Le pape François soutient les évêques du Venezuela dans la crise politique | © Flickr/catholicnews.org.uk/CC BY-NC-SA 2.0)
Vatican

La paix repose sur le droit à la vie, affirme le pape aux ambassadeurs

Le pape François a prononcé ses vœux au corps diplomatique, le 8 janvier 2018, dans la salle Royale au Vatican. Cent ans après la fin de la Première guerre mondiale, le pontife a souhaité faire reposer des relations internationales pacifiques sur le droit à la vie, entendu au sens large et décliné par lui sous ses différentes formes.

Pour ses vœux prononcés en italien, le pape a commencé par rappeler deux commémorations de l’année 2018: le centenaire de la fin de la Première guerre mondiale, et le cinquantenaire des «bouleversements sociaux» de 1968.

Pour le pontife, le premier événement conduit à réaffirmer la centralité de la dignité de chaque personne humaine. Car celle-ci est voulue et créée par Dieu, à son image et à sa ressemblance.

Interprétations controversées des droits humains depuis 1968

Depuis le second événement – mai 1968 – en revanche, a-t-il regretté, «l’interprétation de certains droits humains s’est progressivement modifiée, de façon à inclure une multiplicité de nouveaux droits». Certains de ces droits sont contradictoires entre eux, a-t-il précisé, et ces conceptions «controversées» des droits humains n’ont pas toujours favorisé les relations amicales entre nations.

Le pape cite notamment «les colonisations idéologiques», qui s’exercent des plus forts et des plus riches, «au détriment des plus pauvres». Ce terme a été utilisé à plusieurs reprises par le pontife pour désigner la théorie du genre (gender).

Dans la suite de son discours, le pape est revenu également sur l’importance de la famille, considérée selon lui en Occident comme une institution «dépassée», au profit de «liens fugaces». Il a appelé à de réelles politiques de soutien aux familles, pour lutter contre la baisse dramatique de la natalité.

Inviolabilité de la personne humaine

Le successeur de Pierre a ensuite relevé que 60 ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de nombreux droits fondamentaux sont aujourd’hui encore violés. Et notamment le premier d’entre tous pour lui, le droit à la vie, à la liberté et à l’inviolabilité de chaque personne humaine.

Ce droit à la vie concerne ainsi les «enfants innocents, rejetés avant même de naître», non-voulus parce que malades ou malformés. Mais aussi les personnes âgées, les femmes qui subissent la violence, les victimes de la traite humaine.

Evoquant ensuite le droit à la santé et l’accès aux soins, ainsi que le désarmement, le pape a souligné que le droit à la vie implique également d’œuvrer activement pour la paix, à rebours de la troisième guerre mondiale «par morceaux». Il a insisté à nouveau sur le Traité d’interdiction des armes nucléaires, signé par le Saint-Siège en septembre 2017.

Protection des minorités religieuses

Citant diverses situations de conflit, dont la Corée du Nord – qui nécessite un dialogue – et la Syrie, dont la reconstruction doit passer par celle des cœurs, le pape a considéré comme vital de s’appuyer sur la protection des minorités religieuses. Et aussi d’encourager le retour des nombreux réfugiés en Jordanie, au Liban et en Turquie dans leur patrie.

L’actualité des tensions entre Israéliens et Palestiniens a également été relevée par le pontife. Il a appelé une nouvelle fois, à l’attention sous-jacente des Etats-Unis, à pondérer toute initiative pour éviter d’exacerber les oppositions. Contre la décision prise par Donald Trump d’admettre Jérusalem comme capitale d’Israël, le Saint-Siège s’est prononcé pour le statu quo d’une ville commune aux chrétiens, aux juifs et aux musulmans.

Dans la dernière partie de son discours, le pape est revenu longuement sur la question des migrants, appelant à sortir de la «rhétorique répandue», pour se souvenir qu’il s’agit avant tout de personnes. Reconnaissant que les migrants et réfugiés «ne sont pas toujours animés des meilleurs intentions», nécessitant la prudence des Etat, le pape s’est arrêté sur l’intégration. Car il y selon lui différentes conceptions qui s’affrontent à ce sujet.

Respect des «principes identitaires» du pays d’accueil

L’intégration est pour le pape un processus «bidirectionnel», avec des droits et des devoirs réciproques. Celui qui accueille doit promouvoir les développement humain intégral, et celui qui est accueilli doit se conformer immanquablement aux normes du pays d’accueil, et respecter ses principes identitaires.

