Le pape a répondu aux questions du journaliste de la radio espagnole "Cope" durant plus d'une heure | DR
Vatican

Pape François: «Je ne suis pas du genre à taper sur la table!»

Dans un entretien fleuve d’une heure et demie diffusé, le 1er septembre 2021, sur la radio espagnole Cope, le pape François a répondu à une série de questions concernant sa santé et son pontificat. Annonçant ses voyages en Grèce, à Chypre, à Malte mais aussi à Glasgow, il s’est voulu rassurant sur son état de santé.

«J’ai une vie normale»

«Je suis toujours en vie». Tels ont été les premiers mots du pape François au micro de la radio espagnole. Interrogé sur sa santé après son opération chirurgicale début juillet, il a confié qu’un infirmier lui avait sauvé la vie. «Il m’a sauvé la vie! Il m’a dit: ›Vous devez vous faire opérer’. Il y avait d’autres avis: ›C’est mieux avec des antibiotiques…’, mais l’infirmier m’a très bien expliqué. C’est un infirmier d’ici, de notre service de santé, de l’hôpital du Vatican. Il est ici depuis trente ans, c’est un homme très expérimenté», a-t-il souligné.

Le pape a ensuite confirmé que son opération avait été prévue en amont. Près de deux mois après sa sortie de l’hôpital, il a confié pouvoir désormais «manger de tout», ce qui n’était pas possible avant. «J’ai encore les médicaments post-opératoires, parce que le cerveau doit enregistrer qu’il a 33 centimètres d’intestin en moins, mais à part ça, je mène une vie tout à fait normale».

Rumeurs de démission: «Je ne rentre pas dans ce jeu»

Concernant les rumeurs de démission répandues ces derniers jours par une certaine presse italienne, le pape a expliqué qu’il en avait entendu parler mais qu’il ne rentrait pas dans ce jeu. «Chaque fois qu’un pape est malade, il y a toujours une brise ou un ouragan de conclave», a-t-il balayé. Il a d’ailleurs déclaré que l’idée de s’arrêter ne lui était pas même venue.

«Chaque fois qu’un pape est malade, il y a toujours une brise ou un ouragan de conclave»

Cardinal Becciu: «J’espère de tout mon cœur qu’il est innocent»

«Tous les moyens doivent être mis en place pour éviter la corruption», a prévenu le pontife argentin, interrogé sur le grand procès de l’Affaire de l’immeuble de Londres initié fin juillet. Reconnaissant que la corruption est une «maladie récurrente» au Vatican, il considère que des progrès ont été réalisés depuis trois ans pour rendre une justice plus indépendante.

Concernant la genèse de cette affaire où le cardinal Becciu serait impliqué, le pape François a fait cette révélation: «Tout a commencé par deux plaintes de personnes qui travaillent au Vatican et qui ont constaté une irrégularité dans leur travail. Ils ont déposé une plainte et m’ont demandé ce qu’il fallait faire. Je leur ai dit: si vous voulez aller de l’avant, vous devez le présenter au procureur. [Ces deux personnes] étaient un peu intimidées et donc, comme pour les encourager, j’ai mis ma signature sous la leur. Pour dire: c’est la voie à suivre, je n’ai pas peur de la transparence ou de la vérité. […] Oui, vous avez utilisé le mot «corruption» et dans ce cas précis, du moins à première vue, il semble qu’il y ait corruption».

Le journaliste lui a alors demandé s’il craignait que le cardinal Becciu soit déclaré coupable à l’issue du procès. Le pape François a alors répondu: «J’espère de tout mon cœur qu’il est innocent ». Rappelant qu’il était un de ses collaborateurs, «il m’a beaucoup aidé», il a reconnu avoir pour lui une «certaine estime en tant que personne». «C’est une forme affective de la présomption d’innocence», a-t-il concédé, avant de conclure que la justice trancherait.

Afghanistan: une «politique irresponsable» de l’Occident

«Le cardinal Parolin est vraiment le meilleur diplomate que j’ai jamais rencontré», a assuré le pape François, interrogé sur la crise en Afghanistan. «Un diplomate qui ›ajoute’, pas un de ceux qui ›soustraient, qui cherche toujours. Un homme d’accord», a-t-il affirmé.

Selon lui, son secrétaire d’État et la diplomatie vaticane sont pleinement impliqués dans la résolution de la crise en Afghanistan. «C’est une situation difficile. Je crois qu’en tant que pasteur, je dois appeler les chrétiens à une prière spéciale en ce moment (…). Prière, pénitence et jeûne, c’est ce que l’on demande en temps de crise».

«Le cardinal Parolin est vraiment le meilleur diplomate que j’ai jamais rencontré»

Concernant le départ de l’Occident, le pape a confié avoir été touché par une déclaration qu’il croyait être de la chancelière allemande Angela Merkel, «l’une des grandes figures de la politique mondiale». Celle-ci avait selon lui appelé à mettre fin à la «politique irresponsable qui consiste à intervenir de l’extérieur et à construire la démocratie dans d’autres pays, en ignorant les traditions des peuples». Une déclaration «lapidaire» pour le pape qui a dit avoir «ressenti un sentiment de sagesse» face à de tels propos.

