Une communauté de Zürich ferme la porte à son évêque

Suisse: L’Eglise orthodoxe serbe semble plus que jamais divisée

Georges Scherrer, Apic / Traduction: Bernard Bovigny

Fribourg, 20 mars 2007 (Apic) Le procureur du canton de Zürich a déclaré «illégale» l’interdiction d’accès prononcée par la paroisse orthodoxe serbe de la Sainte Trinité à l’égard de l’évêque Constantin. Il s’agit du dernier rebondissement dans l’affaire qui oppose cette communauté de Zürich à l’évêque orthodoxe serbe qui a son siège à Munich, ainsi qu’aux autres paroisses orthodoxes serbes de Suisse.

Afin de comprendre le fond de cette affaire, il vaut la peine de jeter un regard sur l’histoire récente de la présence de cette Eglise en Suisse.

En 1969, l’évêque Lavrentije, responsable pour l’Europe de l’Ouest, fonde à Berne la paroisse et communauté de «la Sainte Trinité en Suisse». Son recteur est le prêtre orthodoxe serbe Drasko Todorovic.

En 1972, le Père Todorovic déplace son siège à Zürich. Auparavant, il célébrait déjà la liturgie en plusieurs villes de Suisse en raison de la croissance de la communauté serbe. En 1993, les trois paroisses de St-Gall, Berne-Bâle-Romandie et Zürich sont érigées. Une année plus tard, une deuxième paroisse apparaît à Zürich, celle de «la Dormition», qui sera dirigée en 2005 par le Père Miroslav Simijonovic. D’autres communautés seront créées, en plus de celle la «Sainte Trinité» du prêtre Todorovic, à Zürich.

Des «clubs de Serbes transformés en paroisses»

Cette dernière paroisse a récemment diffusé un communiqué de presse, dans lequel elle explique que, concernant «la diaspora d’Europe Centrale» de l’Eglise orthodoxe serbe, «certains milieux de cette diaspora – avec la complicité de l’évêque responsable pour la Suisse – ont transformé des clubs de Serbes en communautés paroissiales». Le but de ces manoeuvres est «la destruction de notre communauté ecclésiale, devenue à leurs yeux trop occidentalisée». Et chaque moyen pour arriver à leurs fins était bon pour eux, ajoute le communiqué. Une porte-parole de la communauté, interrogée par la presse, n’a pas voulu confirmer ces accusations importantes.

Un questionnaire adressé aux personnes qui ont affaire avec les communautés orthodoxes serbes en Suisse a démontré qu’elles s’entendaient bien non seulement avec la paroisse de la Sainte Trinité de Zürich, mais également avec les autres paroisses.

Le prêtre Stanko Markovic est responsable de la paroisse orthodoxe serbe de Berne. Il est venu en 1999 comme étudiant à la Faculté catholique chrétienne de l’Université de Berne. Il déplore que l’on en soit arrivé à de telles divisions à l’intérieur de son Eglise.

Pour lui, il est normal qu’il y ait plusieurs paroisses orthodoxes serbes à Zürich. Car des quelque 130’000 Serbes vivant en Suisse, près de 40% se trouvent dans l’agglomération zurichoise. A Berne, ils ne sont que 11%.

La communauté réunie autour de Stanko Markovic est de même grandeur que celle de la Sainte Trinité de Zürich. Toutes deux comptent environ 1’500 membres, ou 350 familles, qui versent volontairement un montant de solidarité. Afin de rétablir l’unité avec la paroisse de la Sainte Trinité, qui lors de sa fondation gérait toutes les contributions des Serbes en Suisse et se trouve maintenant en rupture avec les autres communautés orthodoxes serbes du pays, le prêtre Markovic ne voit que la solution du dialogue.

Plusieurs motifs invoqués pour la rupture

L’origine de ce conflit pourrait résider dans la personne de l’évêque Constantin (Djokic). Ce dernier a été installé en 1991 à Munich par le Saint Synode du patriarcat orthodoxe serbe à Belgrade. Il aurait dû être reconnu par le recteur Todorovic, mais ce dernier l’a refusé. Des observateurs avancent un motif possible pour expliquer ce refus. L’évêque Constantin n’aurait pas reconnu la dispense en vue d’un remariage octroyée au prêtre séparé Todorovic par son prédécesseur Lavrentije et aurait suspendu le curé, conformément au droit canon orthodoxe.

Un autre motif pourrait être la fortune de la paroisse de la Sainte Trinité. Cette dernière a confié ses biens à une «Fondation pour le développement de l’Eglise orthodoxe serbe en Suisse», ainsi qu’à d’autres institutions, de façon à ce que l’évêque n’ait aucune prise sur cet argent. D’autres expliquent le conflit par le refus de laisser accéder l’évêque aux locaux paroissiaux, interdiction que vient de juger illégale le procureur du canton de Zürich.

Du fait que la communauté paroissiale ne reconnaisse pas l’évêque désigné pour son territoire, elle ne peut pas faire appel aux prêtres orthodoxes serbes en activité en Suisse. Elle doit donc les faire venir de l’extérieur. Selon plusieurs membres de la communauté orthodoxe serbe, l’évêque issu de Bosnie et résidant à Munich n’a pas le doigté nécessaire pour agir en Suisse, où le droit ecclésiastique permet aux paroisses de préserver une certaine autonomie. Ses paroles ont parfois pu être blessantes.

Politique de «protection de l’omophore»

La situation de Zurich est bien connue du président et initiateur de la Communauté de travail des Eglises orthodoxes en Suisse (AGOK / organe non-officiel avec lequel les paroisses collaborent librement), Heinz Gstrein. Il souligne toutefois que ce type de dispute ne touche pas que les Serbes. En Allemagne, toute une série de communautés orthodoxes roumaines et ukrainiennes en conflit ont trouvé refuge auprès du Patriarcat de Constantinople. Cette «protection de l’omophore» (ornement symbolique de l’autorité épiscopale) pour les communautés paroissiales, que les directions ecclésiales ne peuvent éviter, ne pose pas de problème dans la communauté orthodoxe. Elle pourrait tout à fait être envisagée dans le cas de la paroisse de la Sainte Trinité à Zürich. On connaît ce genre de situation dans d’autres régions de la diaspora orthodoxe.

Ces conflits, cependant, pèsent sur la communauté orthodoxe. Le patriarche oecuménique de Constantinople et numéro 1 de l’orthodoxie dans le monde, Bartholomée Ier, s’est d’ailleurs plaint du manque de collaboration entre les différentes Eglises orthodoxes dans la diaspora. (apic/gs/bb)

20 mars 2007 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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