Citant en exemple l’Italie pour son accueil, et souhaitant que les difficultés de ce pays ne conduisent pas «à des fermetures et à des verrouillages», le pape a souhaité que l’Europe soit fière de son histoire. Une histoire «inspirée par la conception chrétienne de la personne humaine». Pour lui, l’arrivée des migrants doit pousser l’Europe à redécouvrir son patrimoine culturel et religieux propre.

Enfin, le pape François a énuméré le droit au travail – qui est aussi celui au repos – ainsi que la liberté de conscience et de religion. Celle-ci comprend aussi le droit à changer de religion, a-t-il souligné.

En conclusion, le pontife a comparé les efforts des nations pour laisser aux générations suivantes une «terre plus belle» à l’esprit des bâtisseurs de cathédrales médiévales, œuvres capables de franchir le temps. (cath.ch/imedia/ap/mp)


Droit à la vie, zones de conflits, famille, migrants et travail : le discours du pape au corps diplomatique (VERBATIM)

«Il est regrettable de relever comment de nombreux droits fondamentaux sont aujourd’hui encore violés. Le premier d’entre tous ces droits est celui à la vie, à la liberté et à l’inviolabilité de chaque personne humaine. Ce ne sont pas seulement la guerre ou la violence qui les compromettent. En notre temps, il y a des formes plus subtiles : je pense d’abord aux enfants innocents, rejetés avant de naître ; non voulus parfois uniquement parce qu’ils sont malades ou malformés, ou à cause de l’égoïsme des adultes. Je pense aux personnes âgées, elles aussi bien des fois rejetées, surtout si elles sont malades, car considérées comme un poids. Je pense aux femmes, qui souvent subissent des violences et des abus y compris au sein de leurs propres familles. Je pense, ensuite, à ceux qui sont victimes de la traite des personnes.»

Désarmement

«Le désarmement intégral et le développement intégral sont étroitement liés entre eux». C’est pourquoi «le Saint-Siège a signé et ratifié (…) le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Le Saint-Siège réaffirme donc la ferme conviction que les éventuels conflits entre les peuples ne doivent pas être réglés par le recours aux armes, mais par la négociation».

Syrie

Il faut «poursuivre, dans un climat constructif de confiance accrue entre les parties, les diverses initiatives de paix en cours en faveur de la Syrie, pour qu’on puisse finalement mettre fin au long conflit qui a affecté le pays et causé d’effroyables souffrances. (…) Il est vital que soient protégées les minorités religieuses, parmi lesquelles se trouvent les chrétiens, qui depuis des siècles contribuent activement à l’histoire de la Syrie. (…) Il est aussi important que puissent retourner dans leur patrie les nombreux réfugiés qui ont trouvé accueil et refuge dans les nations limitrophes, surtout en Jordanie, au Liban et en Turquie. (…) C’est un engagement que [la communauté internationale] doit concrètement prendre en commençant par le Liban, afin que ce pays bien-aimé continue à être un ‘message’ de respect et de cohabitation ainsi qu’un modèle à imiter.»

Jérusalem 

Le Saint-Siège «renouvelle son appel pressant à pondérer toute initiative afin qu’on évite d’exacerber les oppositions, et il invite à un engagement commun à respecter, en conformité avec les résolutions pertinentes des Nations Unies, le statu quo de Jérusalem, ville sacrée pour les chrétiens, les Juifs et les musulmans. Soixante-dix ans d’affrontements rendent plus que jamais urgent de trouver une solution politique qui permette la présence dans la région de deux Etats indépendants dans des frontières internationalement reconnues.»

Autres zones de conflits

«Il est d’une importance primordiale qu’on puisse soutenir toute tentative de dialogue dans la péninsule coréenne, afin de trouver de nouvelles voies pour surmonter les oppositions actuelles. (…) La volonté de dialogue est nécessaire également dans le bien-aimé Irak, pour que les diverses composantes ethniques et religieuses puissent retrouver le chemin de la réconciliation et de la cohabitation et collaboration pacifiques, tout comme au Yémen et dans d’autres parties de la région, ainsi qu’en Afghanistan. (…) Dans des contextes nationaux, l’ouverture et la disponibilité à la rencontre sont essentielles. Je pense surtout au bien-aimé Venezuela, qui traverse une crise politique et humanitaire toujours plus dramatique et sans précédent.»

