Un obélisque égyptien trône au centre de la place Saint-Pierre de Rome | © Jacques Berset
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Le Vatican insolite: Un obélisque égyptien dans le ciel de Saint-Pierre

La Cité du Vatican est un petit Etat souverain. Ses 44 hectares cachent nombre d’anecdotes et de contrastes : un obélisque païen et des signes du zodiaque, une Garde suisse semi-millénaire dont l’uniforme renaissance n’a été dessiné qu’en 1914, un atelier de mosaïques à l’origine d’une technique novatrice, une salle de cinéma dans une ancienne chapelle, des statistiques hors du commun… Au fil des semaines à venir, dans la continuité de la précédente série sur «le Vatican méconnu», I.MEDIA présentera quelques paradoxes insolites de ce lieu chargé d’histoire.

Que vient faire un obélisque égyptien de 41 mètres de haut sur la place Saint-Pierre ? Cet objet de culte solaire trône face au balcon central de la basilique vaticane, comme pour rappeler au successeur de Pierre le martyre de l’apôtre, crucifié non loin du monolithe. Relation verticale entre la terre et le ciel, on pourrait y voir un symbole d’occultisme ou de syncrétisme. Ce «rayon de soleil figé», témoin du polythéisme, est exorcisé au 16e siècle et célèbre la victoire du Christ sur les religions antiques.

Dépourvu de hiéroglyphes, érigé au temple d’Héliopolis au 19e siècle avant notre ère, l’ouvrage en granite rouge d’Assouan aurait servi d’ex-voto après que le pharaon ait retrouvé la vue. Trop massif pour être amené à Rome, le fût quadrangulaire, dont la partie basse se serait rompue pendant le transport, est érigé au forum d’Alexandrie sous le règne d’Auguste.

350 tonnes de granite rouge d’Assouan

Le monument de près de 350 tonnes traverse finalement la Méditerranée dans un gigantesque navire vers l’an 40 sur ordre de Caligula. L’empereur le dédie à la dynastie impériale: une sphère en bronze au sommet aurait même contenu les cendres du ’divin’ Jules César. Placé au milieu du nouveau Circus Vaticanus, c’est pendant 300 ans le plus grand obélisque de Rome. Lors des persécutions de 64, il voit couler le sang des martyrs, dont celui de Pierre enterré dans la nécropole païenne à proximité de l’ouvrage.

Vers 319, l’empereur Constantin commence la construction de la basilique vaticane sur les gradins de l’ancien cirque. Partiellement enterré, le monolithe fait partie du circuit de pèlerinage et c’est ainsi le seul des 13 obélisques de Rome à ne pas avoir été renversé pendant les invasions barbares. La papauté n’aura de cesse de vouloir le déplacer au centre du parvis, ce qui sera fait sous le pontificat de Sixte V (1585-1590) après sept mois de préparation. Près de 1000 hommes et un peu plus d’un mois sont nécessaires à l’architecte Domenico Fontana pour déplacer de 300 mètres le fût et son piédestal devant la basilique en construction. Comme souvent lorsqu’il fallu relever un obélisque, on raconte qu’un manœuvre constatant que les cordes étaient sur le point de céder brava le silence imposé et cria : «mouillez les cordes». Ce qui aurait sauvé l’opération.

Béni puis consacré à la croix

A la fin d’une procession solennelle, le 26 septembre 1586, Sixte V bénit puis consacre le monolithe «ainsi purifié du culte impure, à la croix invincible». Cette formule et trois inscriptions sont gravées au flanc du piédestal : «le Christ vainc le Christ règne le Christ commande que le Christ préserve son peuple de tout mal», «l’an 1586 le pape Sixte V transporta l’obélisque du Vatican dédié aux dieux païens par un culte impie au seuil du siège des apôtres par un travail difficile» ainsi que le psaume 67 «voici la croix du seigneur fuyez puissances ennemies le lion de la tribu de Juda est vainqueur». La sphère de bronze du pyramidion est remplacée par ses emblèmes héraldiques, trois monts et une étoile à huit branches, surmontés de la croix victorieuse.

Trois ans plus tard, le pontife bâtisseur aurait déposé au sommet des reliques de la croix du Christ. Il faut attendre 1723 pour que le pape Innocent XIII (1721-1724) masque les dédicaces de Caligula au pied du fût par des sculptures de lions et d’aigles couronnés correspondant à ses armoiries. L’ouvrage dressé au milieu de la colonnade du Bernin fait penser à l’aiguille d’un cadran solaire géant. En 1817, l’astronome Filippo Gigli l’entoura à cet effet d’une rose des vents à 16 directions et des signes du zodiaque le long d’une ligne méridienne.

Les papes ont pris l’habitude d’introduire la messe des Rameaux depuis le pied du monolithe. Chaque année avant Noël, la crèche monumentale de la place Saint-Pierre y est installée, flanquée d’un gigantesque sapin. L’emplacement primitif de l’obélisque, au centre de la spina du cirque, est aujourd’hui marqué par une plaque au sol sur la place des protomartyrs, entre le cimetière teutonique et la basilique. (cath.ch-apic/imedia/gjes/mp)

Un obélisque égyptien trône au centre de la place Saint-Pierre de Rome | © Jacques Berset
24 mai 2016 | 11:31
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 3 min.
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Le Vatican insolite: série hebdomadaire

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