Philippines: L'Eglise dénonce la reprise du nucléaire civil

L’Eglise catholique des Philippines a déploré la volonté du président Duterte de relancer le nucléaire civil dans le pays. Elle s’inquiète en particulier  de la mise en service de la centrale électrique de Morong, dans la province de Bataan, une installation construite dans les années 1970 mais qui n’a jamais fonctionné.

«Notre position n’a pas changé: la centrale de Bataan est dangereuse et lourde de menaces pour la santé publique. Elle portera mort et destruction. Il faut rappeler que la centrale a été bâtie sur une zone où se situe un volcan en activité», a affirmé Mgr Ruperto Santos, évêque du diocèse de Balanga, dans un communiqué daté du 14 novembre 2016. Mgr Santos a ajouté que la mise à jour de la centrale, d’un coût annoncé d’un milliard de dollars, ne ferait qu’alimenter la corruption, rapporte l’agence d’information Eglises d’Asie.

L’évêque de Balanga est également fâché par la volte-face du gouvernement philippin. Le 4 novembre en effet, le président Duterte affirmait que, sous son mandat, aucune centrale nucléaire n’entrerait en fonctionnement dans le pays. Mais le 10 novembre, son ministre de l’énergie, Alfonso Cusi, surprenait tout le monde en déclarant que l’énergie nucléaire était une option possible pour les Philippines. Le ministre précisait que l’exécutif avait donné le coup d’envoi à la réactivation de la centrale de Bataan.

Un serpent ce mer

La centrale nucléaire de Bataan, d’une puissance de 620 MW, est un serpent de mer de la politique philippine. Construite à une centaine de kilomètres à l’ouest de la capitale, elle avait été voulue par le dictateur Ferdinand Marcos en réponse au choc pétrolier de 1973. Financée par un emprunt d’un milliard de dollars, sa construction s’est achevée 1984, avec une facture totale de 2,3 milliards de dollars. Très rapidement, des doutes furent émis sur le choix de son emplacement – la centrale est construite sur une faille sismique – et sur sa fiabilité – conçus par la firme américaine Westinghouse, ses plans reprennent ceux de la centrale de Three Miles Island, victime d’un grave accident en 1979.

En 1986, peu après l’explosion de la centrale de Tchernobyl, la présidente Corazon Aquino décidait de ne pas mettre en service la centrale de Bataan. Mais les emprunts contractés pour sa construction ont néanmoins dûs être honorés et la dernière échéance a été payée en 2007.  A partir de 2009, le Parlement philippin a étudié la mise en service de la centrale, mais jusqu’à présent aucune décision n’avait été prise.

Miser sur le renouvelable

Pour certains observateurs, le revirement du président Duterte pourrait être lié à son récent rapprochement avec la Chine populaire. Il pourrait être le prélude à une coopération économique renforcée, qui irait jusqu’à la vente de centrales nucléaires chinoises aux Philippines.

Pour répondre aux besoins d’une économie et d’une population en forte croissance, les pouvoirs publics des Philippines ont fait porter l’accent, ces dernières années, sur les énergies renouvelables. De fait, la géothermie, les installations hydrauliques, la biomasse, l’éolien et le solaire fournissent aujourd’hui près de 30% de la production électrique. Mais le plan de 2011 de l’ancien président Benigno Aquino prévoyant d’atteindre 50 % d’électricité produite à partir de sources renouvelables à l’horizon 2030 ne sera pas réalisé. Sur le terrain, les autorisations de nouvelles centrales thermiques au charbon se multiplient, tandis que, désormais, le nucléaire est redevenu une option possible. (cath.ch-apic/eda/mp)

La centrale nucéaire de Chooz, en France (photo wikimedia commons Mossot CC BY-SA 1.0)
20 novembre 2016 | 09:53
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 2 min.
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