«Que la communauté internationale n’oublie pas non plus les souffrances de nombreuses parties du continent africain, spécialement au Soudan du Sud, en République démocratique du Congo, en Somalie, au Nigéria et en République centrafricaine, où le droit à la vie est menacé par l’exploitation abusive des ressources, par le terrorisme, par la prolifération de groupes armés et par des conflits persistants. (…) Un engagement commun pour reconstruire les ponts est urgent également en Ukraine

Famille

«Malheureusement, on sait comment, surtout en Occident, la famille est considérée comme une institution dépassée. À la stabilité d’un projet définitif, on préfère de nos jours des liens fugaces. Mais une maison construite sur le sable des relations fragiles et instables ne tient pas. Il faut plutôt un rocher (…) [qui] est précisément cette communion d’amour, fidèle et indissoluble, qui unit l’homme et la femme, une communion qui a une beauté austère et simple, un caractère sacré et inviolable et une fonction naturelle dans l’ordre social. (…) Je juge, par conséquent, urgent qu’on entreprenne de réelles politiques de soutien aux familles. (…) Le désintérêt pour les familles entraîne, en out re, une autre conséquence dramatique (…) qui est la baisse de la natalité. On vit un véritable hiver démographique !»

Migrants

«Dans la tradition judéo-chrétienne, l’histoire du salut est essentiellement une histoire de migrations. Il ne faut pas non plus oublier que la liberté de mouvement, tout comme celle de quitter son propre pays et d’y retourner, fait partie des droits fondamentaux de l’homme. (…) Tout en reconnaissant qu’ils ne sont pas toujours tous animés des meilleures intentions, on ne peut pas oublier que la majorité des migrants préfèrerait rester dans leur propre pays. (…) Je voudrais de nouveau remercier les autorités de ces Etats qui se sont prodigués (…) pour fournir une assistance aux nombreux migrants parvenus à leurs frontières. J’aimerais renouveler aux autorité s du Bangladesh mes sentiments de gratitude pour l’assistance qu’elles offrent, sur leur propre territoire [aux réfugiés rohingyas]. (…) Je voudrais ensuite exprimer une gratitude spéciale à l’Italie qui, ces années, a montré un cœur ouvert et généreux et a su aussi donner des exemples positifs d’intégration. (…) De même, j’exprime mon appréciation pour les efforts accomplis par d’autres États européens, en particulier la Grèce et l& rsquo;Allemagne

«Le Saint-Siège souhaite que ces efforts, grâce aux négociations [sur les Pactes mondiaux des Nations unies sur les réfugiés et les migrants] qui s’ouvriront bientôt, conduisent à des résultats dignes d’une communauté mondiale (…) fondée sur les principes de solidarité et d’aide mutuelle. (…) L’intégration est un ›processus bidirectionnel’, avec des droits et des devoirs réciproques. Celui qui accueille est en effet appelé à promouvoir le développement humain intégral, alors qu’on demande à celui qui est accueilli de se conformer immanquablement aux normes du pays qui l’accueille, ainsi qu’au respect de ses principes identitaires. (…) Parmi les droits humains que je voudrais rappeler aujourd’hui, il y a aussi le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, qui inclut le droit à la liberté de changer de religion

Travail

«Il n’y a pas de paix ni de développement si l’homme est privé de la possibilité de contribuer personnellement, par son travail, à l’édification du bien commun. Il est regrettable de constater, au contraire, combien le travail est, en de nombreuses régions du monde, un bien rare. (…) Les exigences du profit, dictées par la globalisation, ont conduit à une réduction progressive des temps et des jours de repos (…). Dieu lui-même s’est reposé le septième jour. (…)

Le fléau du travail des mineurs continue de compromettre sérieusement (…) des enfants, les privant des joies de l’enfance, fauchant des victimes innocentes. On ne peut penser projeter un avenir meilleur (…) si l’on continue à maintenir des modèles économiques orientés vers le simple profit et l’exploitation des plus faibles.»

Environnement

«Parmi les devoirs particulièrement impérieux, il y a aujourd’hui celui de prendre soin de notre terre. Nous savons que la nature peut être en elle-même meurtrière même quand il n’y a pas de responsabilité de l’homme. (…) Cependant, il ne faut pas oublier qu’il y a aussi une importante responsabilité de l’homme dans l’interaction avec la nature. Les changements climatiques, avec la hausse générale des températures et les effets dévastateurs qu’elle entraîne sont aussi une conséquence de l’action de l’homme. (…) Il convient donc de faire face, dans un effort commun (…) à la lumière des engagements pris à Paris en 2015. (…) L’esprit qui doit animer chaque personne comme les nations dans ce travail , est comparable à celui des constructeurs des cathédrales médiévales».

 

Le pape François soutient les évêques du Venezuela dans la crise politique | © Flickr/catholicnews.org.uk/CC BY-NC-SA 2.0)
8 janvier 2018 | 13:46
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 9 min.
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