Les djihadistes ont vite fait de prendre le prétexte des caricatures de Mahomet pour commettre un attentat | Karl-Ludwig Poggemann/Flickr/CC BY 2.0)
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Mondialisation et caricatures religieuses: un cocktail détonant

Dans le quotidien français Le Monde du 4 novembre 2020, des penseurs mettent en question la prétention de la France à imposer comme une valeur universelle le droit au blasphème et les caricatures des religions. Notamment dans un contexte mondialisé où chaque dessin satirique peut avoir une diffusion planétaire.

«Ce n’est pas la liberté d’insulter et de caricaturer la religion en France qui fait problème: c’est l’inexistence de cette liberté dans de nombreux Etats du monde et son rejet de fait par certaines religions et d’autres cultures». C’est l’avis des intellectuels français Olivier Mongin et Jean-Louis Schlegel, anciens membres de la revue Esprit, qui prennent position dans Le Monde du 4 novembre.

Dessins satiriques mondialement diffusés

En référence aux caricatures de Mahomet, dont s’était servi le prof d’histoire-géographie Samuel Paty, assassiné le 16 octobre 2020, les penseurs reviennent sur la liberté accordée en France à tous les médias de caricaturer les religions, quelles qu’elles soient. Or les moyens de diffusion actuels permettent, en effet, de propager largement, à l’échelle de la planète, des dessins satiriques du pape, du Christ ou du prophète Mahomet.

Certes, reconnaissent les auteurs de la prise de position dans Le Monde, les élèves réticents à voir les caricatures du Prophète avaient été invités par l’enseignant de Conflans-Ste-Honorine à sortir de la classe. Mais comment l’acte pédagogique peut-il recourir «à une pédagogie de caricatures militantes pour asseoir l’universalisme républicain et l’apprentissage commun de la citoyenneté ?», se demandent Olivier Mongin et Jean-Louis Schlegel.

Le religieux «déterritorialisé»

La France reconnaît, certes, le droit au blasphème, mais ce droit n’existe pas partout. Et lorsqu’on exhibe des caricatures, de manière directe ou indirecte, devant des personnes non-cultivées et facilement manipulables, elles vont les hanter, «jusqu’à en devenir fous». En réalité, c’est la signification de la mondialisation religieuse qui n’est pas comprise. Du coup, «la sécularisation inexistante ou partielle des uns entre en choc frontal avec la sécularisation des autres» et «ce contact peut devenir violent».

Car les mouvements de population ainsi que l’existence d’internet et des réseaux sociaux ont généré une «déterritorialisation» du religieux et une disjonction entre foi et culture. Cet aspect impacte aussi bien les populations illettrées des pays du Sud que les peuples occidentaux, frappés d’une ignorance religieuse croissante.

Individualisme face au radicalisme

Le panorama actuel est donc clivé. D’un côté, l’individualisme religieux crée un phénomène de «religion à la carte», perçu comme une émancipation par rapport aux croyances traditionnelles. De l’autre, l’expansion des tendances radicales et intégristes se retrouve dans toutes les religions mondiales, avec les traditionalistes catholiques, les fondamentalistes évangéliques, les juifs ultra-orthodoxes, le nationalisme hindouiste et le salafisme musulman.

Il faut donc, concluent Olivier Mongin et Jean-Louis Schlegel, redonner à la politique ses lettres de noblesse. «Non pour pratiquer la culture de l’excuse, mais pour rappeler à César ses responsabilités», argumentent-ils, en citant en conclusion le Français Michel de Certeau,  philosophe jésuite, théologien et historien: «Lorsque le politique fléchit, le religieux revient». (cath.ch/bl)

Les djihadistes ont vite fait de prendre le prétexte des caricatures de Mahomet pour commettre un attentat | Karl-Ludwig Poggemann/Flickr/CC BY 2.0)
4 novembre 2020 | 16:29
par Bernard Litzler
Temps de lecture: env. 2 min.
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