Le président bolivien Evo Morales | © Sebastian Baryli/CC BY 2.0
International

«Un coup d’État de plus au nom de Dieu»

Après la démission du président bolivien Evo Morales, le Conseil National des Églises chrétiennes du Brésil (Conic), regroupant plusieurs organisations chrétiennes, a exprimé son inquiétude sur l’instrumentalisation de Dieu pour justifier la prise de pouvoir autoritaire et néolibérale en Amérique latine.

«’Dieu au-dessus de tout’ a été utilisé par des extrémistes tout au long de l’histoire pour implanter des régimes économiques et politiques autoritaires et violents, rappellent d’abord les signataires du communiqué du Conic, publié le 12 novembre 2019. Les nazis ont ainsi utilisé pendant des années le nom de Dieu et les éléments de la foi chrétienne pour justifier leur idéologie et leurs crimes. Dans le manifeste du parti nazi, Hitler a même été jusqu’à demander à Dieu de bénir les armes allemandes».

Le scénario a été identique avec les membres de la secte fondamentaliste d’extrême droite du Ku Klux Klan, en Amérique Nord. «Pour adhérer au groupe, les membres devaient être chrétiens, en plus d’être blancs et nés aux Etats-Unis, soulignent les membres du Conic. Une Bible était utilisée lors du baptême d’un nouveau membre, et les versets des Romains 12 étaient notamment lus durant les cérémonies». 

Quelques décennies plus tard, le problème touche désormais le continent latino américain. «En Amérique latine, nous assistons à l’instrumentalisation du christianisme pour que des groupes de vieilles oligarchies se réapproprient les espaces politiques et mettent en place des programmes autoritaires et néolibéraux au détriment des peuples», dénonce le communiqué.

Au-dessus de tout et tous

L’exemple souvent cité est celui du président Jair Bolsonaro, élu à la tête du Brésil en janvier 2019. Cet ancien catholique désormais membre de l’Église évangélique ‘Igreja Batista Atitude’ est en effet devenu, durant sa campagne, le symbole de l’instrumentalisation de Dieu, exprimé à travers sa devise: «Le Brésil au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tous».

Avec un gouvernement qui compte aujourd’hui une demi-douzaine de ministres proches de différentes églises évangéliques, un parlement où de nombreux membres affichent ouvertement leurs convictions chrétiennes –au point d’en faire parfois un argument électoral– et des représentants au sein de différentes instances des pouvoirs législatifs et juridiques, ce sont des pans entiers de l’État brésilien qui servent une politique ouvertement assumée de «libéralisme économique» et de «sécurité».

Un putsch, «Bible à la main»

La Bolivie pourrait bien prendre un chemin semblable dans les mois à venir.
«L’entrée avec la Bible à la main, dans le Palais du Gouvernement, du groupe politique qui a forcé Evo Morales à renoncer à son mandat de président et à s’exiler au Mexique, illustre le lien dangereux entre la politique autoritaire et l’instrumentalisation de la religion», ont souligné les membres du Conic. 

Et de rappeler que la Bolivie est un pays plurinational, formé par une population indigène qui maintient sa culture et ses traditions de manière vibrante. «Imposer la Bible de force et réaliser des actions violentes contre les personnes pauvres et la population indigène, au nom du Dieu chrétien, revient à répéter les pratiques colonialistes du passé, ont estimé les signataires du communiqué. La différence, c’est que cette fois, le colonialisme est néolibéral et que le Dieu qui motive cette pratique est le Marché, pas le Dieu aimant et miséricordieux que nous connaissons dans l’Évangile». (cath.ch/jcg/gr)

Le président bolivien Evo Morales | © Sebastian Baryli/CC BY 2.0
12 novembre 2019 | 17:15
par Jean-Claude Gérez
Temps de lecture: env. 2 min.
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