Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique d'Arabie du Sud | © Jacques Berset
International

Yémen: Les chrétiens fuient les combats et les djihadistes

Aden/Rome, 13 avril 2015 (Apic) Dans la ville d’Aden, au Sud du Yémen, bombardée par la coalition des pays du Golfe qui combat les rebelles chiites Houthis, la population manque de tout et vit dans une situation d’extrême insécurité, témoigne le dernier missionnaire salésien resté au Yémen. Le religieux rapporte que la métropole portuaire de près d’un million d’habitants voit sa population tenter de fuir les combats, y compris vers la Somalie, par bateau.

Dans une interview à l’»Agence iNfo Salésienne» (ANS), le missionnaire qui veut rester anonyme pour des raisons de sécurité, affirme que la situation à Aden s’aggrave de jours en jours en raison des combats qui sèment la mort et les destructions. Il n’y a plus de nourriture, de médicaments, d’eau potable, plus d’électricité, ni de carburant. La situation a empiré, les combats sont plus intenses, y compris à proximité de la maison des Missionnaires de la Charité de Mère Teresa. Les sœurs continuent cependant à s’occuper des malades et n’ont pas l’intention de les abandonner.

Profil bas pour les chrétiens au Yémen

Alors que jusqu’en 1967, Aden était une cité-Etat administrée par les Britanniques et comptait des dizaines d’églises, de temples et de synagogues, les chrétiens – réfugiés, ouvriers étrangers ou résidents temporaires – font «profil bas» par crainte des groupes djihadistes. Il y a quelques jours, presque 300 membres d’Al Qaïda ont pu s’évader de la prison de Mukalla. «La crainte est qu’ils puissent, avec les miliciens de l’Etat islamique (Daech, ndlr), arriver à Aden et participer aux dévastations. C’est la grande peur !».

Des centaines de milliers de déplacés vivent dans une grande misère. Les religieuses de Sanaa, la capitale, affirment que la situation est grave dans cette ville de plus de deux millions d’habitants. Les rues sont désertes. Alors que la situation se détériore d’heure en heure, l’ONU a réclamé une pause humanitaire dans les combats pour venir au secours des civils affectés par le conflit. Deux avions affrétés par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont pu atterrir le 10 et le 11 avril dernier.

Le dernier salésien du Yémen est parvenu à se déplacer ces jours derniers pour célébrer la messe pour des religieuses qui en étaient privées depuis longtemps. Les chrétiens, principalement des expatriés, ont pour la plupart quitté le pays. Au Yémen, la messe est rarement dite et les cloches des églises restent silencieuses. Depuis plus de vingt ans, la pratique des religions autres que l’islam n’a cessé de reculer.


Encadré

La foi chrétienne était largement répandue au sein des tribus arabes

Dans les premiers siècles du christianisme, dans la Péninsule arabique, la foi chrétienne était largement répandue au sein des tribus arabes. Avec le développement de l’islam, la chrétienté locale, avec toutes ses structures – églises, monastères, diocèses – a cependant graduellement disparu de la région. Pendant plus d’un millénaire, les chrétiens y sont pratiquement absents, jusque dans la première moitié du XIXe siècle, où l’on note la présence d’un certain nombre de catholiques à Jeddah, un important port de la mer Rouge.

A l’époque, ces catholiques n’ont pas de prêtre pour les accompagner. C’est seulement le 31 janvier 1841 que la première messe est célébrée à la résidence du consul de France à Jeddah. Seuls quatre catholiques y participent. La mission dans cette région fut rapidement abandonnée, mais Rome approuva la suggestion faite par les missionnaires d’en ouvrir une autre à Aden. Elle allait devenir, en 1888, un vicariat apostolique confié aux capucins de Lyon. Le petit vicariat apostolique d’Aden devint l’année suivante le vicariat apostolique d’Arabie, comprenant toute la Péninsule arabique. En 1953, Rome crée la préfecture apostolique du Koweït qui couvre uniquement le territoire de l’émirat et qui est élevé au rang de vicariat apostolique dès 1954.

Un capucin suisse à la tête du vicariat apostolique d’Arabie du Sud

Le 31 mai 2011, le Saint-Siège redessine ses deux vicariats apostoliques dans la Péninsule arabique, pour mieux prendre en charge la pastorale d’une population catholique – essentiellement des travailleurs immigrés – en pleine croissance. Il crée les vicariats apostoliques d’Arabie méridionale et d’Arabie septentrionale. Le vicariat apostolique d’Arabie septentrionale, comprenant le Koweït, l’Arabie saoudite, Bahreïn et le Qatar, est confié à Mgr Camillo Ballin, un missionnaire combonien d’origine italienne, qui a le titre de vicaire apostolique d’Arabie du Nord, et qui réside à Manama, la capitale du Bahreïn. Le vicariat apostolique d’Arabie du Sud, qui comprend les Emirats Arabes Unis, Oman et le Yémen, est confié au capucin suisse Paul Hinder, qui réside à la cathédrale St-Joseph à Abou Dhabi. La superficie des deux vicariats est de plus de 3 millions de km2.

La population catholique de la Péninsule arabique est actuellement estimée à 2,5 millions sur près de 80 millions d’habitants, rapporte le 8 mars 2014 le quotidien américain «The Boston Globe». Le Koweït et le Qatar abritent entre 350’000 et 400’000 catholiques. Aux Emirats arabes Unis, les catholiques représentent 7% de la population. En Arabie saoudite résident 1,5 million de catholiques, parmi 28 millions d’habitants. Au Bahreïn, le nombre de catholiques se situe entre 100’000 et 140’000 fidèles. (apic/be)

 

Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique d'Arabie du Sud | © Jacques Berset
13 avril 2015 | 11:43
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
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