Vincent Montagne, PDG du groupe d'édition Média Participations (photo Maurice Page)
Suisse

Vincent Montagne: «Faire de ses collaborateurs des patrons»

«Faire de ses collaborateurs des patrons», telle est la ligne que s’est donné Vincent Montagne, PDG du Groupe Média Participations, le 3e groupe d’édition français. Invité des journées Nicolas et Dorothée de Flüe à St-Maurice, au début novembre, le grand patron a livré ses convictions personnelles et entrepreneuriales fondées sur la doctrine sociale de l’Eglise.

Pour Vincent Montagne, le capital d’une entreprise ne réside pas en premier lieu dans ses finances. Se référant à Jean Paul II, le PDG rappelle que l’homme vaut plus par ce qu’il est, que par ce qu’il a. «Faire de ses collaborateurs des patrons» signifie, pour lui, permettre à chaque personne de devenir ce qu’elle est, de développer ses potentialités. Cette attitude est probablement plus efficace que tous les plans et stratégies, confie-t-il. Elle se base sur le concept de responsabilité. Chacun doit être passionné par son travail et conscient de la valeur de son produit. Une fois cela établi, «il faut ficher la paix aux collaborateurs». Ce qui est évidemment plus facile dans les métiers de l’édition qui requièrent une part importante d’initiative personnelle et de créativité. Et où les décisions sont prises à la base. «Dans certaines filiales, un choix d’édition peut être décidé par deux ou trois personnes.»

L’entreprise comme une famille

L’image de l’entreprise comme une famille est chère aussi aux yeux de Vincent Montagne. La famille est d’abord un lieu de bienveillance et d’assistance mutuelle, elle développe le sens de la solidarité. Elle permet à chaque personne de se dépasser et de grandir. Dans l’entreprise, cet esprit de famille oblige à connaître personnellement les collaborateurs.

«Je serre toujours la main de toutes les personnes»

«Je serre toujours la main de toutes les personnes et je m’efforce d’entrer en contact.» Pour le PDG, ce mode collaboratif fait éclater la hiérarchie et affaiblit le pouvoir, mais en fin de compte, favorise la productivité.

Le caractère unique de chaque personne humaine

Au-delà de l’aspect économique, Vincent Montagne se fonde sur une conviction profonde: le caractère unique de chaque personne humaine. Telle est pour lui, la première clé de comportement d’un dirigeant. «Il s’agit de voir les personnes mises sur mon chemin. Celles qui s’intègrent et celles qui sont exclues, pour toutes sortes de raisons.» «Pendant longtemps je croisais tous les matins l’employé malien chargé du nettoyage de nos bureaux. Nous échangions un bonjour poli et je lui disais merci pour son travail. Puis je me suis aperçu que je ne lui serrais pas la main et que je ne lui parlais pas. J’ai décidé alors de faire sa connaissance. J’ai découvert non seulement qu’il était très intéressant, mais aussi très apprécié dans l’entreprise.» Seule cette relation humaine permet de se poser et de poser les bonnes questions, estime Vincent Montagne. Pour le patron français, une autre clé est le silence qui «permet d’écouter les signaux faibles». Arrivé dans l’entreprise à l’âge de 26 ans, devenu PDG à 31 ans, après le décès de son père Rémy Montagne, Vincent Montagne a dû apprendre à dire «je ne sais pas» et à se mettre à l’écoute des collaborateurs.

Droit à l’erreur et au pardon

Pour un chef d’entreprise, le triptyque – droit à l’erreur, reconnaissance de l’erreur et pardon – est tout aussi indispensable. «Et cela commence par le haut, comme pour le balayage d’un escalier.» Le respect de la dignité personnelle dans le travail passe par cette voie, estime Vincent Montagne.

«Balayer du haut en bas»

Quelquefois, le patron ou le subordonné ne voit pas ses propres erreurs ou se réfugie dans le déni. C’est une catastrophe pour l’entreprise. «Lors d’un récent séminaire avec les cadres du groupe, nous avons défini les valeurs de notre entreprise. Nous en avons retenu sept : autonomie, patience, bienveillance, responsabilité, audace, créativité et partage», conclut ce PDG décidément atypique.


