Le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa | © François-Régis Salefran/Wikimedia/CC BY-SA 4.0
International

RDC: Mgr Ambongo plaide pour les «Multinationales responsables»

Dans un message communiqué aux médias le 18 novembre 2020 par l’œuvre d’entraide catholique Action de Carême, le cardinal Fridolin Ambongo, vice-président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), soutient l’initiative dite des «Multinationales responsables». Il évoque, parmi les causes des souffrances de son pays «le rôle particulièrement important des entreprises multinationales».

Dans son message aux Suisses, Mgr Ambongo, archevêque de Kinshasa et, depuis octobre dernier, membre du Conseil des cardinaux du pape François, se réjouit que l’initiative «offre enfin la chance aux personnes lésées de pouvoir faire valoir leur droit quand cela n’est pas possible dans leur pays».

Permettre aux victimes d’avoir accès à la justice

«La République Démocratique du Congo (RDC) est l’un des pays africains les plus riches en ressources naturelles. Dans le sous-sol de ce pays grand comme 57 fois la Suisse, on trouve du cuivre, du cobalt, du zinc, du coltan, de la cassitérite, de l’or, de la bauxite, du diamant, du pétrole, du gaz… Pourtant, l’abondance de ces matières premières est sans commune mesure avec la pauvreté de la population congolaise.

Il y a déjà 13 ans de cela, nous, évêques de la CENCO, avons lancé un cri d’alerte: Au lieu de contribuer au développement de notre pays et profiter à notre peuple, les minerais, le pétrole et la forêt sont devenus des causes de nos conflits et de notre malheur.

Parmi les multiples causes de ces problèmes, il faut évoquer le rôle particulièrement important des entreprises multinationales. Les multinationales peuvent être un facteur important de développement lorsqu’elles respectent les droits humains et les standards environnementaux, mais elles peuvent aussi contribuer à la misère des populations affectées. La CENCO a dénoncé à plusieurs reprises les conséquences négatives des activités en RDC de plusieurs entreprises extractives, dont des entreprises suisses.

Malgré toutes les promesses faites, il faut constater que la situation en RDC ne s’améliore guère. Les populations avoisinant les mines et carrières souffrent de nombreux maux: leur environnement est pollué, ils n’ont plus accès à l’eau, leurs maisons sont détruites, ils sont délocalisés sans dédommagement, ils sont victimes de violence, etc.

Notre pays, la RDC, a une gouvernance défaillante. Les lois sont mal appliquées et l’impunité est omniprésente. Dans ce contexte, comment imaginer que les victimes de violations des droits humains puissent avoir accès à la justice? En ce qui concerne les multinationales, l’expérience montre qu’elles ne réagissent aux doléances de la population que lorsqu’elles craignent un scandale pour leur réputation dans leur pays d’origine. Sinon, rien ne se passe. Les initiatives volontaires ne suffisent pas.

La Suisse a une responsabilité importante au plan international pour assurer la protection des droits humains. Elle est le siège de nombreuses multinationales actives dans le monde entier, notamment dans des pays pauvres comme la RDC. En tant que dignitaire de l’Eglise Catholique, je m’engage depuis longtemps pour des normes contraignantes pour les multinationales et pour améliorer l’accès à la justice pour les victimes. C’est pourquoi le Pape François encourage chacun et chacune d’entre nous à prendre conscience de notre grave «dette écologique», résultat de l’exploitation des ressources naturelles et de l’activité de multinationales qui «font en dehors de leurs pays ce qu’on ne leur permet pas de faire chez elles». Pour le Saint-Père, la situation est urgente: «Aujourd’hui, pas demain, aujourd’hui, nous devons prendre soin de la Création de manière responsable».[1]

En Suisse, l’Initiative pour des Multinationales Responsables (IMR) offre enfin la chance aux personnes lésées de pouvoir faire valoir leur droit quand cela n’est pas possible dans leur pays. Les entreprises qui polluent l’environnement ou exploitent les gens doivent répondre des actes causés par leurs filiales, même lorsque la justice ne fonctionne pas dans le pays concerné. L’IMR permettra aux victimes d’avoir droit à un procès équitable. Surtout, l’initiative agira de manière préventive et évitera des abus.

C’est un grand plaisir pour moi de voir l’engagement en Suisse de nombreux groupements, d’églises et d’œuvres d’entraide en faveur de l’IMR. C’est un geste de solidarité que le peuple suisse témoigne ainsi envers ses frères et sœurs de la RDC.

Finalement, j’aimerais conclure avec les mots encourageant de l’encyclique Fratelli Tutti: «Une meilleure politique, mise au service du vrai bien commun, est nécessaire pour permettre le développement d’une communauté mondiale, capable de réaliser la fraternité à partir des peuples et des nations qui vivent l’amitié sociale» (FT154). (cath.ch/com/bh)

[1] www.vaticannews.va/fr/pape/news/2020-08/video-pape-septembre-2020-respect-creation.html

Le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa | © François-Régis Salefran/Wikimedia/CC BY-SA 4.0
22 novembre 2020 | 14:20
par Bernard Hallet
Temps de lecture: env. 3 min.
Partagez!