[Il s’avère en fait que la phrase reprise par le pape François n’a pas été prononcée par la chancelière allemande mais par le président russe Vladimir Poutine, lors d’une conférence de presse réunissant les deux chefs d’État le 20 août dernier.NDLR]

Traditionis Custodes: pour lutter contre une «idéologie»

Interrogé sur le Motu proprio Traditionis Custodes limitant la célébration des messes tridentines, le pape François s’est défendu d’avoir frappé fort sur la table: «Je ne suis pas du genre à taper sur la table (…). Je suis plutôt timide».

Avant d’expliquer sa démarche, il a tout d’abord salué la décision de Benoît XVI d’étendre en 2007 la possibilité de célébrer la messe avec le Missel de Jean XXIII par le motu proprio Summorum Pontificum. «Cela m’a semblé une des choses pastorales les plus belles et humaines de Benoît XVI, qui est un homme d’une humanité exquise», a-t-il souligné.

Puis il a rappelé qu’une évaluation globale avait été réalisée récemment. Elle a révélé selon lui que ce qui «était fait pour aider pastoralement ceux qui avaient vécu une expérience antérieure était en train de se transformer en idéologie». «Nous avons donc dû réagir avec des normes claires». Le pape François a confié avoir «beaucoup travaillé, avec des gens traditionalistes de bon sens». Il a par ailleurs voulu réexpliquer l’esprit de la lettre: «Si vous lisez bien la lettre et si vous lisez bien le décret, vous verrez qu’il s’agit simplement d’une remise en ordre constructive, avec une attention pastorale».

Dans sa longue réponse, il a enfin insisté sur le fait que la proclamation de la Parole devait se faire dans une langue compréhensible par tous, «sinon, c’est se moquer de la Parole de Dieu».

«Il s’agit simplement d’une remise en ordre constructive, avec une attention pastorale».

Le synode allemand: «Je ne serais pas trop tragique»

Le journaliste espagnol a demandé tout de go au pape François s’il passait des nuits blanches en pensant au synode en cours en Allemagne. Le pontife lui a répondu qu’il avait envoyé une lettre – qu’il a mis un mois à écrire – dans laquelle il exprime tout ce qu’il ressent à propos de ce processus synodal. «Tout est là», assure-t-il.

Devant l’insistance du journaliste sur le vent de fronde qui souffle en Allemagne, le pape s’est voulu rassurant. «Oui, mais je ne serais pas trop tragique non plus. Il n’y a pas de mauvaise volonté chez de nombreux évêques avec lesquels j’ai parlé. C’est un désir pastoral, mais qui ne tient peut-être pas compte de certaines choses que j’explique dans la lettre et qui doivent être prises en compte ». 

La réforme de la Curie: «Rien de nouveau»

Le pape François a rappelé que son programme de réforme était contenu dans l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium, publiée en 2013. Il a noté qu’un problème de fond persistait aujourd’hui dans l’Église, celui de «la prédication». «Soumettre les fidèles chrétiens à de longs cours de théologie, de philosophie ou de moralisme n’est pas une prédication chrétienne», a-t-il regretté, rappelant son désir d’une «réforme sérieuse».

Au sujet de la Constitution apostolique Praedicate Evangelium sur laquelle le pape et les cardinaux travaillent depuis le début du pontificat – et qui doit réformer les structures de l’administration vaticane –, le pape a confié qu’il devait encore la lire «mot à mot» avant de la signer. Et d’expliquer que sa publication avait été retardée par «cette histoire de maladie».

Il a ensuite confirmé l’idée selon laquelle elle ne contiendrait «rien de nouveau par rapport à ce que l’on voit actuellement. Peut-être quelques détails, quelques changements de dicastères qui s’unissent, deux ou trois dicastères de plus, mais cela a déjà été annoncé».

Victor Orbán: «Je ne sais pas si je vais le rencontrer»

À un peu plus d’une semaine de son voyage apostolique en Hongrie et en Slovaquie, le pape François a évoqué la figure du premier ministre hongrois Viktor Orbán: «Je ne sais pas si je vais le rencontrer», a-t-il lâché. Une remarque inattendue dans la mesure où une rencontre avec le chef du gouvernement hongrois est officiellement prévue dans le programme le 12 septembre.

Le pontife a affirmé se rendre dans le pays sans a priori: «L’une des choses que j’ai apprises, c’est de ne pas arriver avec un scénario: lorsque je suis devant une personne, je la regarde dans les yeux et je laisse les choses sortir. Il ne me vient même pas à l’esprit de penser à ce que je vais lui dire».

Glasgow, Chypre, la Grèce et Malte.

«Oui, en principe, le programme est que j’y aille», a répondu le pape à la question de sa présence à Glasgow à l’occasion de la COP 26. Son discours est en préparation, a-t-il ajouté. Le pape a en outre annoncé qu’un voyage à Saint-Jacques de Compostelle était en réflexion.

Il souhaite continuer à visiter des ›petits pays’. «D’abord, c’était l’Albanie, puis tous les petits pays. Maintenant, la Slovaquie est au programme, puis Chypre, la Grèce et Malte», a-t-il annoncé. (cath.ch/imedia/ah/cd/bh)

Le pape a répondu aux questions du journaliste de la radio espagnole «Cope» durant plus d'une heure | DR
1 septembre 2021 | 14:12
par I.MEDIA
Temps de lecture: env. 7 min.
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