

Cath.ch: Où en est-t-on aujourd’hui concrètement?

M.P. : Après la béatification en 1995, une première demande de canonisation a été adressée au Vatican, mais elle a été renvoyée pour vice de forme. Une nouvelle personne a donc été engagée pour restructurer la cause. La clôture de l’enquête diocésaine de la cause de canonisation a eu lieu le 27 mai 2014 à Siviriez, et le dossier scellé a été transféré à la Congrégation pour les causes des saints. Un postulateur s’en occupe à Rome. Le Vatican examine la chose. Il a notamment demandé de nouveaux examens médicaux de la miraculée pour vérifier qu’elle n’a bien aucune séquelle. L’Eglise attend un signe parce qu’elle ne veut pas s’arroger le pouvoir de dire elle-même qui est saint. C’est le sens de l’enquête sur le deuxième miracle. Le délai dans lequel une décision définitive sera prise reste cependant un mystère. En tant que femme, laïque et tertiaire franciscaine, Marguerite Bays devrait ‘plaire’ aussi au pape François. En outre depuis sa béatification, plusieurs études et publications ont été réalisées sur sa vie et sur le milieu dans lequel elle a vécu. C’est dire que nous la connaissons mieux.

Cath.ch: Marguerite Bays appartient au cercle très restreint des saints (une vingtaine dans l’histoire) ayant reçu dans leur chair les stigmates, c’est-à-dire les signes de la passion du Christ.

M.P.: Un des très rares témoignages négatifs envers Marguerite Bays parle de «la folle de la Pierraz qui portait des mitaines en été». En fait il s’agissait de cacher les stigmates dans ses mains. Marguerite n’est pas canonisée à cause des stigmates. C’est néanmoins un aspect central de son existence. A mes yeux, les stigmatisés, à l’instar de François d’Assise ou du Padre Pio, sont des géants de la sainteté parce qu’ils portent dans leur chair le sceau de l’amour divin. Marguerite Bays, sauvée d’un cancer alors qu’elle était à l’article de la mort, échange en quelque sorte sa maladie contre les stigmates. C’est dire qu’elle était déjà morte à elle-même et prête à porter la croix du Christ. Les stigmates ont un aspect douloureux mais aussi un aspect glorieux. Après sa résurrection, le Christ se présente à ses disciples avec les trous dans ses mains et la plaie dans son côté. Cela correspond aussi à l’expérience du Sacré-Cœur que Marguerite Bays connaissait. Ou à ce que saint François appelle des flèches de feu. Le médecin mandaté par l’évêque pour examiner les plaies de Marguerite parle de sortes de brûlures. Marguerite Bays revivait la passion du Christ et tombait dans des états d’extase que ses contemporains comparaient à la mort.

Cath.ch: Ce phénomène des stigmates reste difficile à appréhender.

M.P.: Le stigmatisé communique avec l’intemporel puisqu’il revit la Passion de Jésus. Il est en quelque sorte dans le temps et déjà dans l’éternité. Cela se traduit souvent par des charismes particuliers comme le don de prophétie ou de lecture dans les cœurs. On en ne sait pas si et comment Marguerite Bays en bénéficiait, mais le fait est que beaucoup de gens sont venus alors la consulter et chercher ses conseils, parfois de très loin. – A cette époque, depuis quelques années, la ligne de chemin de fer passe non loin de la Pierraz – Mais Marguerite n’a jamais rien révélé de ces conversations. Elle était une ‘tombe’, disent ces contemporains.

Cath.ch: Ce n’est pas l’image d’une brave couturière s’occupant des enfants du voisinage et leur parlant de Jésus

M.P.: Pour certains, Marguerite Bays est une femme simple de la campagne confite en dévotion et plutôt sévère. Mais bien qu’elle n’ait laissé aucun écrit, elle était très cultivée. Elle fréquente très régulièrement les capucins de Romont où elle a accès à la bibliothèque. Elle lit la Bible, ce qui à l’époque est encore réservé aux clercs. Elle connaît les encycliques des papes, et s’intéresse de près à la vie de l’Eglise. On est à l’époque du concile Vatican I et du Kulturkampf. Elle se construit une spiritualité personnelle à partir de diverses sources. D’abord paroissiale, elle se rend tous les jours à la messe à Siviriez. Par l’intermédiaire de la Fille-Dieu à Romont, elle s’ouvre à la louange monastique et à la ‘lectio divina’. Elle est surtout tertiaire de saint François et très imprégnée de la spiritualité franciscaine et enfin elle a une dévotion pour le Sacré Cœur liée au chanoine Schorderet. Sa prière de consécration, pratiquement le seul écrit qu’on ait d’elle, n’a pas été copiée dans un livre, elle est tout à fait personnelle. Marguerite est donc une chrétienne solide dans sa foi. C’est ainsi qu’elle ose, par exemple, s’opposer à l’évêque Mgr Marilley pour soutenir le chanoine Schorderet dans la fondation des sœurs de St-Paul. L’évêque lui en fera d’ailleurs le reproche avant de se raviser plus tard.

