Bruno-Marie Duffé, secrétaire du Dicastère pour le service du développement intégral (Photo: Youtube)
Vatican

«Nous avons besoin d»«²une expérience citoyenne et locale de la paix», explique le Père Duffé

Il faut penser une «nouvelle forme de politique» qui soit avant tout une volonté de paix, a déclaré le Père Bruno-Marie Duffé, secrétaire du Dicastère pour le service du développement humain intégral, le 18 décembre 2018, à l’occasion de la publication du message du pape François pour la Journée mondiale de la paix 2019.

A l»«²heure des troubles sociaux en Europe et ailleurs, comment recevoir ce message sur la politique au service de la paix?

Bruno-Marie Duffé: Pour éviter dans faire un message idéaliste, je crois profondément aux trois dimensions présentes dans le message. En premier lieu, la paix avec l»«²autre: nous avons besoin d»«²une expérience citoyenne et locale de la paix. Il faut être en paix localement et développer des conditions de paix avec les différentes personnalités ou communautés. La deuxième condition de la paix, c»«²est celle avec l»«²environnement. L»«²Ã©cologie intégrale est une référence qui tient à cÅ“ur au Saint-Père. C»«²est-à-dire une certaine considération de la Création, de la technologie, du savoir et de l»«²innovation. La troisième dimension, c»«²est la paix avec soi-même. Or, les hommes et les femmes que je rencontre en Europe sont inquiets pour le futur, pour leurs enfants, pour leur travail… Cette inquiétude produit de l»«²inquiétude à l»«²Ã©gard d»«²eux-mêmes.

En France, la crise des ‘Gilets jaunes’ est-elle révélatrice de cette inquiétude?
Les trois dimensions pratiques du message du pape François pour la paix sont une incitation à un discernement au jour le jour dans chacune des décisions (éducation, santé, politique, etc.). A cet égard, l»«²Ã©coute des ‘Gilets jaunes’ est très intéressante: ce que certains observateurs appellent «»³le grand mélange des revendications»«³ dit aussi l»«²inquiétude, le besoin d»«²Ãªtre reconnu avec ses propres soucis, et la capacité de s’exprimer. Cet exercice de la parole aurait dû se faire bien plus en amont dans des lieux intermédiaires. L»«²Eglise doit peut-être ouvrir ses portes pour inviter à parler.

«La politique est en danger à cause de sa propre logique dissuasive»

«L’équilibre des forces et de la peur» dénoncé dans le message est-il une référence à la dissuasion nucléaire?
Si le terme «nucléaire» ne figure pas dans le document, l’allusion est tout de même explicite. Notre période nécessite de faire un travail de progressivité, de gradualité. La dissuasion nucléaire repose sur l»«²Ã©quilibre des forces, mais la paix ne peut pas uniquement se construire sur ce mode. L»«²accumulation des armes – même cybernétiques – ne favorise pas la sécurité. Faire de la politique, ce n»«²est pas seulement faire de la dissuasion. Il faut aujourd»«²hui faire de la confiance. Or, ce n»«²est pas facile car les intérêts géopolitiques priment souvent. La politique est en danger à cause de sa propre logique dissuasive. Il faut donc penser une nouvelle forme de politique, qui est d’abord et avant tout une volonté de construire quelque chose ensemble.

Lorsque le pape parle des «»³vices»«³ de la politique et souligne les «»³inaptitudes personnelles»«³ ou les «»³déformations des institutions»«³, qui est le mieux placé pour tirer la sonnette d»«²alarme?
Il ne faut pas faire la morale à l»«²autre. Un piège redoutable est de croire que l»«²on n’a soi-même jamais fauté. Nous devons nous rappeler mutuellement à l»«²ordre. C»«²est l»«²attitude de l»«²Evangile: si ton frère vient à tomber, prends-le seul à seul et dis-lui que ce n»«²est pas possible. S»«²il ne t»«²Ã©coute pas, prends avec toi deux autres frères. Et s»«²il ne t»«²Ã©coute toujours pas, prends la communauté. Mais n»«²abandonne jamais celui qui est en dérive. Cette exigence évangélique est très forte: toujours oser parler et dénoncer. Non pour enfoncer la personne, mais pour annoncer une autre possibilité. Il faut toujours dénoncer ce qui est injuste mais également annoncer. Dénoncer et annoncer vont ensemble. (cath.ch/imedia/pad/rz)

Bruno-Marie Duffé, secrétaire du Dicastère pour le service du développement intégral
18 décembre 2018 | 16:51
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 3 min.
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