Vaud: Rencontre avec Lilo Durussel, aumônier catholique de prison

Embellir le quotidien de la prison

Lonay (VD), 24 novembre 2011 (Apic) Lilo Durussel est aumônier catholique à la prison de La Tuilière à Lonay. Pourtant, les hommes et les femmes détenus dont elle s’occupe ne sont pas toujours chrétiens ou croyants. Elle a rencontré l’Apic, afin de donner un aperçu de ce métier qui a beaucoup changé.

« Je pense que pouvoir parler de ses soucis, de sa vie, ou de prier ensemble peut apaiser. L’aumônier n’a pas de baguette magique, mais il peut comprendre et compatir, et prendre ainsi la personne au sérieux. » Lilo Durussel ne dispense pas de catéchisme. Son travail d’aumônier est plutôt centré sur l’écoute, par des entretiens individuels avec les détenus, des rencontres dans les ateliers où ils travaillent. Elle organise aussi des messes, avec un prêtre de l’extérieur.

Vivre avec d’autres cultures

Comme le démontre une étude du Fonds national suisse (Collectivités religieuses, Etat et société – PNR 58), le métier d’aumônier de prison a évolué ces trente dernières années. Ils sont dorénavant confrontés à des cultures et des religions différentes. « Quand on va en prison, on sait que d’autres confessions sont présentes. Dans la loi suisse, un aumônier [membre des églises nationales et salarié ndlr] n’a pas le droit de faire du prosélytisme », explique Lilo Durussel. Elle voit cette présence interculturelle et interreligieuse comme une richesse. « Je ne perds pas pour autant mon identité catholique. Quand je me présente, j’annonce immédiatement que je suis aumônier et, ensuite, les détenus me posent des questions. »

Le deux aumôniers de La Tuilière, une catholique et un réformé, se mettent à disposition de tous les détenus, indépendamment de leurs croyances. Ils prêtent également des Bibles en langues étrangères pour les chrétiens et des Corans, ainsi que des tapis de prière, rangés dans la chapelle de la prison, pour les musulmans qui le souhaitent. Sous la recommandation de l’aumônerie, un imam vient également un vendredi et un mercredi par mois, pour la prière et l’instruction. Selon Lilo Durussel, les musulmans ont beaucoup de questions et discutent volontiers de la Bible et du Coran. Certains fréquentent même les cultes et la messe, « pour s’instruire », comme dit l’un d’entre eux. « Une fois, j’ai fait appel à un rabbin pour un jeune homme pratiquant », se souvient Lilo Durussel. Pour vivre avec ces différentes religions ou cultures, « il faut avoir l’esprit cool et accepter que tout le monde ne pense pas comme moi », argue-t-elle.

Etre femme, un atout

Ce mercredi matin, l’aumônier débute sa journée en visitant les femmes en cuisine et les hommes en atelier. La Tuilière est un établissement mixte, accueillant des hommes et des femmes condamnés ou en détention préventive. « Lilo, elle s’intègre, elle s’assied avec eux. Comme il est rare de voir une femme aumônier, les détenus [hommes] vont plus facilement lui parler. Elle fait beaucoup de bien », relate un chef d’atelier. Un jeune homme, travaillant sur des emballages, confirme: « Elle est toujours présente, elle embellit notre quotidien ». Son codétenu relève: « C’est quelqu’un à qui on peut parler de tout ». En outre, l’aumônier est considéré comme quelqu’un de l’extérieur, hors de la prison. Selon Lilo Durussel, « les prisonniers ont besoin de contacts. Nous sommes tenus à la confidentialité et c’est précieux ».

Pour elle, le fait d’être une femme permet aussi un rapprochement avec les détenus. « Pour les femmes détenues, je suis aussi maman. Pour les hommes, je suis à la fois mère et femme. Il y a un respect chez les hommes qui est touchant ». Certaines de ses visites peuvent déboucher sur des entretiens individuels. « La raison de la condamnation n’est pas importante pour moi. Si on peut faire un travail sur le pardon, c’est magnifique! », explique-t-elle.

Qu’est-ce que l’amour?

Après sa visite aux ateliers, Lilo Durussel s’active pour accueillir le « groupe de parole spirituelle » qu’elle a mis sur pied pour les femmes en détention préventive. Les cinq participantes sont de cultures et de religions différentes. « Tout est spirituel, donc on peut parler de tout. Ce n’est pas du catéchisme », relève l’aumônier, qui considère toutefois que la langue peut constituer un obstacle.

« Qu’est-ce que l’amour pour vous, mesdames? », demande Lilo Durussel, qui introduit le thème du jour par une chanson. « L’amour, pour moi, c’est mon mari, ma mère, mon amie, Lilo. Aucun amour n’est semblable à l’autre », répond une détenue. Sa voisine rétorque: « Je suis pour l’amour inconditionnel que j’éprouve pour ma famille, pour ma mère. Je les aime comme ils sont ». Les participantes écoutent alors la lecture d’un texte, « L’amour fraternel » (1 Corinthiens 13).

« L’amour reste toujours, malgré la mort », dit une jeune femme. Pour une autre, l’amour évoque le respect. Selon Lilo Durussel, « aimer tout le monde est un idéal. Mais on peut faire des efforts. Sans l’amour, rien n’est possible ». À l’issue de la séance, les détenues quittent la chapelle, « un lieu à part, déjà hors de la prison », comme le révèle l’aumônier. « Dans cette prison, on pense peu à l’amour. Lilo nous sort du quotidien, qui n’est pas très beau ici, avec des thèmes que l’on a tendance à oublier, l’amour, la mort », s’épanche une participante. Le temps d’une discussion, elle aura oublié ce quotidien « pas toujours très beau ».

Encadré:

Originaire de Bâle-Campagne, Lilo Durussel est typographe de formation, avant de s’orienter vers le catéchisme. D’abord formée à l’IFM pour le catéchisme auprès des adolescents, elle décide « d’aller à la base pour les gens qui ont soif de spiritualité, d’accompagnement, de quête de sens ». Elle pense trouver cette quête derrière les murs des prisons. « Quand je l’ai annoncé à mon supérieur, il a rigolé: ’Tu es folle!’ Je crois qu’il avait un peu peur aussi », se souvient-elle. Stagiaire à Bochuz, elle se forme également à l’Université de Berne (postgrade en aumônerie de prisons), puis au CHUV à Lausanne (Formation pastorale à l’écoute et à la communication). Engagée par le Département Solidarités de l’Eglise du canton de Vaud, elle entame sa sixième année d’aumônier de prison à 50% à la prison de La Tuilière, à Lonay près de Morges. Outre son poste d’aumônier de prison, Lilo Durussel est aussi responsable de la pastorale « Sectes et nouvelles croyances », également au Département Solidarités de l’Eglise catholique du canton de Vaud. (apic/hg)

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