Le groupe Média Participations

«En matière d’édition, nous sommes un groupe puissant, le 3e en France, mais en termes de taille industrielle, nous restons modestes avec un gros millier de collaborateurs, explique Vincent Montage. Le PDG est depuis 1992 à la tête du groupe Médias Participations, fondé en 1985, par son père, l’avocat d’affaires et ancien ministre Rémy Montagne. Ancien président de la jeunesse catholique, Rémy Montagne avait développé un intérêt pour la presse et l’édition, notamment religieuse et s’était lancé dans ce secteur.

Né initialement de la fusion des éditions Fleurus et Mame alors en difficulté, Média Participations est devenu le 3e groupe éditorial en France en termes de chiffre d’affaires. Dès les années 1990, il a mené une politique d’acquisition de titres et de maisons d’éditions. Il rassemble aujourd’hui une vingtaine d’entités dans les domaines de l’édition profane et religieuse, de la presse profane et catholique, de l’audiovisuel, d’internet et des jeux vidéos. L’ensemble du groupe génère un chiffre d’affaires de plus de 300 millions d’euros par an.

Dans le domaine du livre religieux, Média Participations possède les éditeurs Mame, Edifa, Desclée, et Tardy. Pour la presse religieuse, le groupe édite le magazine hebdomadaire Famille Chrétienne et la revue mensuelle de prière et de liturgie Magnificat. Il est également propriétaire de l’agence de presse I.MEDIA basée à Rome.


Le groupe Média Participations en chiffres

  • Un effectif de plus de 1’000 personnes, réparties dans plusieurs pays européens (France, Belgique, Italie, Suisse) et aux Etats-Unis.
  • 32 millions de livres vendus par an, dont près de 20 millions d’albums de bandes dessinées.
  • Près de 1’000 nouveautés par an, dont 600 bandes dessinées.
  • 28 millions d’exemplaires de magazines diffusés par an.
  • 2,3 millions de DVD pour enfants vendus par an et plus de 250 titres au catalogue.
  • 2’500 heures de programmes d’animation pour la télévision.
  • 15 millions de pages vues par mois sur les sites Internet.
  • Une moyenne de 6’000 colis par jour expédiés des centres de distribution.

Un marché mondialisé en pleine révolution

«A l’heure d’un marché mondialisé toujours plus rapide, les groupes de presse et d’édition doivent sans cesse se remettre en cause. Aujourd’hui dans le domaine du jeu vidéo et de l’audio-visuel, mais aussi dans l’édition, une part croissante de nos produits sont dématérialisés.», explique Vincent Montagne.

Cette circulation instantanée de l’information a aussi un impact direct sur l’entreprise. La responsabilité de chaque personne s’accroît.»Les éditions Fleurus ont publié un manuel consacré à l’égalité fille-garçon. Cet ouvrage contenait un passage assez critique sur l’islam. Un appel à la décapitation a été lancé contre les auteurs et l’éditeur!»

Pour le PDG de Média Participations, cette évolution implique le développement de valeurs fortes de l’entreprise. «Nous sommes tous interdépendants. Nous devons dès lors éviter toute tentation d’auto-référence. Nos bandes dessinées touchent quelque 100 millions d’enfants. La diffusion aux Etats-Unis de notre revue de prière et de liturgie Magnificat a changé la manière de célébrer dans nombre de paroisses. Nous avons beaucoup de chance d’avoir des produits comme ceux-là, ou comme Famille Chrétienne, qui ont un impact social fort. Dans ce sens, la notion de bien commun engage toute l’entreprise», conclut Vincent Montagne. (cath.ch/mp)

Vincent Montagne, PDG du groupe d'édition Média Participations (photo Maurice Page)
10 novembre 2016 | 14:38
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 5 min.
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