Sergio Ramirez (à gauche) et Daniel Ortega, Nicaragua, en 1981, quand ils luttaient encore ensemble | Marcelo Montecino Flickr
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Nicaragua: «L’attaque de la cathédrale sera un boomerang pour Ortega»

«L’attaque de la cathédrale de Managua sera un boomerang pour Ortega», affirme l’écrivain Sergio Ramirez, journaliste et ancien vice-président du Nicaragua (1986-1990), sous le premier mandat du président Daniel Ortega, en commentant l’attentat au cocktail Molotov qui a détruit vendredi 31 juillet 2020 la chapelle du «Sangre de Cristo» (le sang du Christ).

«Je pense au peuple du Nicaragua qui souffre à cause de l’attentat perpétré contre la cathédrale de Managua et la quasi destruction de l’image du Christ tant vénérée qui a appuyé et accompagné la vie du peuple des fidèles durant des siècles. Mes chers frères nicaraguayens, je suis près de vous et je prie pour vous», sont les premiers mots prononcés par Sergio Ramirez dans l’entretien téléphonique qu’il accordé le 4 août au quotidien catholique italien «Avvenire«.

L’écrivain n’a pas caché non plus l’émotion provoquée par les paroles du pape François au terme de l’angélus de ce même dimanche, sur la place Saint-Pierre. «C’est un message d’appui très important. Le pape donne encore plus de force à la position des évêques qui ont dénoncé cet attentat. Il attire le regard sur le Nicaragua alors que le monde a les yeux rivés sur d’autres urgences». 

Thèse de l’accident réfutée

Ancien membre de la junte révolutionnaire qui, en 1979 a renversé la dictature du clan Somoza, Sergio Ramirez a aussi été le vice-président de Daniel Ortega, avant d’en devenir un de ses plus ardents adversaires. 

«La révolte pour laquelle j’ai lutté appartient au passé, a-t-il assuré lors de l’entretien. L’actuelle rhétorique révolutionnaire utilisée par Daniel Ortega ne correspond pas à la réalité. L’unique objectif de l’actuel gouvernement Ortega est de se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible. Mais son déclin est irréversible, comme le montre l’attentat de vendredi dans la cathédrale».

Et Sergio Ramirez de poursuivre. «Le gouvernement a tenté d’imposer la thèse de l’accident, mais elle a été immédiatement démentie par le cardinal Leopoldo Brenes, archevêque de la capitale. Ce n’est pas la première fois que les églises sont prises pour cible depuis les manifestations d’avril 2018 hostiles au président». Protestations soutenues à l’époque par les évêques du pays. 

Volonté de déstabiliser l’Eglise

«Nous ne savons  pas si cet attentat a été ordonné par le gouvernement ou s’il est l’œuvre d’un quelconque parti exalté par la rhétorique de Daniel Ortega. Il est néanmoins évident que le gouvernement est déterminé à couvrir le responsable de cet acte», a estimé Sergio Ramirez.

L’écrivain assure en outre que ce dernier, bien qu’il se présente comme un fervent catholique, veut déstabiliser l’Eglise, «l’une des rares institutions qui soit indépendante et crédible aux yeux de la population, et qui constitue donc une concurrente dangereuse». Pire, l’unique lauréat centraméricain du prix littéraire espagnol Cervantès estime que cet attentat fait partie d’une stratégie de Daniel Ortega pour aiguiser les tensions et ensuite négocier l’apaisement. «Mais cette posture peut se retourner comme un boomerang contre lui».

Gestion catastrophique de la pandémie

D’autant que la situation du pays est catastrophique. «Aujourd’hui, la marge de manœuvre du gouvernement  est quasi nulle. Il est isolé internationalement et le pays connaît une grave récession économique. Il a géré la pandémie du Covid-19 comme si c’était un ennemi politique, et non une urgence sanitaire. Au lieu de prôner la prévention et le respect de la distance sociale, Ortega a organisé des marches pour combattre le virus. Résultat, les contagions se sont multipliées et les citoyens le considèrent incapable de les protéger». (cath.ch/jcg/be)

Sergio Ramirez (à gauche) et Daniel Ortega, Nicaragua, en 1981, quand ils luttaient encore ensemble | Marcelo Montecino Flickr
5 août 2020 | 17:22
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 2 min.
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