Le château  et l'église St-Etienne de Loèche, en Valais |  DR
Suisse

Relations Eglises-Etat en Valais: les communes exigent la transparence

Les discussions sur la révision de la Constitution valaisanne ont réveillé la question des relations Eglises-Etat dans le canton. En Valais, il faudrait plus précisément dire paroisses – communes puisque ces relations se développent au niveau local. La règle générale veut que les communes couvrent le déficit des paroisses. Une pratique aujourd’hui remise en cause, pas seulement dans les rangs des adversaires de l’Eglise.

Pour tenter d’y voir plus clair dans ce dossier complexe, le Walliser Bote du 3 décembre 2020 a mené l’enquête, notamment dans plusieurs paroisses du Haut-Valais. La plupart des paroisses disposent de biens et d’une fortune, néanmoins, elles affichent toujours des déficits annuels. Selon la taille de la paroisse, les déficits annuels vont de quelques dizaines à plusieurs centaines de milliers de francs.

Au total, les paroisses du canton annoncent un déficit cumulé d’environ 27 millions de francs. Conformément à la loi, les communes sont tenues de prendre en charge ces déficits. Cette pratique soulève un dilemme: les municipalités qui ont du mal à équilibrer leur budget annuel financent des paroisses dont certaines sont riches. Quelques rares paroisses, dont celle de Sion, bénéficient d’un impôt du culte payé par les contribuables catholiques.

115 francs à Rarogne, 125 à Loèche, 170 à Viège

Le Walliser Bote apporte quelques exemples. Au cours des cinq dernières années, la commune de Rarogne a dépensé en moyenne un peu moins de 212’000 francs par an pour couvrir le déficit de la paroisse. Avec 1’900 habitants, cela correspond à un montant de 115 francs par habitant.

La municipalité de Loèche, avec ses près de 4’000 habitants a prévu un budget de plus de 680’000 francs pour les paroisses pour l’année à venir, soit environ 170 francs par habitant.

La contribution de la commune de Viège aux paroisses est d’environ un million pour ses 8’000 habitants, soit une cote de 125 francs par habitant.

A Brig-Glis, la commune supporte tous les coûts salariaux de l’Église catholique, plus d’autres contributions, dont celles à l’Église réformée. Au total, la commune a versé plus de 1,3 million de francs aux paroisses l’an dernier. En outre, elle paie une partie des coûts d’investissement. «C’est conforme à la législation cantonale actuelle», explique le président de commune Louis Ursprung.

Pour les communes, il s’agit de postes budgétaires importants. Le président de Loèche, Martin Lötscher (PDC), est convaincu qu’ils pourraient être réduits. «Il y a plus de synergies à exploiter. Le conseil de communauté et le conseil de gestion (placés tous les deux sous l’autorité du curé NDLR) pourraient être fusionnés, par exemple».

Pour une gestion plus moderne des paroisses

Les communes d’Embd et de Törbel financent conjointement le budget de la paroisse. «Malheureusement, le montant pour Törbel est passé ces dernières années d’environ 130′ à 150’000 francs tous postes budgétaires confondus, ce que je considère personnellement comme trop élevé de la part de la paroisse», déclare Urs Juon, président de Törbel. Une réduction budgétaire doit être envisagée surtout par une régionalisation plus poussée et une coopération plus étroite entre les paroisses, explique le député PDC au Grand-Conseil. Il ne remet pas en cause le financement de base de la paroisse par la commune, mais juge que le montant doit être durable.

Christine Clausen (PDC), présidente d’Ernen, est elle aussi peu satisfaite. Elle explique qu’elle tient personnellement l’évêque Jean Marie Lovey en haute estime. «Mais quand il s’agit d’argent, j’ai souvent des problèmes avec le diocèse. J’aimerais voir une gérance moderne dans les paroisses, avec une gestion active des domaines paroissiaux». Actuellement, les responsables se cachent derrière des règlements incrustés, tels que: «La substance de la propriété de la paroisse ne doit pas être touchée, aucune propriété de la paroisse ne doit être vendue». Pendant que les communes se battent avec les directives de la loi sur l’aménagement du territoire, relève Christine Clausen. «Le dilemme des communes est alors flagrant: elles doivent compenser le déficit des paroisses par la loi et en même temps mettre hors zone les domaines paroissiaux». De plus, les rénovations d’églises qui ne sont pas couvertes par des dons le sont en fin de compte aux frais de la caisse communale. «Le diocèse ne s’en soucie guère. Les paroisses se retrouvent donc avec des déficits malgré leur richesse.»

Pas de chiffres sur la richesse des paroisses valaisannes

Il n’y a actuellement aucun chiffre sur la richesse des paroisses valaisannes. Les différences sont assez importantes, admet Stéphane Vergère, administrateur du diocèse de Sion. Chaque paroisse a ses propres actifs. La substance du patrimoine de la paroisse ne doit pas être touchée, les biens de la paroisse ne peuvent pas être vendus. «Autrefois, les prêtres vivaient des revenus de ces propriétés. Depuis 1991, ils reçoivent un salaire et les propriétés de la paroisse sont gérées comme des biens privés. Dans l’Église, on parle de l’administration d’un père de famille. Le salaire d’un prêtre est similaire à celui d’un enseignant du primaire.»

Pour le diocèse, ce système a ses avantages. «Il permet aux paroisses d’avoir une charge administrative extrêmement faible. Il est beaucoup moins coûteux que, par exemple, la création de corporations ecclésiastiques paroissiales, comme elles existent dans la plupart des cantons suisses alémaniques ou à Fribourg «, explique Stéphane Vergère.

La Constituante veut plus de transparence

Les relations Églises – État sont un des thèmes de la Constituante valaisanne. La question du financement des Eglises doit être réformée et réglementée. «L’objectif est clair: nous voulons soulager les communes et, en contrepartie, le canton doit puiser davantage dans ses caisses», déclare Kurt Regotz (CS), président de la commission spéciale. Seules les Eglises reconnues de droit public doivent être soutenues. Cela signifie qu’elles doivent avoir un certain nombre de membres mais aussi reposer sur un fonctionnement démocratique. À l’avenir, le législateur devra en outre définir les tâches qui doivent être accomplies par les Églises ou par d’autres institutions, et rémunérées en conséquence. «Une chose est certaine, c’est que la transparence jouera un rôle majeur dans ce domaine», conclut Kurt Regotz. (cath.ch/wb/mp)

Le château et l'église St-Etienne de Loèche, en Valais | DR
8 décembre 2020 | 14:31
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 4 min.
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