Europe: La révolte des catholiques progressistes gronde et Rome fait la sourde oreille
Europe, 23 mars 2012 (Apic) Depuis une année en Europe, de plus en plus de laïcs, prêtres et autres théologiens dénoncent l’immobilisme de Rome face aux demandes de réformes au sein de l’Eglise catholique. Dans son édition du 23 mars 2012, le quotidien « Le Temps » a mené l’enquête sur ces catholique progressistes, dont font partie de nombreux prêtres qui vont jusqu’à appeler à la désobéissance.
La surdité et l’immobilisme du Vatican face à des questions brûlantes, comme l’accès des hommes mariés à la prêtrise, l’ordination des femmes, la communion des divorcés remariés, la place des laïcs dans l’Eglise ou encore l’érosion de la vie paroissiale leur est de plus en plus insupportable. Depuis un an, de nombreux laïcs, prêtres, théologiens ou catholiques issus de la base, multiplient les appels à des réformes en profondeur. Ils viennent de plusieurs pays d’Europe, mais aussi des Etats-Unis, du Brésil et d’Australie.
Après l’Autriche, l’Allemagne, l’Irlande et la Grande-Bretagne, la « fronde progressiste » a gagné la Belgique, relève la journaliste Patricia Briel. Elle rappelle qu’en automne dernier, un prêtre de Courtrai a lancé un manifeste intitulé « Des croyants prennent la parole », demandant notamment pourquoi les laïcs ne peuvent prêcher pour pallier le manque cruel de prêtres. Le texte réclame encore l’accession d’hommes mariés et de femme à la prêtrise. Il a recueilli près de 8’000 signatures de soutien et les doléances qu’il contient ont été entendues par les évêques belges. Les prélats ont d’ailleurs reçu des représentants du manifeste début février 2012.
La base catholique a aussi fait part de ses revendications dans le manifeste « Kirche 2011 », publié dans le quotidien bavarois « Süddeutsche Zeitung » et initialement paraphé par 150 théologiens germanophones. Constatant une « crise sans précédent » au sein de l’Eglise catholique allemande, ils invitent l’Eglise universelle à sortir de « certaines structures sclérosées afin de regagner sa crédibilité et une nouvelle vitalité ». Outre la participation des fidèles aux nominations des évêques et des curés, une plus grande ouverture aux couples gays et la fin de la morale « rigoriste et impitoyable » de l’Eglise, les demandes sont les mêmes que celles formulées en Belgique. A ce jour, le texte est soutenu par 315 signataires issus de France, d’Espagne, du Canada, du Brésil, des USA et même de Suisse.
Dans les colonnes du « Temps », l’un d’eux, Michael Felder, professeur à l’Université de Fribourg, balaie toute accusation de volonté de « protestantiser » l’Eglise. Il déplore principalement le manque de pouvoir des évêques. « Il règne actuellement un climat de méfiance au sein de l’Eglise. Nous devons revenir à une culture du dialogue », souligne-t-il.
Fin septembre 2011, c’était au tour de la Communauté des femmes catholiques d’Allemagne (KFD) de lancer une pétition en faveur de l’accès à la communion des divorcés remariés.
En France, de nombreux prêtres et laïcs pensent que Rome devrait plus s’occuper du « schisme progressiste silencieux » qui est en train de « secouer » l’Europe, plutôt que du schisme intégriste avec la Fraternité Saint-Pie X. L’Eglise est actuellement « trop frileuse » pour entreprendre des réformes, ont jugé les 170 responsables ecclésiastiques ou civils signataires, en novembre 2011, d’une « Lettre ouverte aux chrétiens du diocèse de Rouen ».
Cette lettre se voulait dans la lignée de la « Pfarrer-Initiative », un appel à la désobéissance lancé en juin 2011 par environ 300 prêtres autrichiens. Ceux-ci ont fait savoir qu’ils ne suivront plus les directives de Rome en ce qui concerne notamment la communion des divorcés remariés et qu’ils soutiendront désormais l’ordination des femmes et celle des hommes mariés. Pas moins de 30% des prêtres du pays soutiendraient ce texte, selon un sondage. Assez pour que les évêques autrichiens aient été convoqués à Rome, le 23 janvier dernier.
L’ordination des femmes et le mariage des prêtres sont aussi devenus des sujets de colère des catholiques en Australie et en Irlande. « Le Temps » cite un sondage publié le 29 février dernier sur le site de l’ »Association of catholic priests » (Association des prêtres catholiques), selon lequel 61% des ecclésiastiques interrogés estiment que la hiérarchie catholique ne comprend pas le travail et les défis auxquels les prêtres doivent faire face actuellement. 67% pensent que les évêques sont trop soumis à Rome. 78% se disent en faveur du mariage des prêtres et 60% pour l’ordination des femmes.
Selon l’historien et Père jésuite Jean-Blaise Fellay, la cause de cette sorte de « printemps catholique » est bien dans la perte de poids et d’autorité des évêques, autant dans l’Eglise que dans la société. Interviewé par la journaliste Patricia Briel, il les considère désormais comme des « hauts fonctionnaires et de gestionnaires ecclésiastiques ».
Le jésuite pointe aussi du doigt l’absence de débats réels au sein de l’Eglise, l’échec du Concile Vatican II dont l’un des buts était de restaurer le rôle des évêques. « Les synodes se sont transformés en chambres d’étouffement plutôt qu’en lieu de créativité. L’intérêt public pour les synodes est tombé parce qu’il n’en sort rien ou si peu. Tout ce qu’il y avait de neuf et de saillant dans les exposés a été gommé, aplati dans les textes finaux », explique-t-il.
Pour Jean-Blaise Fellay, le système ecclésial actuel est plus proche de l’absolutisme royal du XVIIIe siècle que de la société libérale du XXIe siècle. Un contexte favorable aux impulsions qui viennent du bas, puisque les laïcs sont désormais les seuls à pouvoir exposer des demandes et des revendications. Et de conclure: « Les problèmes actuels nécessitent un retour beaucoup plus radical aux sources évangéliques et pas simplement un ravaudage ecclésiastique. Je ne suis pas certain que, dans ce contexte, l’ordination d’hommes mariés et de femmes représente à elle seule une solution. » (apic/letemps/pb/nd)
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