Philippe Hugo, futur diacre pour le diocèse de LGF, a consacré son doctorat à l'Ancien Testament. (photo: Grégory Roth)
Suisse

Philippe Hugo, le futur diacre au parcours sinueux

Philippe Hugo sera ordonné diacre permanent par Mgr Charles Morerod, le 10 janvier 2016, à Belfaux (FR). Directeur du Centre Catholique Romand de Formations en Eglise (CCRFE), il situe son action au service des autres ministères. Rencontre avec cet ancien moine, devenu père de famille et docteur en théologie biblique.

Après un coup de fil à Jérusalem, le débriefing d’une séance de formation et la préparation d’une veillée de prière, Philippe Hugo nous ouvre la porte de son domicile, sourire aux lèvres. Le temps d’une rencontre avant de passer à table pour le souper en famille. «Le diacre permanent poursuit de multiples activités, mais le premier lieu de sa mission, c’est son foyer», explique Philippe Hugo, en servant le café.

Serviteur inutile

«Je ne deviens pas diacre pour assouvir un besoin de réalisation personnelle», lâche le bibliste, faisant référence au «serviteur inutile» de l’Evangile. «Au fond, je n’aurais pas besoin du diaconat pour exercer mon travail».

Son travail, Philippe Hugo l’exerce principalement comme directeur du Centre Catholique Romand de Formations en Eglise (CCRFE) à Fribourg, chargé de la formation des candidats au sacerdoce, au diaconat et à un ministère laïc, ainsi qu’à formation continue des agents pastoraux.

La femme dit «oui» pour son mari

Son épouse Caroline, rentrée entretemps, propose immédiatement une part de galette des rois. Ce que s’apprête à vivre son mari, elle en est parfaitement consciente. Pour cause, elle a été à ses côtés depuis le début de la réflexion. «Mgr Charles Morerod, en printemps 2012, m’a demandé: ‘As-tu déjà pensé au diaconat?’, se rappelle Philippe Hugo et sans me laisser vraiment le temps de répondre, il a ajouté, ‘tu devrais en parler avec ta femme.’ L’évêque est ensuite venu ici à plusieurs reprises, afin de s’entretenir avec nous.»

«Le diaconat ne va pas apporter de nouvelles compétences à mes activités professionnelles.»

Bien que le rôle d’épouse de diacre ne soit pas défini, son accord est sine qua non afin que le mari puisse répondre à l’appel reçu et intégrer les rangs du clergé. Ainsi le veut la tradition de l’Eglise catholique, d’après le concile Vatican II: pendant la liturgie d’ordination, elle doit l’approuver explicitement devant toute l’assemblée.

Aucune compétence nouvelle

Comme les trois enfants jouent à l’étage, Philippe Hugo, d’un geste vif, propose de poursuivre la discussion dans le bureau. En chemin, nous passons devant le sapin, fièrement décoré de boules et guirlandes rouges. L’arbre offre un abri à la petite crèche confectionnée par les enfants, pour la poignée de jours encore, qui nous sépare de la fin du temps de Noël.

Ce théologien, privat-docent à l’Université de Fribourg, partage la pièce avec sa femme pédagogue. Leurs piles de bouquins témoignent que tous deux ont poursuivi des études universitaires jusqu’à l’obtention d’un doctorat et demeurent actifs dans la recherche.

Entre deux bibliothèques fournies d’ouvrages bibliques, les habits liturgiques du futur diacre sont soigneusement suspendus, prêts à être portés pour le grand jour. La réjouissance de l’événement n’empêche pas le théologien d’être réaliste face à ce qui l’attend. «Le diaconat ne va pas apporter de nouvelles compétences à mes activités professionnelles», dit-il, sans hésitation. Alors pourquoi répondre à cet appel? La réponse est à trouver à travers l’ensemble de son parcours, qu’il qualifie volontiers de sinueux.

Du monastère au foyer

A 16 ans, ce jeune Valaisan a une certitude chevillée au corps: il désire offrir sa vie pour le Christ et cette envie ne l’a jamais quitté. La sinuosité du parcours, il l’explique plutôt dans les divers chemins qu’il a emprunté répondre à l’appel de Dieu.

