Nouvelle charge de Pompeo contre la diplomatie vaticane avec la Chine

Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo s’en est une nouvelle fois pris à la diplomatie du Saint-Siège menée par le pape François envers la Chine, dans le collimateur de l’administration Trump. «Nulle part ailleurs la liberté religieuse n’est autant attaquée qu’en Chine», a affirmé Pompeo, le 30 septembre 2020, à Rome.

Appelant l’Eglise à être «en opposition permanente à la tyrannie», il a continué de fustiger, sans toutefois l’évoquer, l’accord récemment renouvelé entre la Chine et le Saint-Siège.

Le ministre des Affaires étrangères de l’administration Trump participait à un colloque sur la liberté religieuse organisé à l’ambassade des Etats-Unis près le Saint-Siège, à Rome.  Prononcé devant le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège,  et Mgr Richard Gallagher, secrétaire chargé des relations du Vatican avec les autres Etats, ce discours intervient dans un moment de tension diplomatique avec le Saint-Siège. Mike Pompeo avait en effet critiqué, dans une tribune parue le 18 septembre 2020, le renouvellement de l’accord entre le Saint-Siège et la Chine.

«De plus en plus répressif, le parti communiste Chinois, effrayé par son propre manque de légitimité démocratique, travaille jour et nuit pour éteindre la lampe de la liberté… et en particulier la liberté religieuse», a déclaré le chef de la diplomatie américaine, détaillant par la suite les différentes victimes du régime communiste – Ouïghours, protestants, bouddhistes tibétains, adeptes du Falun Gong.

Remplacer les images de Jésus par celles du président Mao

«Les catholiques n’ont pas non plus été épargnés par cette vague de la répression», a-t-il insisté avant de rapporter que des «églises et sanctuaires catholiques ont été profanés et détruits», que des «évêques catholiques comme Augustin Cui Tai [évêque clandestin de Xuanhua, dans la province du Hebei, ndlr] ont été emprisonnés, tout comme des prêtres, et des laïcs».

Des «responsables laïcs catholiques dans le domaine des droits de l’homme, notamment à Hong Kong, ont été arrêtés», a-t-il ajouté. Désormais, les autorités ordonnent aux résidents de remplacer les images de Jésus par celles du président Mao et du secrétaire général Xi, a affirmé Pompeo.

«Une Eglise en opposition permanente à la tyrannie»

Si le secrétaire d’Etat américain a souligné le rôle que peuvent jouer les Etats-Unis et les autres Etats  pour faire respecter les libertés religieuses dans le monde, il a cependant mis en lumière le rôle particulier de l’Eglise sur cette question. Contrairement aux Etats «limités par les réalités» temporelles, qui «doivent parfois faire des compromis pour faire avancer les bonnes causes» et à la tête desquels les dirigeants vont et viennent, les positions de l’Eglise sont «basées sur des vérités éternelles». Autrement dit, à ses yeux, l’Eglise a une capacité unique du fait de sa nature, celle de pouvoir résister aux compromissions.

Reprenant les mots du pape François qui appelle l’Eglise à être «en permanence en état de mission», le dirigeant américain a estimé que l’Eglise devait prendre en permanence  la défense des droits humains fondamentaux, pensant à «une Eglise en opposition permanente à la tyrannie».

Etre aussi audacieux que le fut Jean Paul II

Reprenant les mêmes arguments que ceux de sa tribune parue dans la revue conservatrice américaine First Things le 18 septembre, Mike Pompeo a fait l’éloge du pape Jean Paul II, de sa diplomatie et de son «rôle essentiel» joué durant la Guerre froide. Une attitude qui a contribué au «déclenchement de la révolution des consciences» et «qui a fait tomber le rideau de fer».

C’est un pape qui «a montré comment le Saint-Siège peut faire évoluer notre monde dans une direction plus humaine». «Que l’Eglise et que tous ceux qui savent que nous sommes en fin de compte responsables devant Dieu, soient ainsi audacieux à notre époque», a-t-il souhaité.

Le discours et la pratique US: loin de la coupe aux lèvres

En aparté, des observateurs remarquent que les Etats-Unis prennent souvent la défense de la liberté religieuse en fonction de leurs intérêts géopolitiques, et sont bien moins critiques quand les violations de cette même liberté sont commises par leurs alliés. «Trump semble avoir lâché les chrétiens persécutés», écrivait le 13 juillet 2020 l’agence de presse protestante Protestinfo.

Pendant des années, Donald Trump et les responsables de son administration ont déclaré faire de la protection de la liberté religieuse à l’étranger – y compris pour les chrétiens persécutés pour leur foi – un objectif phare de leur politique étrangère. Or, selon un nouveau rapport publié le 10 juillet 2020 par deux groupes chrétiens, le président n’atteint pas cet objectif en ce qui concerne les réfugiés chrétiens.

La réinstallation aux Etats-Unis des chrétiens persécutés a diminué de 90%

«Le nombre de chrétiens persécutés qui peuvent bénéficier d’une protection grâce au programme américain de réinstallation des réfugiés et à l’application des lois sur l’asile a encore été considérablement réduit», peut-on lire dans le document intitulé «Closed Doors Persecuted Christians and the U.S. Refugee Resettlement and Asylum Processes» (Portes closes: les chrétiens persécutés, la réinstallation des réfugiés et les procédures d’asile, ndlr). Ce rapport a été préparé par World Relief et Open Doors USA – deux organisations qui travaillent sur les questions d’immigration et de persécution religieuse. Selon ce document, le nombre de chrétiens persécutés réinstallés aux Etats-Unis a diminué de 90% depuis 2015. (cath.ch/imedia/hl/protestinter/be)

Donald Trump utilise la rhétorique de la liberté religieuse en fonction des intérêts géostratégiques de son administration | © Flickr/G. Skidmore/(CC BY-SA 2.0)
30 septembre 2020 | 16:34
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 4 min.
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