Mgr Antoine Kambanda, archevêque de Kigali, Rwanda | © Grégory Roth
Dossier

Mgr Kambanda, la pourpre du sang versé au Rwanda 4/9

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Rescapé du génocide du Rwanda, Mgr Antoine Kambanda, archevêque de Kigali, est une figure forte de la réconciliation dans un pays martyr. À travers lui, le pape élève le pardon en vertu cardinale.

«Je n’avais jamais rêvé d’être cardinal. C’est le Seigneur qui l’a voulu», s’est réjoui Mgr Kambanda au micro de Vatican News le 25 octobre 2020 en apprenant sa nomination. Une telle fonction lui donnera «l’opportunité de travailler beaucoup plus pour le Seigneur», s’est-il exclamé, conscient que ce titre lui permettra de partager son expérience avec d’autres communautés souffrant de conflits violents. 

Il faut dire que l’archevêque de Kigali, premier Rwandais de l’Histoire à recevoir la pourpre cardinalice, porte sur ses épaules un héritage très lourd. Rejoindre le Sacré Collège lui offrira l’occasion de mettre en lumière son pays, déchiré par l’un des plus grands génocides du XXème siècle. Plus de 800’000 personnes, principalement issues de l’ethnie des Tutsis, à laquelle il appartient, y ont laissé la vie.  

Le pardon est une grâce

Le cardinal désigné a vécu ce massacre dans sa chair puisqu’à l’exception de son frère, résidant à présent en Italie, l’ensemble de sa famille a été assassiné en 1994. Cette plaie encore ouverte est d’autant plus douloureuse pour le haut prélat qu’elle déchire également sa famille d’adoption: l’Église. De nombreux chrétiens ont en effet été impliqués dans ces massacres.

Alors que le pays a commémoré les 25 ans de ce génocide en 2019, l’archevêque de Kigali confie travailler d’arrache-pied à la réconciliation. Par le biais d’un synode local, il a notamment encouragé au dialogue entre les familles persécutées et leurs bourreaux ; un travail long qui suppose une écoute mutuelle. «Chacun a une histoire de souffrance», confiait-il à KTO en janvier 2020.  Mais «quand vous écoutez [la souffrance de quelqu’un], vous vous mettez à sa place. Et là commence la compassion».

Cette lente reconstruction du pays a nécessité plusieurs étapes, déclarait-il encore à la chaîne française: elle suppose d’abord de porter secours aux survivants, d’offrir des enterrements «dignes» à ceux qui n’en n’ont pas reçus, ou encore de prendre soin des orphelins, a-t-il égrené. Le pardon, «mot clef du Rwanda», est avant tout une «grâce» pour le haut prélat. En choisissant Mgr Kambanda comme cardinal, le pape place donc le chemin de compassion au cœur de l’Église.

Ordonné par Jean Paul II

Né en 1958, Antoine Kambanda est très tôt sensibilisé aux conflits ethniques puisque sa famille est contrainte de s’exiler pour cette raison un an après sa naissance. Ayant fait ses études au Burundi et au Kenya, il retourne au pays et rentre au séminaire de Rutongo en 1984 puis poursuit des études de théologie morale à Rome.

En 1990, c’est le pape Jean Paul II, alors en visite au Rwanda, qui l’ordonne prêtre. Nommé évêque du diocèse de Kibungo en 2013, il est élevé au rang d’archevêque de Kigali en 2018 par le pape François. À noter qu’il est élu par la Conférence épiscopale de son pays pour participer au synode sur la famille de 2015.

Au cœur des préoccupations de l’Africain, figurent encore l’éducation de la jeunesse et la lutte contre les injustices et la pauvreté. Le haut prélat veut en effet inviter les jeunes de son pays à «regarder en avant» sans s’empêtrer dans des logiques ethniques. Son insistance sur l’éducation de la jeunesse s’explique également par l’influence des sectes protestantes dans ce petit pays.

Une nomination diplomatique?

Sa nomination comme cardinal a sans doute aussi une résonance diplomatique, les relations entre le Vatican et le Rwanda n’ayant pas toujours été au beau fixe. L’État africain a en effet longtemps demandé des «excuses officielles» de Rome en raison de la proximité de l’Église avec l’ancien pouvoir. Si la situation semble s’être rétablie avec la visite de Paul Kagame au Vatican en 2017 – le pape François ayant à cette occasion imploré «le pardon de Dieu» pour les crimes commis – jamais l’Église catholique n’a impliqué la responsabilité du Vatican dans ce drame. (cath.ch/imedia/cd/mp)

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