«La vie religieuse n’est pas le seul chemin pour répondre à la radicalité de l’appel.»

Ainsi, à 20 ans, il vit une première expérience monastique auprès des moines bénédictins d’En Calcat, dans le sud-ouest de la France. Son noviciat terminé, il revient en Valais pour partager une vie de moine apostolique à Grimisuat. «L’initiative est venue du cardinal Henri Schwery, lorsqu’il était évêque de Sion», se souvient-il, «avec l’exigence d’une vie monastique et l’ouverture d’un engagement en paroisse.»

Cinq ans plus tard, il rejoint les frères carmes à Montpellier, puis à Fribourg, où il obtient sa licence en théologie, l’équivalent d’un Master actuel. «Ma vie religieuse fut heureuse jusqu’au dernier moment», déclare-t-il, le regard songeur sous un front dégagé, «mais j’ai compris que la vie religieuse n’était pas le seul chemin pour répondre à la radicalité de l’appel de Dieu et du don de soi.»

Philippe Hugo, avec sa femme et ses enfants: "Le foyer est le premier lieu de la mission du diacre". (Photo: Grégory Roth) Philippe Hugo, avec sa femme et ses enfants: «Le foyer est le premier lieu de la mission du diacre». (Photo: Grégory Roth)

Après une réflexion sur son identité et un long discernement, Philippe Hugo quitte la vie monastique et se marie avec Caroline, en poursuivant parallèlement un doctorat en théologie biblique. Bien que son état de vie ait changé, son expérience monastique continue à structurer sa vie spirituelle en famille jusqu’aujourd’hui.

«L’appel de l’évêque a très vite emporté mon adhésion»

Marié depuis treize ans, le futur diacre voit cet appel explicite de son évêque comme un appel de l’Eglise et, à travers elle, du Christ. «Devenir moine, étudier la Bible, me marier avec Caroline et avoir des enfants, c’est moi qui l’ai décidé. Alors que l’appel au diaconat est une initiative extérieure, souhaitée par l’évêque. En ce sens, cette objectivité est devenue un élément suffisant à mon discernement, qui a emporté très vite mon adhésion», déclare le quadragénaire.

Au service des plus pauvres

«Le diacre n’a pas de fonction propre. Ce qu’il fait liturgiquement peut être réalisé par le prêtre et ce qu’il accomplit pour le service de la charité est le devoir de tout baptisé. Mais le diacre signifie ce que toute l’Eglise est appelée à être: serviteur de Dieu et serviteur de l’homme pour Dieu.»

Le théologien cite le père Yves Congar, figure éminente du concile Vatican II: «À chaque vocation commune à tous les chrétiens, correspond aussi une consécration spéciale de quelques uns destinées à en renforcer le signe». Pour lui, le diacre signifie, par toute sa vie et pour toute sa vie, l’importance du service, en particulier aux plus pauvres.

Philippe Hugo, formateur et père de famille, ne prétend pas jouer les Mère Teresa en périphérie, auprès des plus écorchés. Le service des plus pauvres, il le situe dans le cadre de son travail, pour rejoindre les pauvretés de l’Eglise: contribuer à renforcer le lien entre les différents ministères du corps pastoral.


Double ordination diaconale

Dimanche 10 janvier 2016 à 9h30, à l’église de Belfaux (FR), Philippe Hugo sera ordonné diacre permanent, aux côtés de Jean Burin des Roziers. Ce dernier, séminariste pour le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), reçoit également le diaconat, mais en vue de l’ordination sacerdotale, qui fera de lui un nouveau prêtre pour le diocèse dans le courant de l’année 2016. Cette ordination, présidée par Mgr Charles Morerod, évêque de LGF, révèlera deux facettes du diaconat, l’une permanente et l’autre transitoire. (cath.ch-apic/gr)

Philippe Hugo, futur diacre pour le diocèse de LGF, a consacré son doctorat à l'Ancien Testament. (photo: Grégory Roth)
8 janvier 2016 | 11:55
par Grégory Roth
Temps de lecture: env. 5 min.
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