Cath.ch: Vous disiez que si Marguerite Bays est canonisée ce n’est pas à cause des stigmates.

M.P.: Ses contemporains qualifient sa charité de ‘sans bornes’. Ce qui pour un paysan a un sens très concret. En fait sa famille n’a rien d’exemplaire. Enfants illégitimes, alcoolisme, divorce, querelles… Marguerite connaît de près toutes ces situations. Son frère alcoolique, parfois violent, dont elle s’occupe avec une patience infinie et qui lui survivra vingt ans, parlait d’elle comme de ‘la sainte’ et ne supportera jamais qu’on dise le moindre mal d’elle. Sa belle-sœur, avec qui elle ne s’entend guère, refuse que quelqu’un d’autre que Marguerite s’occupe d’elle lorsqu’elle souffre d’un cancer. Le divorce de sa sœur est une épreuve pour toute la famille. Lorsque Marguerite rassemble les enfants le dimanche après-midi pour leur faire le catéchisme, c’est aussi pour les soustraire au travail de la ferme et leur offrir un peu de détente. Les prières étaient assez courtes et les jeux nombreux, témoigneront-ils plus tard.

Cath.ch : D’où vient cette idée d’une femme sévère voire revêche ?

M.P.: L’idée d’une certaine sévérité, peut-être liée à ses premiers portraits, ne semble pas correspondre aux témoignages qui parlent d’une personne qui attirait les gens à elle. Les enfants l’appellent souvent maman ou marraine. Marguerite Bays est une femme dans le réel. Sa vie concrète parle encore aux gens d’aujourd’hui. Les lieux conservés racontent son histoire, la chambre de sa maison, l’église paroissiale, le monastère de la Fille-Dieu, la chapelle de Notre-Dame du bois… Je projette d’ailleurs de me pencher sur «Marguerite vue par les pauvres» à partir des témoignages de l’époque.

Cath.ch : Marguerite serait donc une sainte populaire.

M.P. : Lors de la béatification, il y a 20 ans plusieurs centaines de pèlerins de la Glâne se sont rendus à Rome, pour certains sans doute pour la première fois. J’ai eu le sentiment que l’on béatifiait le peuple fribourgeois. Cette reconnaissance populaire était manifeste. Beaucoup de gens se sont attardés longuement Place saint-Pierre devant le portrait de Marguerite suspendu devant la basilique. C’est cette même reconnaissance que ses proches avaient inscrit sur sa tombe après sa mort en 1879, «Marraine, n’oubliez pas ceux que vous avez laissés sur terre.» (apic/mp)

 


Encadré

Le bicentenaire de la naissance de la bienheureuse Marguerite Bays

Outre la fête liturgique et le pèlerinage du 27 juin Le bicentenaire de la naissance de la bienheureuse Marguerite Bays sera marqué par diverses autres manifestations autour de la date du 8 septembre.

Conférences à la salle de la cure de Siviriez

Lundi 24 août à 20h

Marguerite, laïque franciscaine, et comment vivre cette spiritualité aujourd’hui ?

Brigitte Gobbé, responsable et formatrice des fraternités franciscaines

Mardi 25 août à 20h

L’influence de Marguerite Bays dans la fondation de l’œuvre des sœurs de St-Paul et le rôle de la presse aujourd’hui.

Raphaël Pasquier, producteur d’émissions religieuses

Lundi 31 août à 20h

Lire la bible avec Marguerite et l’importance de la «lectio divina» au quotidien.

Mère Marie-Claire, Abbesse de la Fille-Dieu

Mardi 1er sept. à 20h

Marguerite et les fragilisés et comment vivre la diaconie aujourd’hui en tant que chrétien ?

Pascal Bregnard, responsable du département Solidarité de l’Eglise pour le canton de Vaud

Dimanche 6 sept. à 10h

Grand-messe solennelle à Siviriez, en plein air, présidée par Mgr Charles Morerod, évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, en présence du nonce apostolique en Suisse

Dimanche 4 octobre à 12h

La famille franciscaine, invite lors de la St. François à partager un pique-nique convivial. Avec animation et jeux du Madep.

messe à 17h à Siviriez

renseignements: http://www.marguerite-bays.com/

Un portait de la bienheureuse Marguerite Bays (1815-1879)
25 juin 2015 | 15:00
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 6 min.
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